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selon qu’ils se trouvent dans les fastes. 2°. Depuis l’an 485 jusqu’à l’empire d’Auguste, les médailles que Goltzius rapporte n’ont point été frappées ni par les consuls, ni pour les consuls dont elles portent le nom, mais seulement par les Monétaires qui étant de la même famille, ont voulu conserver leur nom ou celui de leurs ancêtres. C’est ce qu’il est nécessaire d’observer, pour corriger l’erreur des jeunes curieux, qui s’imaginent que les médailles consulaires sont ainsi nommées, parce qu’elles ont été frappées pour les consuls qui entroient toutes les années en charge ; quoique dans le vrai, on ne leur ait donné ce nom que parce qu’elles ont été battues du tems que la république étoit gouvernée par les consuls.

Parlons à présent des médailles impériales qui constituent notre quatrieme ordre, & où l’on trouve toutes les têtes nécessaires, pour faire la suite complette des empereurs jusqu’à nos jours. On estime particulierement les antiques, & parmi les antiques celles qui composent le haut-empire, que l’on renferme entre Jules-César & les trente tyrans. Il ne laisse pas d’y en avoir d’assez bien frappées & d’assez curieuses jusqu’à la famille de Constantin, où finit toute la belle curiosité. Occo, médecin allemand à Ausbourg, nous en a donné la premiere description dès l’année 1579. Son livre fut imprimé à Anvers, & le nombre des médailles qu’il ramassoit s’étant toujours grossi, il en fit une seconde édition à Ausbourg en 1601, qui est la bonne. Le comte Mezza-Barba en a donné une troisieme édition, augmentée de plusieurs milliers.

On fait un cinquieme ordre de suites de médailles ; c’est celle des déités, parce que l’on commence à rechercher ces sortes de médailles avec soin, à cause du plaisir qu’il y a d’y voir les noms des divinités, les symboles, les temples les autels & les pays où elles étoient honorées. On en peut former une belle suite de bronze par le moyen des villes greques, où l’on en trouve une très-grande quantité ; mais la plus agréable est celle d’argent que fournissent les médailles des familles. Il y en a quantité dans le cabinet du roi, & l’on peut porter cette suite beaucoup plus loin que dans l’un & dans l’autre métal, si l’on veut emprunter les revers des impériales, où les déïtés sont représentées plus agréablement encore que sur les médailles des familles, tant parce qu’elles y ont tous leurs titres différens, que parce qu’elles y sont ordinairement représentées de toute leur grandeur ; de sorte que l’on y distingue l’habillement, les armes, les symboles, & les villes où elles ont été plus particulierement honorées.

Le P. Jobert a imaginé une sixieme suite qui seroit composée de toutes les personnes illustres dont nous avons les médailles, comme des fondateurs des villes & des républiques. Bizas, Tomus, Nemausus, Taras, &c. Smyrna, Amastris, &c. des reines, Cléopatre, Zénobie, &c. des plus fameux législateurs, Lycurgue, Zaleucus, Pittacus ; des grands hommes, comme Pythagore, Archimede, Euclide, Hippocrate, Chrysippe, Homere, & semblables personnages, recommandables par leur science ou par leur sagesse ; très-assûrément on verroit avec plaisir une suite pareille, si, comme le remarque M. de la Bastie, on avoit lieu d’espérer de la porter à une certaine perfection.

Plusieurs antiquaires ont depuis long-tems essayé de nous donner des suites de têtes des hommes illustres de l’antiquité ; mais la plûpart de ceux qui ont eu cette pensée, ont jugé qu’il étoit impossible d’en ramasser beaucoup, s’ils se contentoient de s’attacher aux têtes qui se trouvent sur les médailles ; c’est pourquoi ils y ont ajouté celles qui se sont conservées par le moyen des statues & des bustes, en

marbre ou en bronze, & même des pierres gravées. Je ne connois pas de recueil en ce genre plus ancien que celui qui fut publié à Rome par Achille Stace, savant portugais, sous ce titre : Illustrium virorum, ut extant in urbe expressi vultus, 1569, fol.

Cette collection fut considérablement augmentée par les soins de Fulvio Ursini, & réimprimé à Rome sous ce titre : Imagines & elogia virotum illustrium, ex lapidibus & numismatibus, expressa cum annotationibus, ex bibliothecâ Fulvii Ursini, Rom. 1570, fol. Le cabinet d’Ursini ayant encore reçu de nouvelles augmentations, Théodore Gallaeus, dans un voyage qu’il fit à Rome, dessina de nouveau les têtes des hommes illustres qu’il y remarqua ; il y joignit les desseins de ce qu’il trouva dans les autres cabinets romains ; & de retour en France, il les grava, & les publia avec ce titre : Illustrium imagines ex antiquis marmoribus, numismatibus, & gemmis expressæ, quæ extant Romæ, major pars apud Fulvium Ursinum. Theodorus Gallœus delineabat Romæ ex archetypis, incidebat, Antuerp. 1598, ex officinâ Plantin. in-4°. Il n’y avoit dans ce livre que 151 images ; mais l’on y en ajouta 17 nouvelles, lorsqu’on imprima le commentaire de Jean Faber sur ces portraits : Joannis Fabri Bambergensis medici romani, in imagines illustrium ex Fulvii Ursini bibliothecâ Antuerpiæ à Theodoro Galloæ expressas commentarius, Antuerp. ex off. Plant. 1606, in-4°.

Enfin dans le siecle passé, il parut deux recueils encore plus amples de têtes d’hommes illustres ; l’un en italien, l’autre en latin. Le premier est intitulé : Iconografia, cioè disegni d’imagini di famosissimi monarchi, filosofi, poeti, ed oratori del antichità, cavati del Angelo Canini, dè frammenti de marmi antichi, è de gioé, medaglie d’argento, d’oro, è simili metalli, Romae 1669, fol. Le second a pour titre : Veterum illustrium philosophorum, poetarum, rhetorum imagines, ex vetustis nummis, gemmis, hermis, marmoribus, aliisque antiquis monumentis de sumptoe, à Joan. Petro Bellorio expositionibus illustratæ, Rom. 1685, fol.

Quoique dans tous ces recueils il n’y ait pas plus de 200 têtes différentes, on a cependant été obligé d’y faire entrer également les médailles, les médaillons, les contorniates, les statues, les bustes & les pierres gravées. De plus, dans ces mêmes recueils, & principalement dans les trois premiers, il y a près de la moitié des têtes copiées d’après les médailles qui entrent plus naturellement dans d’autres suites, comme celles des rois d’Egypte, de Syrie, de Bithynie, du Pont, des familles romaines, & même des empereurs : il faut outre cela prendre garde que quelques-unes de ces têtes ayant été trouvées sans inscription, ont été nommées au hasard, & que les inscriptions de plusieurs autres sont très-certainement fausses & modernes.

Si l’on veut donc se renfermer dans les bornes que le P. Jobert prescrit ici à une suite de têtes de personnes illustres représentées sur les médailles, on ne peut se flatter de la rendre bien nombreuse. Il ne seroit cependant pas bien inutile d’essayer jusqu’où l’on pourroit la pousser ; mais il faudroit éviter de suivre l’exemple de M. Seguin, qui ayant destiné le second chapitre de son livre de médailles choisies à celles des hommes illustres, ne l’a presque rempli que des têtes de divinités & de rois. Haym en a fait aussi deux articles dans son Tesoro Britanico, tome I. p. 124-149. & tome II. p. 57-76.

Au reste, la maniere de ranger les cabinets dépend de l’inclination de chaque particulier, & du nombre de médailles qu’il possede. Mais comme il n’y a que les grands princes qui puissent avoir des cabinets complets, c’est-à-dire enrichis de toutes les différentes suites dont nous avons parlé, il faut que les autres hommes se bornent à quelques-unes, en