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les accidens qui surviennent causent souvent des desordres irréparables.

C’est par toutes ces considérations qu’on desiroit pouvoir mettre communément en usage le haut appareil ; il met à l’abri des délabremens du col de la vessie, d’où résultent les fistules & les incontinences d’urine : dans cette méthode la pierre ne trouve à son passage que des parties d’une tissure assez lâche : l’incision des parties contenantes peut être suffisamment étendue ; le corps de la vessie souffre sans résistance une extension assez considérable, & une division qui disparoît presque tout-à-fait aussi-tôt que la pierre en est sortie ; ce seroit donc la méthode de préférence, si certaines circonstances que nous avons rapportées ne la rendoient souvent impraticable ; il y a même des cas où elle seroit possible sans qu’on dût la mettre en usage, comme lorsqu’il faut faire suppurer & mondifier une vessie malade. Tout concourt donc à faire sentir le prix d’une méthode par laquelle on ouvriroit le corps même de la vessie par une incision au périnée, sans intéresser le col de la vessie ni l’uretre. Cette méthode a été trouvée par M. Foubert ; elle est le fruit des recherches qu’il a faites pour découvrir la maniere de tailler attribuée à M. Raw par M. Albinus.

La méthode de M. Foubert est la seule à laquelle on a pu donner légitimement le nom de taille latérale. Nous allons en donner la description, d’après le mémoire communiqué par l’auteur à l’académie royale de Chirurgie, & qui est inséré dans le premier volume des recueils de cette compagnie.

Opération de M. Foubert. La méthode de M. Foubert consiste à ouvrir un passage aux pierres, par l’endroit le plus large de l’angle que forment les os pubis, sans intéresser le col de la vessie ni l’uretre. Toutes les perfections qu’on a données au grand appareil, en procurant une ouverture plus grande que celle qu’on pratiquoit anciennement, tendoient à diminuer les inconvéniens de cette opération, parce qu’elles facilitent l’introduction des instrumens, & qu’elles épargnent une partie du déchirement que feroit la pierre si l’ouverture étoit moins étendue. Cependant il est toujours vrai qu’elles n’empêchent pas que les pierres un peu grosses ne fassent une dilacération fort considérable, & qu’elles ne remédient point à d’autres inconvéniens qui dépendent du lieu où l’on opere, qui est trop serré par l’angle que forment les os pubis, ce qui rend l’extraction de la pierre fort difficile, & occasionne des contusions qui ont souvent des suites fâcheuses. D’ailleurs on ne peut éviter de couper ou de déchirer diverses parties organiques qui accompagnent le col de la vessie, comme un des muscles accélérateurs, le vérumontanum, le prostate, le col même de la vessie & le conduit de l’urine. Le déchirement ou la section de ces parties, qui de plus sont meurtries par la pierre, peuvent avoir beaucoup de part aux accidens qui arrivent à la suite de l’opération, & sur-tout aux incontinences d’urine, & aux fistules incurables qui restent après ces opérations, comme nous l’avons dit plus haut.

La méthode de M. Foubert n’est point sujette à ces inconvéniens. Il entre dans la vessie par le lieu le plus favorable, en ouvrant cet organe à côté de son col & au-dessus de l’uretere. On n’a dans cet endroit d’autres parties à couper que la peau, le tissu des graisses, le muscle triangulaire, un peu du muscle releveur de l’anus, un peu du ligament de l’angle du pubis & la vessie. La figure 3. de la Planche XIII. représente le périnée, où est marquée la direction de l’incision extérieure, selon la méthode de M. Foubert. La figure 4. de cette Planche est une dissection des muscles du périnée, & montre l’endroit de la vessie coupée par l’opération.

Pour pratiquer cette opération, il faut des instrumens particuliers. On pénetre dans la vessie à-travers la peau & les graisses avec un long trocar dont la cannule est cannelée. (Voyez Trocar.) La ponction de la vessie est ou impossible ou dangereuse, si ce viscere ne contient pas une suffisante quantité d’urine. Ainsi cette opération ne convient pas à ceux qui ne gardent point du tout ce liquide. Les personnes fort grasses ne sont pas non plus dans le cas d’être taillées par cette méthode, parce que leur vessie n’est pas ordinairement susceptible d’une suffisante extension, & qu’il y a de l’inconvénient à chercher la vessie cachée profondément sous l’épaisseur des graisses qui recouvrent la partie de cet organe qu’il faut inciser. Dans les cas où la vessie est capable de s’étendre suffisamment & de retenir l’urine, on pratique la méthode de M. Foubert d’une maniere brillante. La difficulté de mettre la vessie d’un pierreux dans l’état convenable à cette opération, n’a été surmontée qu’après bien des tentatives & des réflexions. M. Foubert essaya d’abord les injections : c’est à ce moyen qu’il eut recours pour dilater la vessie du premier malade qu’il tailla en Mai 1731. Il remarqua qu’il étoit extrèmement difficile d’injecter la vessie : car non-seulement l’injection fut fort douloureuse au malade, mais elle ne se put faire même que fort imparfaitement, parce que la douleur l’engageoit à faire des mouvemens ou des efforts qui chassoient une grande partie de l’eau qu’on poussoit dans la vessie. Dans un second malade, M. Foubert s’étant apperçu, en le sondant, que sa vessie étoit spatieuse, & en ayant jugé encore plus sûrement par la quantité d’urine qu’il rendoit à chaque fois qu’il pissoit, il lui recommanda, la veille de l’opération, de retenir le lendemain matin ses urines, ce qu’il fit facilement, M. Foubert l’ayant trouvé endormi lorsqu’il arriva pour le tailler.

La circonstance avantageuse d’une grande vessie se trouve rarement dans ceux qui ont des pierres, sur-tout lorsqu’elles sont grosses ; & c’est dans ce cas précisément où il convient le plus de pratiquer la méthode dont nous parlons. L’auteur, consulté par un malade dont la vessie étoit fort étroite & qui rendoit avec beaucoup de douleur très-peu d’urine à-la-fois, crut que son opération ne pouvoit convenir dans ce cas. Il lui vint cependant en l’idée que s’il accoutumoit le malade à boire beaucoup, la quantité d’urine que formeroit cette boisson pourroit dilater peu-à-peu la vessie : cette tentative eut tout le succès possible ; car non-seulement la vessie parvint à contenir une quantité d’urine assez considérable pour permettre l’opération, mais de plus le malade sentoit beaucoup moins de douleur en urinant.

M. Foubert eut recours au même expédient pour pouvoir tailler par sa méthode un homme qui urinoit à tout instant & très-peu à-la-fois. Il commença à lui faire boire par verrées, de demi-heure en demi-heure, le matin une chopine de tisane faite avec du chiendent, de la reglisse & de la graine de lin. Il lui augmenta cette boison de jour en jour de demi septier, jusqu’à ce qu’il fût parvenu à deux pintes. On s’appercevoit chaque jour de la dilatation de la vessie par la quantité d’urine que le malade rendoit à chaque fois. Au bout de huit jours, il en urinoit au-moins un verre & demi à-la-fois, & avec bien moins de douleur qu’auparavant.

Je me suis étendu sur cette préparation, parce qu’elle est d’une grande utilité. En cherchant à étendre l’usage de la méthode, M. Foubert a rendu un service essentiel à toutes les autres, dont le succès dépend très-souvent de l’état de la vessie. Si cet organe est racorni, les instrumens qu’on y introduira le fatigueront, & pourront même le blesser, quoique conduits par les mains les plus habiles. J’ai éprouvé