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patie ou la modération des passions & des douleurs. Ils prétendoient qu’en ne déterminant rien sur la nature des biens & des maux, on ne poursuit rien avec trop de vivacité, & que par-là on arrive à une tranquillité parfaite, telle que peut la procurer l’esprit philosophique : au-lieu que ceux qui établissent qu’il y a de vrais biens & de vrais maux, se tourmentent pour obtenir ce qu’ils regardent comme un vrai bien. Il arrive de-là qu’ils sont déchirés par mille secrettes inquiétudes, soit que n’agissant plus conformément à la raison, ils s’élevent sans mesure, soit qu’ils soient emportés loin de leur devoir par la fougue de leurs passions, soit enfin que craignant toujours quelque changement, ils se consument en efforts inutiles pour retenir des biens qui leur échappent. Ils ne s’imaginoient pourtant pas, comme les Stoïciens, être exempts de toutes les incommodités qui viennent du choc & de l’action des objets extérieurs ; mais ils prétendoient qu’à la faveur de leur doute sur ce qui est bien ou mal, ils souffroient beaucoup moins que le reste des hommes, qui sont doublement tourmentés, & par les maux qu’ils souffrent, & par la persuasion où ils sont que ce sont de vrais maux.

C’est une ancienne question, comme nous l’apprenons d’Aulugelle, & fort débattue par plusieurs auteurs grecs, savoir en quoi different les Sceptiques & les académiciens de la nouvelle académie. Plutarque avoit fait un livre sur cette matiere ; mais puisque le tems nous a privé de ces secours de l’antiquité, suivons Sextus Empiricus, qui a rapporté si exactement tous les points en quoi consiste cette différence, qu’il ne s’y peut rien ajouter.

Il met le premier point de différence, qui se trouve entre la nouvelle académie & la doctrine sceptique, en ce que l’une & l’autre disant que l’entendement humain ne peut rien comprendre, les académiciens le disent affirmativement, & les Sceptiques le disent en doutant.

Le second point de différence proposé par Sextus, consiste en ce que les uns & les autres étant conduits par une apparence de bonté, dont l’idée leur est imprimée dans l’esprit, les academiciens la suivent, & les Sceptiques s’y laissent conduire ; & en ce que les académiciens appellent cela opinion ou persuasion, & non les Sceptiques : bien que ni les uns ni les autres n’affirment que la chose d’où part cette image ou apparence de bonté soit bonne, mais les uns & les autres avouent que la chose qu’ils ont choisie leur semble bonne, & qu’ils ont cette idée imprimée dans l’esprit, à laquelle ils se laissent conduire.

Le troisieme point de difference revient au même. Les académiciens soutiennent que quelques-unes de leurs idées sont vraissemblables, les autres non ; & qu’entre celles qui sont vraissemblables il y a du plus & du moins. Les Sceptiques prétendent qu’elles sont égales, par rapport à la créance que nous leur donnons ; mais Sextus qui propose cette différence, fournit lui-même le moyen de la lever, car il dit que les Sceptiques veulent que la foi des idées soit égale par rapport à la raison, c’est-à-dire autant qu’elle se rapporte à la connoissance de la vérité & à l’acquisition de la science par la raison, car l’idée la plus claire n’a pas plus de pouvoir pour me faire connoitre la vérité : mais en ce qui regarde l’usage de la vie, ils veulent que l’on préfere cette idée claire à celle qui est obscure.

La quatrieme différence consiste moins dans la chose que dans la maniere de s’exprimer ; car les uns & les autres avouent qu’ils sont attirés par quelques objets ; mais les académiciens disent que cette attraction se fait en eux avec une véhémente propension, ce que les Sceptiques ne disent pas, comme si les uns étoient portés vers les choses vraissemblables & que les autres s’y laissassent seulement conduire,

quoique ni les uns ni les autres n’y donnent pas leur consentement.

Sextus Empiricus met encore entre eux une autre différence, sur les choses qui concernent la fin, disant que les académiciens suivent la probabilité dans l’usage de la vie, & que les Sceptiques obéissent aux lois, à la coutume, & aux affections naturelles. En cela comme en plusieurs choses, leur langage est différent, quoique leurs sentimens soient pareils. Quand l’académicien obéit aux lois, il dit qu’il le fait parce qu’il a opinion que cela est bon à faire, & que cela est probable ; & quand le sceptique fait la même chose, il ne se sert point de ces termes d’opinion & de probabilité, qui lui paroissent trop décisifs.

Ces différences qui sont légeres & imperceptibles, ont été cause qu’on les a tous confondus sous le nom de Sceptiques. Si les philosophes qui ont embrassé cette secte, ont mieux aimé être appellés académiciens que pyrrhoniens, deux raisons assez vraissemblables y ont contribué ; l’une est que fort peu de philosophes illustres sont sortis de l’école de Pyrrhon, au-lieu que l’académie a donné beaucoup d’excellens hommes, auxquels il est glorieux de se voir associé ; l’autre est qu’on a ridiculisé Pyrrhon & les Pyrrhoniens, comme s’ils avoient réduit la vie des hommes à une entiere inaction, & que ceux qui se diront pyrrhoniens tomberont nécessairement dans le même ridicule.

SCEPTRA, (Géog. anc.) ville de l’Asie mineure ; c’étoit une des sept villes dont Cyrus fit présent à son favori Pytharcus, au rapport d’Athénée. (D. J.)

SCEPTRE, s. m. (Gram. & Hist. anc. & mod.) dans l’origine, le sceptre n’étoit qu’une canne ou bâton que les rois & les généraux portoient à la main pour s’appuyer ; & c’est ce qu’on appelle en terme de médaille hasta pura, une pique ou hallebarde sans fer qu’on voit à la main des divinités ou des rois : c’est le sentiment de Nicod, qui paroît d’autant plus fondé que Justin raconte que le sceptre des premiers rois étoit une lance. Cet historien ajoute que dans l’antiquité la plus reculée les hommes adoroient la haste ou le sceptre comme des dieux immortels, & que de son tems encore on mettoit par cette raison un sceptre à la main des dieux. Celui de Neptune étoit son trident.

Dans la suite, le sceptre devint un ornement royal, & la marque du souverain pouvoir. Dans Homere, les princes grecs ligués contre Troye, portent des sceptres d’or. Celui d’Agamemnon, dit-il, ouvrage incomparable de Vulcain qui l’avoit donné au fils de Saturne, passa de Jupiter à Mercure, puis à Pélops, à Atrée, à Thyeste & à Agamemnon : on le conservoit encore du tems de ce poëte, on l’adoroit même, & on lui faisoit tous les jours des sacrifices à Chéronée, où l’on n’en montroit pourtant que le bois, les Phocéens ayant enlevé les lames d’or qui le couvroient.

Le sceptre des rois fut donc revêtu d’ornemens de cuivre, d’ivoire, d’argent ou d’or, & de figures symboliques. Tarquin l’ancien le porta le premier à Rome, & les consuls le porterent aussi sous le nom de scipio, bâton de commandement. Les empereurs l’ont conservé jusques dans les derniers tems, & les rois le portent dans les grandes cérémonies. Il est surmonté ou distingué par quelque pieces de leur blason. Ainsi celui du roi de France est surmonté d’une fleur de lys double, celui de l’empereur d’un aigle à deux têtes, celui du grand-seigneur d’un croissant, &c. Phocas est le premier qui ait fait ajouter une croix à son sceptre : ses successeurs quitterent même le sceptre pour ne plus tenir à la main que des croix de différentes formes & de différentes grandeurs. M. le Gendre dit, le sceptre de nos rois de la premiere race étoit un bâton d’or recourbe par le bout en for-