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condidisse, cujus ex nomine Tenedus nominatur ; hunc, inquam, ipsum Tenem pulcherrimè factum, quem quondam in comitio vidistis, abstulit Verres, magno cum gemitu civitatis. Apollon Sminthien étoit en quelque façon tombé dans l’oubli, depuis que Ténès avoit été mis au nombre des dieux. Verrès n’attenta point sur la statue d’Apollon Sminthien ; il vola celle de Ténès, qui en valoit bien mieux la peine par la richesse & la beauté du travail. Il semble que les hommes se gouvernent en matiere de religion comme les coquettes, chez qui le dernier venu est l’amant privilégié. Les nouveaux saints, dans l’Eglise romaine, font trop oublier les anciens ; du-moins les plaintes s’en trouvent dans les écrits de gens fort graves.

Nous avons perdu un livre sur la république de Ténédos par Aristote. J’ignore si les habitans de cette île ont fleuri dans les arts & dans les sciences, car je ne connois que Cléostrate né à Ténédos, & qui vivoit environ 500 ans avant Jesus-Christ, il cultiva l’Astronomie. Pline, liv. II. c. viij. lui attribue la découverte des signes du bélier & du sagittaire.

On trouvera dans Bayle deux articles curieux, l’un de Ténédos & l’autre de Ténès. J’en ai beaucoup fait usage dans celui-ci. (Le chevalier de Jaucourt.)

Ténédos, (Géog. mod.) cette île de l’Archipel dans l’Anatolie, (dont on peut lire l’article par rapport à l’ancienne géographie), n’a pas changé de nom depuis la guerre de Troye ; mais il n’y reste plus aucune marque d’antiquité. Elle est située sur la côte de la province Aiden-Zic, ou petite Aidine. La ville de son nom, bâtie sur la côte orientale, est toute ouverte & assez grande ; ses maisons s’étendent au bas de la colline, & sur le bord de la mer, comme on peut le voir par le plan qu’en a donné Tournefort dans ses voyages ; son port est très-bon, & capable de contenir de grandes flottes ; mais il n’est défendu que par une tour, avec un boulevart garni de quelques canons ; la ville de Ténédos est assez bien peuplée de Turcs & de Grecs, sur-tout des derniers ; elle est vis-à-vis l’entrée du détroit des Dardanelles, à l’éloignement de dix-huit milles : il y avoit anciennement près de cette ville un tombeau célebre, dédié à Neptune ; c’est apparemment Ténès qui fit cette consécration, en reconnoissance du bonheur qu’il eut d’être abordé heureusement avec sa sœur Hémithée, sur les bords de l’île de Ténédos. Latit. 39. 50. (D. J.)

TENEMENT, TENURE, TENUE, (Synonym.) ces trois mots s’emploient en matiere féodale, mais le dernier est encore consacré dans le sens propre aux séances des états, conciles, synodes, congrès, & autres assemblées qui se tiennent ordinairement, ou extraordinairement. De plus, le mot tenue se prend au figuré dans le discours familier, pour l’état d’une chose ferme, stable, & constante ; mais alors il ne s’emploie qu’avec la négative. On dit, les esprits foibles n’ont point de tenue, pour signifier qu’ils n’ont point de fermeté, qu’ils sont changeans dans leurs opinions, ou dans leurs résolutions. (D. J.)

Tenement de cinq ans, (Jurisprud.) est une prescription particuliere, usitée dans les coutumes d’Anjou, Maine, Touraine, & Lodunois. Ce tenement, dans l’origine, n’étoit autre chose que la saisine, ou possession d’an & jour ; mais comme cette prescription étoit trop courte, on l’étendit au terme de cinq années.

Il y a quelque différence à cet égard dans l’usage des coutumes que l’on a nommées ci-devant.

En Anjou & au Maine, un acquéreur peut se défendre par le tenement, ou possession de dix ans, contre toutes hypothèques créées avant trente années, & par le tenement de cinq ans, contre toutes celles qui sont créées depuis trente ans.

Dans les coutumes de Touraine & de Lodunois, l’acquéreur peut se défendre par le tenement de cinq ans, contre les acquéreurs de rentes constituées, dons, & legs faits depuis trente ans ; mais les autres dettes hypothéquaires contractées avant, ou depuis trente ans, ne sont point sujettes au tenement. Voyez la dissertation de M. de Lauriere, sur le tenement de cinq ans. Dupineau, sur Anjou, nouv. édit. arrêt VII. ch. xj. journal des aud. tom. V. liv. XIII. ch. vij. (A)

Tenement, (Jurisprud.) signifie en général possession. Quelquefois ce terme se prend pour un héritage, ou certaine étendue de terrein, que l’on tient d’un seigneur, à certaines charges & conditions.

Franc tenement, dans l’ancienne coutume de Normandie, étoit un héritage tenu sans hommage & sans parage, en fief-lai, par un accord particulier entre le bailleur & le preneur. Voyez le titre 28. des teneurs. (A)

TENENDEZ, (Géog. mod.) montagne d’Afrique, au royaume de Maroc ; c’est une grande branche de l’Atlas, du côté du midi ; son sommet est cependant couvert de neige toute l’année ; mais il y a au milieu de cette montagne des villages, dont les habitans Béréberes nourrissent beaucoup de gros & petit bétail. (D. J.)

TÉNÉRIFFE, île de, (Géogr. mod.) île d’Afrique, & l’une des Canaries ; elle a l’île des Salvages au nord, la grande Canarie à l’orient, l’île de Gomere au midi, & l’île de Palme à l’occident ; son grand commerce, & l’excellent vin de Malvoisie qu’elle produit, la rendent la plus considérable de toutes les îles Canaries ; elle a dix-huit lieues de longueur, & huit de largeur ; ses côteaux offrent à la vue abondance d’orangers, de citroniers, & de grenadiers.

Il est vrai que son terroir est en général fort inégal, & rempli de rochers arides ; mais on plante des vignes dans les petits intervalles de terre qu’il laisse, & c’est une terre sulphureuse extrémement fertile : on y voit tous les grains & tous les fruits de l’Europe, ils sont excellens quoiqu’en petite quantité : on y a aussi la plûpart des meilleurs fruits de l’Amérique ; il y a des années où les recoltes de blé vont à cent pour un : on y trouve du gibier en abondance ; le poisson n’y manque pas, ni les fontaines & les sources d’eau fraîche ; enfin l’argent est fort commun dans cette île. Sa capitale s’appelle Laguna ; mais la fameuse montagne de cette île, nommée le Pic de Ténériffe, mérite en particulier notre attention. Voyez Ténériffe, Picde. (D. J.)

Ténériffe, Picde, (Géog. mod.) le Pic de Ténériffe, que les habitans appellent Pico de Terraira, est regardé comme la plus haute montagne du monde, & on en voit en mer le sommet à soixante milles de distance. On ne peut monter sur cette montagne que dans les mois de Juillet & d’Août, car dans les autres mois le Pic est couvert de neige ; son sommet paroît distinctement au-dessus des nues ; souvent même on les voit au milieu de sa hauteur ; mais puisque la neige tombe & s’y conserve, il en résulte qu’il n’est pas au-dessus de la moyenne région de l’air.

Il faut deux jours pour arriver au haut de cette montagne, dont l’extrémité n’est pas faite en pointe, comme on pourroit l’imaginer de son nom, mais elle est unie & plate. C’est de ce sommet qu’on peut appercevoir distinctement, par un tems serein, le reste des îles Canaries, quoique quelques-unes en soient éloignées de plus de seize lieues.

On tire de cette montagne une grande quantité de pierres sulphureuses, & de soufre minéral, que l’on transporte en Espagne. Il est difficile de douter que cette montagne n’ait été autrefois brulante, puisqu’il y a plusieurs endroits sur les bords du Pic qui fument encore ; dans d’autres, si on retourne les pierres,