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La vicissitude en nature n’est point l’effet de la matiere, mais du feu.

La corruption est une certaine disposition de la matiere conséquente à l’extinction du feu recteur ; ce n’est point une pure privation, ses causes sont positives.

Ce sont les fermens étrangers qui introduisent la corruption ; c’est par eux qu’elle commence, se continue, & s’acheve.

Entre les choses, les unes périssent par la dissipation du baume de nature, d’autres par la corruption.

La nature ignore & n’admet rien de contraire à son vœu.

Il y a deux blas dans l’homme, l’un mu naturellement, l’autre volontairement.

La chaleur n’est point la cause efficiente de la digestion, qu’elle excite seulement. Le ferment stomachique est la cause efficiente de la digestion.

La crainte de Dieu est le commencement de la sagesse.

L’ame ne se connoit ni par la raison ni par des images : la vérité de l’essence & la vérité de l’entendement se pénetrent en unité & en identité ; voilà pourquoi l’entendement est un être immortel.

Il y a plusieurs sortes de lumieres vitales. La lumiere de l’ame est une substance spirituelle, une matiere vitale & lumineuse.

Ceux qui confondent notre identité avec l’immensité de Dieu, & qui nous regardent comme des parties de ce tout, sont des athées.

L’entendement est uni substantiellement à la volonté qui n’est ni puissance ni accident, mais lumiere, essence spirituelle, indivise, distincte de l’entendement par abstraction.

Il faut reconnoître dans l’ame une troisieme qualité, l’amour ou le desir de plaire. Ce n’est point un acte de la volonté seule ni de l’entendement seul, mais de l’un & de l’autre conjointement.

L’esprit est un acte pur, simple, formel, homogene, indivis, immortel, image de Dieu, incompréhensible, où tous les attributs qui conviennent à sa nature sont rassemblés dans une unité.

L’entendement est la lumiere de l’esprit, & l’esprit est l’entendement éclairé ; il comprend, il voit, il agit séparément du corps.

L’entendement est lié aux organes du corps ; il est soumis aux actions de l’ame sensitive : c’est par cette union qu’il se revêtit de la qualité qu’on appelle imagination.

Il n’y a rien dans l’imagination qui n’ait été auparavant dans la sensation ; les especes intellectuelles sont toutes émanées des objets sensibles.

La force intelligente concourt avec la faculté phantastique de l’ame sensitive, sur le caractere de l’organe, & lui est soumise.

L’ame a son siége particulier à l’orifice supérieur de l’estomac ; la mémoire a son siége dans le cerveau.

L’entendement est essentiel à l’ame ; la volonté & la mémoire sont des facultés caduques de la vie sensitive.

L’entendement brille dans la tête, mais d’une lumiere dépendante de la liaison de l’ame avec le corps, & des esprits étherés.

L’intelligence qui naît de l’invention & du jugement, passe par une irradition qui se fait de l’orifice de l’estomac au cerveau.

L’orifice de l’estomac est comme un centre d’où l’ame exerce son énergie en tout sens.

L’ame, image de la Divinité, ne pense rien principalement, ne connoît rien intimement, ne contemple rien vraiment que Dieu, ou l’unité premiere, à laquelle tout le reste se rapporte.

Si une chose s’atteint par le sens ou par la raison, ce ne sera point encore une abstraction pure & complette.

Le moyen d’atteindre à l’abstraction pure & complette est très-éloigné ; il faut être séparé de l’attention à toutes choses créées, & même incréées ; il faut que l’activité de l’ame soit abandonnée à elle-même ; qu’il n’y ait aucun discours ni intérieur ni extérieur ; aucune action préméditée, aucune contemplation déterminée ; il faut que l’ame n’agisse point, qu’elle attende dans un repos profond l’influence gratuite d’enhaut ; qu’il ne lui reste aucune impression qui la ramene à elle ; qu’elle se soit parfaitement oubliée ; en un mot qu’elle demeure absorbée dans une inexistence, un oubli, une sorte d’anéantissement qui la rende absolument inerte & passive.

Rien ne conduit plus efficacement & plus parfaitement à ce dépouillement, à ce silence, à cette privation de lumiere étrangere, à ce défaut général de distraction, que la priere, son silence & ses délices : exercez-vous à l’adoration profonde.

Dans cette profondeur d’adoration l’ame se perdra, les sens seront suspendus, les ténebres qui l’enveloppent se retireront, & la lumiere d’enhaut s’y réflechira : alors il ne lui restera que le sentiment de l’amour qui l’occupera toute entiere.

Nous pourrions ajouter beaucoup d’autres propositions tirées des ouvrages de cet auteur à celles qui précedent, mais elles n’instruiroient pas davantage. D’ailleurs ce Van-helmont s’exprime d’une maniere si obscure & si barbare, qu’on est bientôt dégoûté de le suivre, & qu’on ne peut jamais se promettre de le rendre avec quelque exactitude. Qu’est-ce que son blas, son gas, & son archée lumineux ? qu’est-ce que cette méthode de s’abrutir, pour s’unir à Dieu, de se séparer de ses connoissances, pour arriver à des découvertes, & de s’assoupir pour penser plus vivement ?

Je conjecture que ces hommes, d’un tempérament sombre & mélancolique, ne devoient cette pénétration extraordinaire & presque divine qu’on leur remarquoit par intervalles, & qui les conduisoit à des idées tantôt si folles, tantôt si sublimes, qu’à quelque dérangement périodique de la machine. Ils se croyoient alors inspirés & ils étoient fous : leurs accès étoient précédés d’une espece d’abrutissement, qu’ils regardoient comme l’état de l’homme sous la condition de nature dépravée. Tirés de cette léthargie par le tumulte subit des humeurs qui s’élevoient en eux, ils imaginoient que c’étoit la Divinité qui descendoit, qui les visitoit, qui les travailloit ; que le souffle divin dont ils avoient été premierement animés, se ranimoit subitement & reprenoit une portion de son énergie ancienne & originelle, & ils donnoient des préceptes pour s’acheminer artificiellement à cet état d’orgasme & d’ivresse où ils se trouvoient au-dessus d’eux-mêmes & qu’ils regrettoient ; semblables à ceux qui ont éprouvé l’enchantement & le délire délicieux que l’usage de l’opium porte dans l’imagination & dans les sens ; heureux dans l’ivresse, stupides dans le repos, fatigués, accablés, ennuiés, ils prenoient la vie commune en dégoût ; ils soupiroient après le moment d’exaltation, d’inspiration, d’aliénation. Tranquilles ou agités, ils fuyoient le commerce des hommes, insupportables à eux-mêmes ou aux autres. O que le génie & la folie se touchent de bien près ! Ceux que le ciel a signés en bien & en mal sont sujets plus ou moins à ces symptomes : ils les ont plus ou moins fréquens, plus ou moins violens. On les enferme & on les enchaîne, ou on leur éleve des statues : ils prophétisent ou sur le trône, ou sur les théatres, ou dans les chaires ; ils tiennent l’attention des hommes suspendue ; ils en sont écoutés, admirés, suivis, ou insultés, bafoués, lapidés ; leur sort ne dépend point d’eux, mais des circonstances dans lesquelles ils se montrent. Ce sont les tems d’ignorance & de grandes calamités