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vres de tartre, qui ont été employées en cuites, fournissent quatre-vingt-huit ou quatre-vingt-douze livres, tant de crystal, que de crême. Ainsi le tartre crud ordinaire fournit les trois cinquiemes de son poids ou environ ; mais le tartre blanc crystallin & bien choisi, en fournit les deux tiers ».

On voit par ce procédé qui est fort simple, qu’on dépouille le tartre de sa partie colorante & d’une partie de sa terre. Le tartre étant un des sels des plus difficiles à dissoudre dans l’eau, on est obligé de le faire bouillir à grande eau, pour le tenir en dissolution, afin que la terre de Merviel, ou toute autre terre argilleuse blanche, s’unisse à la partie grasse & colorante, avec laquelle elle a plus de rapport qu’avec le sel. Par cette manœuvre ingénieuse on a un sel bien blanc & bien pur, ce qui est d’une grande utilité pour les arts, & un grand avantage pour l’usage qu’on en fait en médecine & dans les travaux chimiques.

Le crystal ou crême de tartre est d’un emploi immense dans l’art de la teinture ; cette grande consommation de ce sel est la cause qu’on en a dans le bas Languedoc multiplié les fabriques. Ce sel est employé principalement dans les teintures de laines, conjointement avec l’alun pour les préparer à recevoir les parties colorantes de matieres végétales qui font le fondement de la couleur. Avant de teindre les laines en écarlate ou autres rouges, &c. on les fait passer par une préparation que les Teinturiers appellent bouillon, & on fait entrer du tartre dans presque tous les bouillons employés aux teintures de bon teint ; mais on préfere le crystal de tartre. Ces bouillons contiennent d’ailleurs presqu’aussi constamment de l’alun. Un teinturier de cette ville m’a dit que le crystal de tartre étoit mis dans ce bouillon pour détruire cette grande stipticité que l’alun exerce sur les laines. D’ailleurs le crystal de tartre adoucit beaucoup les fibres de la laine, & les dispose à recevoir les corpuscules colorans. Le crystal de tartre est encore si fort employé dans les teintures par sa qualité de sel très-dur, & presque indissoluble dans l’eau froide, ouvrant les pores du sujet qu’on veut teindre, y développant les atomes colorans, & les fixant de maniere que l’action de l’air & du soleil ne les puisse détruire.

Je ne finirois point sur l’emploi du crvstal de tartre dans la teinture des laines & des soies, si j’étois obligé de nommer toutes les couleurs où préliminairement l’on fait entrer la crême de tartre. Voyez Teinture, voyez aussi l’article de la teinture par M. Hellot.

On se sert encore de la crême de tartre pour dissoudre avec l’eau commune le verd-de-gris, ce qui donne un beau vert céladon ; cette couleur s’emploie sur le papier, par exemple, pour les plans, pour les cartes géographiques, pour les estampes à découpures : on appelle cette couleur verd d’ingénieur. Lorsque la dissolution est trop chargée de crême de tartre, elle luit sur le papier, comme si on l’avoit chargée de beaucoup de gomme arabique ; ainsi il n’est point nécessaire de faire entrer dans cette couleur, la moindre dose de cette gomme.

Le crystal de tartre est fort employé en médecine & en chimie. Plusieurs chimistes se sont occupés à rechercher à le rendre plus soluble qu’il n’est. M. le Fevre, médecin d’Uzès, a trouvé que le borax uni à la crême de tartre, ou crystal de tartre, le rendoit plus soluble dans une moindre quantité d’eau qu’il ne se dissout ordinairement. Voyez les mémoires de l’académie royale des Sciences, pour l’année 1728. MM. Duhamel & Grosse ont trouvé que le sel de soude produisoit le même effet ; l’eau de chaux, la chaux d’écailles d’huitres, celle de la stalactite, celle du gips, la stalactite, les écailles d’huitres, les yeux d’écrevisses non calcinés, les différentes craies, la

corne de cerf calcinée, rendent la crême de tartre soluble, & forment des sels neutres par leur combinaison. Voyez les mémoires de l’académie royale des Sciences, année 1732, page 323 ; & 1733, page 260. M. de la Sône a trouvé qu’une partie de sel sédatif rendoit solube quatre parties de crême de tartre. Voyez les mémoires de la même académie, année 1755.

M. Pott, fameux chimiste de Berlin, dit dans sa Dissertation sur l’union de l’acide du vitriol avec l’acide du tartre, que l’huile de vitriol mêlée avec deux parties de tartre sec en poudre, ou à parties égales, ne fait point d’effervescence, d’écume, ni de vapeur ; mais qu’en remuant le mélange, il s’échauffe un peu, devient mol, & forme une poix artificielle. Si on distille ce mélange, on a 1°. un acide de tartre très actif, que M. Venel a dit dans les séances de la société Royale, être un vrai acide nitreux qui pouvoit en être retiré immédiatement, par un procédé particulier, dans un état pur, nud ; ce qui étoit un des faits par lesquels il démontroit le nitre entier dans le tartre : 2°. de l’acide sulphureux volatil. Quand on a pris parties égales d’huile de vitriol & de tartre, on n’obtient point d’huile dans la distillation ; au contraire, avec deux parties de tartre il se manifeste un peu d’huile vers la fin de la distillation.

J’ai remarqué en faisant du sel végétal avec certaines crêmes de tartre, qu’il se précipitoit beaucoup de terre ; & avec quelques autres, qu’il s’en précipitoit moins. La plupart de ces terres faisoient effervescence avec les acides. Une partie de cette terre pourroit avoir été unie à la crême de tartre dans la purification, puisque la terre argilleuse qu’on y emploie contient quelquefois un peu de terre calcaire.

La crême de tartre est employée efficacement en médecine, dans les fievres ardentes, dans toutes sortes d’obstructions, dans les maladies cachectiques & hypocondriaques. On l’ordonne souvent avec succès, dans les accès de fievre ; on la mêle aux doux laxatifs, comme la casse. Son indissolubilité est la cause qu’on ne peut l’ordonner qu’à petite dose dans les purgations où il n’entre pas de casse ; car j’ai remarqué que la moëlle, ou les bâtons de casse qu’on fait bouillir avec la crême de tartre bien en poudre fine, étoit propre à en dissoudre une plus grande quantité que l’eau seule. Il suffit de la faire entrer dans les purgations sans casse, à la dose d’un gros jusqu’à deux ; on peut la donner à la dose de demi-once, quand on l’emploie avec la casse, & sur-tout pour une médecine en deux verres. Je crois qu’elle s’y dissoudra parfaitement en soutenant l’ébullition un bon quart d’heure.

La crême de tartre est très-employée pour cailler le lait, dont on fait le petit-lait. On fait entrer la crême de tartre dans les opiates fébrifuges, apéritives, purgatives, mésentériques, &c. Elle entre dans la poudre cornachine, dans la poudre pour la goutte purgative, dans la conserve de roses rouges solide, dans la poudre tempérante de Sthal, &c.

La chimie s’en sert dans beaucoup de ses opérations ; elle entre dans le sel végétal ou tartre soluble, dans le sel de seignette, dans le tartre émétique, dans la panacée antimoniale, & dans la teinture de Mars tartarisée, extrait ou sirop de Mars, dans la teinture martiale de Ludovic, &c. Article de M. Montet, maître apoticaire, & membre de la société royale des Sciences de Montpellier.

Tartre, (Médecine.) ce sel & ses différentes préparations sont d’usage en médecine ; on les emploie dans tous les cas où il faut ouvrir les voies & pousser par les selles & par les urines.

Le tartre purifié avec la terre de Merviel est d’usage sous le nom de crême de tartre ; on l’ordonne dans les potions purgatives & apéritives en qualité