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unité ; mais si Rome étoit détruite ou devenoit hérétique, l’église conviendroit d’un autre centre d’unité, qu’on regarderoit toujours comme le saint siege, tant qu’on y conserveroit la foi de l’église. Ainsi ce n’est pas l’église qui doit se régler sur l’évêché où est le saint siege : car il étoit autrefois à Antioche ; mais c’est cet évêché qui doit garder les dogmes & se conformer aux regles de l’église ; & ce n’est que tant qu’il conserve ces dogmes & qu’il garde ces regles, que l’église le regarde comme le centre de l’unité.

La cour de Rome est fort différente du saint siege ; quelquefois on entend simplement par ce mot, les officiers du pape ; c’est en ce sens que l’on dit se pourvoir en cour de Rome ; mais la cour de Rome dans un autre sens, c’est cet assemblage de courtisans attentifs à relever la grandeur & la puissance des papes, afin d’y trouver eux-mêmes de quoi se relever & s’enrichir ; c’est une foule de flatteurs, qui attribuent aux pontifes romains des perfections que Dieu seul possede, & qu’il n’a communiquées à aucun homme mortel ; ce sont enfin des gens qui n’oublient rien, pour changer l’humilité sainte & le désintéressement apostolique, en un intérêt condamnable & en une domination arbitraire. C’est de cette extravagante prétention, que sont venus tant d’abus & de desordres qui désolent l’église chrétienne & fortifient le schisme. (D. J.)

Siege, dans l’Art militaire, est le campement d’une armée autour d’une place à dessein de s’en emparer, soit par famine en faisant des retranchemens tout-au-tour, & empêchant tout convoi de s’y introduire, soit à force ouverte en combattant les fossés & faisant des attaques formelles. Voyez Lignes, Tranchée, Approche.

Ce mot signifie à la lettre demeure, faisant allusion à ce que l’armée y fait sa demeure jusqu’à la réduction de la place.

Les sieges les plus célebres de l’antiquité sont ceux de Troye, de Tyr, d’Alexandie, de Numance, &c. & parmi les modernes, ceux d’Ostende, de Candie, de Grave, de Prague, &c.

Les sieges peuvent se diviser en plusieurs especes, suivant la nature des villes qu’on doit attaque, & la méthode qu’on y employe.

Le premier est le siege royal ou le véritable siege ; c’est celui dans lequel on fait tous les travaux nécessaires pour s’emparer de la place, en chassant successivement l’ennemi de toutes les fortifications qui la défendent ; cette sorte de siege ne se fait qu’aux villes considérables & importantes, & c’est de ce siege qu’on entend parler ordinairement, lorsqu’on dit qu’une armée fait le siege d’une place.

Le siege qui ne demande point tous les travaux du siege royal se nomme simplement attaque ; c’est pourquoi, lorsqu’un corps de troupes est envoyé pour s’emparer d’un poste important, comme d’un château ou de quelqu’autre petit lieu occupé par l’ennemi ; on ne dit point qu’on en va faire le siege, mais l’attaque.

M. de Folard, dans son Traité de l’attaque & de la défense des places des anciens, blâme avec raison ceux qui confondent le siege avec le blocus ou le bombardement. Il attaque à ce sujet un officier d’artillerie, qui dans un mémoire donné à l’académie des Sciences, sur la méthode de tirer les bombes avec succès, ne met aucune différence entre un siege dans les formes & un bombardement. Cet officier réduit à vingt-cinq les défauts où l’on tombe dans le jet des bombes pour y remédier, & les corrige autant que faire se peut : voici, dit-il, ce que j’ai pratiqué aux sieges de Nice, Alger, Gènes, Tripoli, Rose, Palamos, Barcelonne, Alicant, & nombre d’autres places que j’ai bombardées. « Qui ne croiroit, en lisant cela, dit M. de Fosard, qu’Alger, Gènes & Tripoli, ont soutenu un siege ?

& ces sieges sont imaginaires, du moins de son tems. Ces trois villes furent bombardées par mer, & personne ne mit pié à terre ; c’est donc improprement qu’on se sert du terme de siege, lorsqu’il s’agit d’un bombardement, confondant ainsi l’un avec l’autre ».

La résolution des sieges est une affaire de cabinet, elle est une suite naturelle de la supériorité que l’on croit avoir sur ses ennemis : mais leur exécution étant une des plus sérieuses, des plus importantes & des plus difficiles parties de la guerre, elle demande aussi le plus de mesure & de circonspection ; leur succès dépend de plusieurs choses.

1°. Du secret sans lequel il est difficile de réussir.

2°. Des forces qu’on a sur pié pour attaquer les places des ennemis, & défendre les siennes.

3°. De la disposition des ennemis ; car s’ils sont réunis & aussi forts que celui qui veut les attaquer, ils peuvent empêcher le succès du siege.

4°. De l’état des magasins les plus à-portée des lieux sur lesquels on peut entreprendre.

5°. De la conjoncture des tems ; car tous ne sont pas propres aux sieges, & rien n’étant plus ruineux pour les armées que ceux d’hiver, on les doit éviter tant qu’on peut.

6°. Des fonds nécessaires à leur dépense ; car l’argent étant le nerf de la guerre, sans lui on ne sauroit réussir en rien.

Ce sont toutes mesures à prendre de longue-main, qui doivent être dirigées à loisir ; & après tout cela, quand on croit les avoir bien prises, souvent tout échappe ; car l’ennemi qui n’est jamais d’accord avec vous pourra vous interrompre.

1°. Parce qu’il sera aussi sort que vous, & qu’il vous observera de près.

2°. Parce qu’il aura aussi dessein d’entreprendre de son côté sur des places, dont la conservation vous importe plus, que la conquête de celles sur lesquelles vous pourriez entreprendre.

3°. Parce qu’il sera en état de courir sur votre pays & d’y porter la désolation, pendant que vous serez occupe au siege d’une place, dont la prise, qui peut être incertaine, ne vous dédommageroit pas des pertes que vous pourriez souffrir.

4°. Enfin, parce qu’il peut se mettre à-portée de vous combattre, avant que vous puissiez être établi devant la place que vous voulez attaquer.

Il faut bien peser toutes ces considérations avant que de se déterminer, & prendre toujours si bien son tems, que l’ennemi ne puisse vous tomber sur les bras avant votre établissement.

Dans l’un & l’autre cas le mieux est d’être le plus fort, & d’avoir deux armées quand on le peut ; savoir, une qui assiége, & l’autre qui observe. Celle qui assiége se renferme dans ses lignes, & celle qui observe ne fait que rôder & occuper les avenues par où l’ennemi peut se présenter ou prendre des postes, & s’y retrancher, ou le suivre s’il s’éloigne, en le côtoyant & se postant toujours entre lui & l’armée assiégeante, le plus avantageusement qu’il est possible.

L’armée d’observation est encore d’un grand secours à l’assiégeant dans le commencement du siege, parce qu’elle veille à sa conservation, peut le favoriser, escorter ses convois, lui fournir des fascines, & faire plusieurs autres corvées. Réciproquement l’armée assiégeante la peut renforcer dans le besoin, après les six ou sept premiers jours de tranchée, quand elle a bien pris ses avantages contre la place.

C’est encore une circonstance bien favorable de pouvoir attaquer avant que l’ennemi se puisse mettre en campagne avec toutes ses forces, ou dans l’arriere saison, après qu’une partie de ses troupes s’étant retirée, il n’est plus assez fort pour s’opposer aux entreprises. M. de Vauban, Attaq. des places.