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qui renferme le cœur de François II. On voit aussi de cet artiste, dans la même église, le tombeau en pierre, avec la figure de Charlemagne, vétue militairement.

Puget (Pierre), le Michel-Ange de la France, admirable Sculpteur, bon peintre, excellent architecte, naquit à Marseille en 1623, de parens qui manquoient du bien nécessaire pour soutenir leur nom.

Les talens qu’avoit le jeune Puget pour le dessein parurent dès qu’il put manier le crayon. On le mit à l’âge de 14 ans chez un habile sculpteur de Marseille, & qui passoit pour le meilleur constructeur de galeres du pays. Il fut si satisfait de son éleve, après deux ans d’apprentissage, qu’il lui confia le soin de la sculpture & de la construction d’un de ses bâtimens ; mais Puget curieux de se perfectionner, se rendit à Florence chez le grand-duc, & passa de-là à Rome, où il s’appliqua tout entier à la peinture.

Il resta près de 15 ans dans cette capitale des beaux arts. De retour dans sa patrie, il inventa ces belles galeres du royaume, que les étrangers ont tâché d’imiter. Il embellit Toulon, Marseille & Aix de plusieurs tableaux qui font encore l’honneur des églises des capucins & des jésuites. Tels sont une annonciation, le baptême de Constantin, le tableau qu’on appelle le Sauveur du monde, &c. L’éducation d’Achille est le dernier ouvrage qu’il ait fait en ce genre.

La sculpture devint, après une maladie dangereuse qu’il eut en 1657, sa passion favorite, soit qu’elle lui coutât moins, soit que les modeles qu’il fit dans sa convalescence l’amusassent plus agréablement, il ne peignit plus depuis ce tems-là ; mais il embellit Toulon d’excellens ouvrages en sculpture. On y admire toujours les ornemens qu’il fit pour la porte de l’hôtel-de-ville de cette place. Les armes de France en bas-relief de marbre qui ornent l’hôtel-de-ville de Marseille, sont aussi de sa main.

M. Fouquet instruit par la renommée des talens du Puget, le chargea d’aller choisir en Italie les plus beaux blocs de marbre qu’il destinoit à la sculpture du royaume, & tandis qu’on en chargeoit quelques bâtimens à Gènes, notre artiste s’occupa à faire ce bel Hercule, qu’on mit à Sceaux, & qui est couché sur un bouclier aux fleurs-de-lis de France. Dans ces conjectures M. Fouquet fut disgracié, ce qui devint un obstacle au retour du Puget, dont l’étranger profita pour avoir de ses chefs-d’œuvres. Le duc de Mantoue obtint de lui un bas-relief de l’assomption, auquel le cavalier Bernin prodigua ses éloges.

Enfin M. de Colbert, qui veilloit aux progrès des arts, rappella ce célebre artiste dans le royaume, & l’honora d’une pension de douze cens écus, en qualité de sculpteur & directeur des ouvrages qui regardoient les vaisseaux & les galeres. Alors le Puget avide de travailler à des monumens qui passassent à la postérité, entreprit son bas-relief d’Alexandre & de Diogene ; ce monument qu’il n’a pu achever que sur la fin de ses jours, est le plus grand morceau de sculpture qu’il ait exécuté.

Mais Milon Crotoniate est la premiere & la plus belle statue qui ait paru à Versailles de la main du Puget. On croit voir le sang circuler dans les veines de Milon ; la douleur & la rage sont exprimés sur son visage ; tous les muscles de son corps marquent les efforts que fait cet athlete pour dégager sa main, laquelle étoit prise dans le tronc d’un arbre qu’il avoit voulu fendre, tandis que de l’autre, il arrache la langue de la gueule d’un lion qui le mordoit par derriere.

Après la mort de Colbert, M. de Louvois, sur-intendant des bâtimens, engagea le Puget à travailler à un grouppe, pour accompagner celui de Milon ; le Puget exécuta son Andromede & Persée. On est tenté de toucher les chairs de l’Andromède ; & quoique la

figure en paroisse un peu trop raccourcie, on y trouve cependant les même proportions que dans la Vénus de Médicis.

Le dernier ouvrage du Puget, est le bas-relief de S. Charles, où la peste de Milan est représentée d’une maniere si touchante. Le Puget avoit modelé en cire la figure équestre de Louis XIV. que l’on devoit ériger dans la place royale de Marseille, dont il avoit aussi donné le dessein. Girardon conservoit précieusement quelques marines à la plume de la main de ce grand maître.

Les morceaux de sculpture de cet artiste inimitable, ainsi que Louis XIV. le nommoit, pourroient être comparés à l’antique, pour le grand goût & la correction du dessein, pour la noblesse de ses caracteres, pour la beauté de ses idées, le feu de ses expressions, & l’heureuse fécondité de son génie. Le marbre s’amollissoit sous son ciseau, prenoit entre ses mains du sentiment, & cette flexibilité qui caractérise si bien les chairs, & les fait sentir même au-travers des draperies. Cet admirable artiste est mort dans la ville qui lui donna la naissance, en 1695, âgé de 72 ans.

Quellins (Artus), né à Anvers, a fait pour sa patrie des morceaux de sculpture, qui le mettent au rang des bons artistes flamans. Il est neveu d’Erasme Quellins, qu’on regarde comme le dernier peintre de l’école de Rubens.

Regnauldin (Thomas), natif de Moulins, mort à Paris en 1706, âgé de 79 ans, a fait quelques morceaux assez estimés. On voit de lui dans les jardins de Versailles l’Antonine & Faustine, & aux Tuileries le grouppe qui représente l’enlevement de Cybele par Saturne sous la figure du Tems.

Rossi (Propertia), cette demoiselle fleurissoit à Boulogne sous le pontificat de Clément VII. La musique qu’elle possédoit faisoit son amusement, & la sculpture son occupation. D’abord elle modela des figures de terre qu’elle dessinoit, ensuite elle travailla sur le bois ; enfin elle s’exerça sur la pierre, & fit pour décorer la façade de l’église de sainte Pétrone, plusieurs statues de marbre, qui lui mériterent l’éloge des connoisseurs ; mais une passion malheureuse pour un jeune homme qui n’y répondit point, la jetta dans une langueur qui précipita la fin de ses jours. Dans cet état, se rappellant l’histoire de la femme de Putiphar & de Joseph, elle représenta en bas-relief cette histoire, qui avoit quelque rapport à sa situation, & rendit naturellement la figure de Joseph d’après celle de son amant. Ce morceau de sculpture fut le dernier ouvrage, & le chef-d’œuvre de Propertia. Mais Angelo Rossi en a fait d’autres d’un goût presque égal à l’antique, & qui passeront à la postérité.

Rustici (Jean-François) florentin, jetta la plûpart de ses statues en bronze. On a loué une Léda de sa main, une Europe, un Neptune, un Vulcain, un homme à cheval d’une hauteur extraordinaire, & une femme d’une forme colossale. Il vint en France en 1528, & y fut employé le reste de ses jours par François I. à plusieurs ouvrages.

Sarasin (Jacques), né à Noyon en 1598, mort en 1660. Il vint dès sa plus tendre enfance à Paris, où il apprit à dessiner & à modeler ; mais comme la France sortoit encore d’une espece de barbarie pour les beaux arts, & que la sculpture y manquoit de maîtres pour en montrer les charmes & le génie, il alla s’en instruire à Rome, & y demeura pendant l’espace de 18 ans. Là il fit pour le cardinal Aldobrandin un Atlas & un Polyphème qui soutenoient presque la comparaison avec les beaux ouvrages d’Italie. En revenant de Rome, il exerça son ciseau à un S. Jean-Baptiste & un S. Bruno, qui passent pour un des plus singuliers ornemens de la chartreuse de Lyon. De retour à Paris, il fut employé pour les églises,