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les pourpres, les langoustes, jujubes, fleurs de grenade, les bleus, les gris ardoisés, gris lavandés, gris violens, gris vineux, & toutes les autres nuances semblables.

8. Si, contre les dispositions des réglemens sur les teintures, il a été employé dans la teinture des laines fines en cramoisi, des ingrédiens de faux teint, la contravention sera aisément reconnue par le débouilli avec l’alun ; parce qu’il ne fait que violenter un peu le cramoisi fin, c’est-à-dire, le faire tirer sur le gris-de-lin ; mais il détruit les plus hautes nuances du cramoisi faux, & il les rend d’une couleur de chair très-pâle ; il blanchit même presqu’entièrement les basses nuances du cramoisi faux : ainsi le débouilli est un moyen assuré pour distinguer le cramoisi faux d’avec le fin.

9. L’écarlate de kermès ou de graine n’est nullement endommagée par le débouilli ; il fait monter l’écarlate couleur de feu ou de cochenille à une couleur de pourpre, & fait violenter les basses nuances, en sorte qu’elles tirent sur le gris-de-lin ; mais il emporte presque toute la fausse écarlate du Brésil, & il la réduit à une couleur de pelure d’oignon : il fait encore un effet plus sensible sur les basses nuances de cette fausse couleur.

Le même débouilli emporte aussi presque entierement l’écarlate de bourre, & toutes les nuances.

10. Quoique le violet ne soit pas une couleur simple, mais qu’elle soit formée des nuances du bleu & du rouge, elle est néanmoins si importante, qu’elle mérite un examen particulier. Le même débouilli avec l’alun de Rome ne fait presque aucun effet sur le violet fin, au-lieu qu’il endommage beaucoup le faux ; mais on observera que son effet n’est pas d’emporter toujours également une grande partie de la nuance du violet faux, parce qu’on lui donne quelquefois un pié de bleu de pastel ou d’indigo ; le pié étant de bon teint, n’est pas emporté par le débouili, mais la rougeur s’efface, & les nuances brunes deviennent presque bleues, & les pâles d’une couleur désagréable de lie de vin.

11. A l’égard des violets demi fins, défendus par le réglement de 1737, ils seront mis dans la classe des violets faux, & ne résistent pas plus au débouilli.

12. On connoîtra de la même maniere les gris-de-lin fins d’avec les faux, mais la différence est légere ; le gris-de-lin de bon teint perd seulement un peu moins que le gris-de-lin de faux teint.

13. Les pourpres fins résistent parfaitement au débouilli avec l’alun, au-lieu que les faux perdent la plus grande partie de leur couleur.

14. Les couleurs de langouste, jujube, fleur de grenade, tireront sur le pourpre après le débouilli, si elles ont été faites avec la cochenille, au lieu qu’elles pâliront considérablement si on y a employé le fustet, dont l’usage est défendu.

15. Les bleus de bon teint ne perdront rien au débouilli, soit qu’ils soient de pastel ou d’indigo ; mais ceux de faux teint perdront la plus grande partie de leur couleur.

16. Les gris lavandés, gris ardoisés, gris violets, gris vineux, perdront presque toute leur couleur, s’ils sont de faux teint, au lieu qu’ils se soutiendront parfaitement, s’ils sont de bon teint.

17. On débouillira avec le savon blanc les couleurs suivantes ; savoir, les jaunes, jonquilles, citrons, orangés, & toutes les nuances qui tirent sur le jaune ; toutes les nuances de verd, depuis le verd jaune ou verd naissant, jusqu’au verd de chou, ou verd de perroquet, les rouges de garance, la canelle, la couleur de tabac, & autres semblables.

18. Le débouilli fait parfaitement connoître si les jaunes & les nuances qui en dérivent sont de bon ou de faux teint ; car il emporte la plus grande partie de

leur couleur, s’ils sont faits avec la graine d’Avignon, le rocou, la terra merita, le fustet ou le safran, dont l’usage est prohibé pour les teintures fines ; mais il n’altere pas les jaunes faits avec la sarrete, la genestrolle, le bois jaune, la gaude & le fenugrec.

19. Le même débouilli fera connoître aussi parfaitement la bonté des verds ; car ceux de faux teint perdent presque toute leur couleur, ou deviennent bleus s’ils ont eu un pié de pastel ou d’indigo ; mais ceux de bon teint ne perdent presque rien de leur nuance.

20. Les rouges de pure garance ne perdent rien au débouilli avec le savon, & n’en deviennent que plus beaux ; mais si on y a mêlé du brésil, ils perdront de leur couleur à proportion de la quantité qui y a été mise.

21. Les couleurs de canelle, de tabac & autres semblables, ne sont presque pas altérées par le débouilli, si elles sont de bon teint ; mais elles perdent beaucoup si on y a employé le rocou, le fustet ou la fonte de bourre.

22. Le débouilli fait avec l’alun ne seroit d’aucune utilité, & pourroit même induire en erreur sur plusieurs des couleurs de cette seconde classe ; car il n’endommage pas le fustet, ni le rocou, qui cependant ne résistent pas à l’action de l’air, & il emporte une partie de la sarette & de la genestrolle, qui sont cependant de très-bons jaunes & de très-bons verds.

23. On débouillira avec le tartre rouge tous les fauves ou couleurs de racine (on appelle ainsi toutes les couleurs qui ne sont pas dérivées des cinq couleurs primitives) ; ces couleurs se font avec le brou de noix, la racine de noyer, l’écorce d’aulne, le sumach ou roudol, le santal & la suie ; chacun de ces ingrédiens donne un grand nombre de nuances différentes, qui sont toutes comprises sous le nom général de fauve, ou couleur de racine.

24. Les ingrédiens dénommés dans l’article précédent, sont bons, à l’exception du santal & de la suie, qui le sont un peu moins, & qui rudissent la laine lorsqu’on en met une trop grande quantité ; ainsi tout ce que le débouilli doit faire connoître sur ces sortes de couleurs, c’est si elles ont été surchargées de santal ou de suie, dans ce cas elles perdent considérablement par le débouilli fait avec le tartre ; & si elles sont faites avec les autres ingrédiens, ou qu’il n’y ait qu’une médiocre quantité de santal ou de suie, elles résistent beaucoup davantage.

25. Le noir étant la seule couleur qui ne puisse être comprise dans aucune des trois classes énoncées ci-dessus, parce qu’il est nécessaire de se servir d’un débouilli beaucoup plus actif, pour connoître si la laine a eu le pié de bleu de turquin, conformément aux réglemens, le débouilli en sera fait en la maniere suivante.

On prendra une livre d’eau, on y mettra une once d’alun de Rome, & autant de tartre rouge pulvérisé ; on fera bouillir le tout, & ou y mettra l’échantillon de laine, qui doit bouillir à gros bouillons pendant un quart d’heure ; on le lavera ensuite dans de l’eau fraîche, & il sera facile alors de voir si elle a eu le pié de bleu convenable ; car dans ce cas la laine demeurera bleue, presque noire, & si elle ne l’a pas eu, elle grisera beaucoup.

26. Comme il est d’usage de brunir quelquefois les couleurs avec la noix-de-galle & la couperose, & que cette opération appellée bruniture, qui doit être permise dans le bon teint, peut faire un effet particulier sur le débouilli de ces couleurs, on observera que quoique après le débouilli, le bain paroisse chargé de teinture, parce que la bruniture aura été emportée, la laine n’en sera pas moins réputée de bon teint, si elle a conservé son fond ; si au contraire elle