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Terrer, (Jardinage.) c’est faire apporter de la terre dans les places creuses, ou dans celles que l’on veut élever.

Terrer une vigne, (Agriculture.) c’est l’amender par de nouvelles terres choisies, pour la rendre plus fertile.

La haute vigne, plantée dans les jardins, où la terre est ordinairement bonne d’elle-même, n’a pas besoin d’être terrée ; mais dans la moyenne vigne, le transport de terres lui est extrèmement nécessaire, sur-tout lorsqu’on voit que cette vigne ne donne plus que de chétives productions ; voici donc comme se fait le terrage des vignes.

On prend d’un endroit destiné à amender les vignes de la terre qui y est, qu’on porte dans des hottes plus ou moins grandes à un bout de la vigne, observant toujours que c’est à celui qui est le plus haut de la vigne qu’on doit la porter, à cause qu’elle descend assez dans le bas par le moyen des labours qu’on lui donne.

Lorsqu’on terre ces sortes de vigne, ou l’on ne fait simplement que des têtes tout du long de leur extrémité du bout d’en-haut, ou bien on les terre tout le long des perchées. Si ce ne sont que des têtes, on se contente de porter de ces terres destinées au bout d’en-haut, & commençant à faire une tête, on jette hottée de terre sur hottée, jusqu’à ce qu’il y ait un pié & davantage de hauteur, & douze piés de longueur, le tout également haut.

Si on terre les vignes tout du long des perchées, il faut que sur le haut de chacune, il y ait seulement une tête de la hauteur de terre qu’on a dit, & longue de quatre bons piés. C’est assez pour le reste que la terre soit mise le long de chaque perchée à l’épaisseur de quatre doigts. Une perchée étant terrée de cette maniere, on en recommence une autre. & on continue ainsi jusqu’à ce que l’ouvrage soit fini. Pour les vignes ruellées, on jette la terre que l’on porte dans les rigoles, les hottées distantes l’une de l’autre, autant qu’on le juge à propos. Ce travail se pratique depuis le mois de Septembre jusqu’au mois de Mars.

Il faut remarquer que dans l’une & l’autre espece de vigne, lorsqu’on a été obligé de faire des provins, & qu’il est question la seconde année qu’ils soient repris, de les terrer pour leur faire prendre des forces, on peut les terrer seuls & par trous, sans qu’il soit besoin pour cela d’attendre que la vigne où ils sont, demande qu’on la terre entierement. Toutes vignes qui ont été terrées, & où par conséquent la terre a été mise grossierement, doivent dès le premier labour qu’on leur donne, être labourées à uni, & fort profondément. Enfin, on remarquera qu’en terrant quelque vigne que ce soit, plus on s’approche du bas, moins on doit mettre les hottées de terre près les unes des autres, à cause que cette terre descend toujours. (D. J.)

Terrer l’étoffe, (Dégraisserie.) c’est la glaiser, ou l’enduire de terre à foulon. (D. J.)

Terrer du sucre, (Sucrerie.) c’est le blanchir pour en faire la cassonade blanche. Trévoux. (D. J.)

Terrer, se, v. n. (Vénerie.) il se dit des animaux qui se retirent dans des trous faits en terre, qui y vivent ou qui s’y réfugient contre la poursuite du chasseur.

TERRESTRE, TERREUX, TERRIEN, (Synon.) terrestre signifie qui appartient à la terre, qui vient de la terre, qui tient de la nature de la terre ; les animaux terrestres, exhalaison terrestre, bile sablonneuse & terrestre. Terrestre est aussi opposé à spirituel & à éternel ; la plûpart des hommes n’agissent que par des vues terrestres & mondaines. Terreux signifie qui est plein de terre, de crasse ; un visage terreux, des mains terreuses, des concombres terreux.

Celui qui possede plusieurs terres étendues, est un grand terrien : les Espagnols disent que leur roi est le plus grand terrien du monde ; que le soleil se leve & se couche dans son domaine ; mais il faut ajouter qu’en faisant sa course, il ne rencontre que des campagnes ruinées, & des contrées desertes. (D. J.)

Terrestre, globe, Terraquée, globe, (Synon. Géog.) le globe terrestre est ainsi dit par opposition au globe céleste, sur lequel les constellations sont rangées pour l’étude de l’astronomie. Le globe terraquée est dit ainsi, parce qu’il sert à faire connoître la situation des continens, des îles & des mers qui les environnent pour l’étude de la géographie. Quoique cette différence d’aspect semble établir une différence d’usage entre ces deux mots, il faut néanmoins avouer que fort peu d’auteurs disent le globe terraquée. (D. J.)

TERRETTE, s. f. (Hist. nat. Botan.) c’est une espece de calamenth, calamentha humilior, flore rotundiori, I. R. H. nommée communément lierre terrestre. Voyez Lierre terrestre.

Terrette, (Géogr. mod.) petite riviere de France, dans la Notmandie, au Cotentin. Elle a sa source vers le village de Lourseliere, & se décharge dans le Taute.

TERREUR, s. f. (Gram.) grand effroi causé par la présence ou par le récit de quelque grande catastrophe.

Il semble assez difficile de définir la terreur ; elle semble pourtant consister dans la totalité des incidens, qui en produisant chacun leur effet, & menant insensiblement l’action à sa fin, opere sur nous cette appréhension salutaire, qui met un frein à nos passions sur le triste exemple d’autrui, & nous empêche par-là de tomber dans ces mêmes malheurs, dont la représentation nous arrache des larmes ; en nous conduisant de la compassion à la crainte, elle trouve un moyen d’intéresser notre amour-propre par un sentiment d’autant plus vif du contre-coup, que l’art de la poésie ferme nos yeux sur une surprise aussi avantageuse, & fait à l’humanité plus d’honneur qu’elle ne mérite.

On ne peut trop appuyer sur les beautés de ce qu’on appelle terreur dans le tragique. C’est pourquoi nous ne pouvons manquer d’avoir une grande opinion de la tragédie des anciens : l’unique objet de leurs poëtes étoit de produire la terreur & la pitié. Ils choisissoient un sujet susceptible de ces deux grandes passions, & le façonnoient par leur génie. Il semble même que rien n’étoit plus rare que de si beaux sujets ; puisqu’ils ne les puisoient ordinairement que dans une ou deux familles de leurs rois. Mais c’est triompher de l’art que de réussir en ce genre, & c’est ce qui fait la gloire de M. Crébillon sur le théâtre françois. Toute belle qu’est la description de l’enfer par Milton, bien des gens la trouvent foible auprès de cette scène de Hamlet, où le phantome paroît. Il est vrai que cette scène est le chef d’œuvre du théâtre moderne dans le genre terrible : elle présente une grande variété d’objets, diversifiés de cent façons différentes, toutes plus propres l’une que l’autre à remplir les spectateurs de terreur & d’effroi. Il n’y a presque pas une de ces variations qui ne forme un tableau, & qui ne soit digne du pinceau d’un Caravage. (D. J.)

Terreur, (Mythol.) divinité du paganisme. Hésiode dans sa théogonie, dit que la terreur & la crainte étoient nées de Mars & de Vénus. Lorsqu’Homere decrit les armes de Minerve allant au secours de Diomede & des Grecs, il met sur son égide la Peur, la Discorde, la Terreur & la Mort. Dans le liv. II. où il décrit le bouclier d’Agamemnon qui se prépare au combat, il dit qu’au milieu de ce bouclier étoit gravé en relief l’épouvantable Gorgone accom-