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Ils ne connoissoient que trois sacremens, le baptême, l’ordre & l’eucharistie. Dans la forme du baptême, il y avoit fort peu d’uniformité entre les diverses églises du diocèse.

Quelques-uns de leurs ecclésiastiques administroient ce sacrement d’une maniere invalide, au sentiment de l’archevêque, qui à l’exemple des autres ecclésiastiques de sa nation, rapportoit tout à la théologie scholastique. Dans cette persuasion, il rebaptisa tout le peuple d’une des nombreuses églises de l’évêché.

Ils différoient le baptême des enfans, souvent un mois, quelquefois plus long-tems ; il arrivoit même qu’ils ne les baptisoient qu’à l’âge de sept, de huit, ou de dix ans, contre la coutume des Portugais qui baptisent ordinairement les leurs le huitieme jour après la naissance, en quoi il semblent suivre le rit de la circoncision des Juifs, comme l’a remarqué l’auteur du Traité de l’inquisition de Goa.

Ils ne connoissoient aucun usage des saintes huiles, ni dans le baptême, ni dans l’administration des autres sacremens : seulement après le baptême des enfans, ils les frottoient par-tout le corps d’huile de cocos, ou de gergelin, qui est une espece de safran des Indes. Cet usage, quoique sans prieres, ni bénédiction, passoit chez eux pour quelque chose de sacré.

Ils n’avoient aucune connoissance des sacremens de confirmation & d’extrême-onction ; ils n’admettoient point aussi la confession auriculaire.

Ils étoient fort devots au sacrement de l’eucharistie, & communioient tous sans exception le Jeudi-Saint. Ils n’y apportoient point d’autre préparation que le jeûne.

Leur messe ou liturgie étoit alterée par diverses additions que Nestorius y avoit faites. Avant l’arrivée des Portugais dans les Indes, ils consacroient avec des gâteaux, où ils mettoient de l’huile & du sel. Ils faisoient cuire ces gâteaux dans l’église même. Cette coutume de paîtrir le pain de l’eucharistie avec de l’huile & du sel, est commune aux nestoriens & aux jacobites de Syrie. Il faut observer ici, qu’ils ne mêloient dans la pâte l’huile qu’en très-petite quantité, ce qui ne change point la nature du pain. Dans l’église romaine, on se sert d’un peu de farine délayée dans de l’eau, & séchée ensuite entre deux fers que l’on a soin de frotter de tems-en-tems de cire blanche, de peur que la farine ne s’y attache. C’est donc une colle séchée, mélée de cire ; ce qui semble plus contraire à l’institution du sacrement, que l’huile des églises syriennes.

Au lieu de vin ordinaire, ils se servoient comme les Abyssins, d’une liqueur exprimée de raisins secs, qu’ils faisoient infuser dans de l’eau. Au défaut de ces raisins, ils avoient recours au vin de palmier.

Celui qui servoit le prêtre à l’autel portoit l’étole, soit qu’il fût diacre, ou qu’il ne le fût pas. Il assistoit à l’office l’encensoir à la main, chantant en langue syriaque, & récitant lui seul presque autant de paroles que le prêtre qui officioit.

Les ordres sacrés étoient en grande estime chez eux. Il y avoit peu de maisons où il n’y eût quelqu’un de promu à quelque degré ecclésiastique. Outre que ces dignités les rendoient respectables, elles ne les excluoient d’aucune fonction séculiere. Ils recevoient les ordres sacrés dans un âge peu avancé : ordinairement ils étoient promus à la prêtrise dès l’âge de dix-sept, de dix-huit & de vingt ans. Les prêtres se marioient même à des veuves, & rien ne les empêchoit de contracter de secondes noces après la mort de leurs femmes. Il arrivoit assez souvent que le pere, le fils & le petit-fils, étoient prêtres dans la même église.

Les femmes des prêtres, qu’ils appelloient caçaneires,

avoient le pas par-tout. Elles portoient, pendue au col, une croix d’or, ou de quelqu’autre métal. Les ecclésiastiques des ordres inférieurs, qui ne paroissent pas avoir été distingués parmi ces chrétions, s’appelloient chamazès, mot syriaque qui signifie diacre ou ministre.

L’habit ordinaire des ecclésiastiques consistoit dans de grands caleçons blancs, par-dessus lesquels ils revétoient une longue chemise. Quand ils y ajoutoient une soutane blanche ou noire, c’étoit leur habit décent. Leurs couronnes ou tonsures, étoient semblables à celles des moines ou des chanoines réguliers.

Ils ne récitoient l’office divin qu’à l’église, où ils le chantoient à haute voix deux fois le jour ; la premiere à trois heures du matin, la seconde à cinq heures du soir. Personne ne s’en exemptoit. Hors de-là ils n’avoient point de bréviaire à réciter, ni aucuns livres de dévotion particuliere qui fussent d’obligation.

Ils étoient simoniaques, dit Gouvea, dans l’administration du baptême & de l’eucharistie : le prix de ces sacremens étoit réglé. Je ne sai s’il n’y a point d’erreur à taxer de simonie un pareil usage. Ces ecclésiastiques n’avoient point d’autre revenu, & ils pouvoient bien exiger de leurs paroissiens ce qui étoit nécessaire pour leur subsistance.

Lorsqu’ils se marioient, ils se contentoient d’appeller le premier caçanare qui se présentoit. Souvent ils s’en passoient. Quelquefois ils contractoient leurs mariages avec des cérémonies assez semblables à celles des Gentils.

Ils avoient une affection extraordinaire pour le patriarche nestorien de Babylone, & ne pouvoient souffrir qu’on fît mention dans leurs églises, ni du pape, ni de l’église romaine. Le plus ancien des prêtres d’une église y présidoit toujours. Il n’y avoit ni curé, ni vicaire.

Tout le peuple assistoit le dimanche à la liturgie, quoiqu’il n’y eût aucune obligation de le faire. Mais il y avoit des lieux où elle ne se célébroit qu’une fois l’an.

Les prêtres se chargeoient quelquefois d’emplois laïques, jusqu’à être receveurs des droits qu’exigeoient les rois payens.

Ils mangeoient de la chair le samedi ; & leurs jours d’abstinence étoient le mercredi & le vendredi. Leur jeûne étoit fort sévere en carême. Ils ne prenoient de repas qu’une fois le jour après le coucher du soleil, & ils commençoient à jeûner dès le dimanche de la Quinquagésime. Pendant ce tems-là ils ne mangeoient ni poissons, ni œufs, ni laitages, ne buvoient point de vin, & n’approchoient point de leurs femmes. Toutes ces observances leurs étoient ordonnées sous peine d’excommunication ; cependant les personnes avancées en âge étoient dispensées de jeûner.

Pendant le carême ils alloient trois fois le jour à l’église, le matin, le soir & à minuit. Plusieurs s’exemptoient de la derniere heure ; mais nul ne manquoit aux deux précédentes. Ils jeûnoient de même tout l’avent. Outre ces deux jeûnes d’obligation, ils en avoient d’autres qui n’étoient que de dévotion, comme celui de l’assomption de la Vierge, depuis le premier d’Août jusqu’au quinzieme ; celui des apôtres qui duroit cinquante jours, & commençoit immédiatement après la Pentecôte ; & celui de la nativité de Notre-Seigneur, depuis le premier de Septembre jusqu’à Noël.

Toutes les fois qu’ils entroient dans l’église les jours de jeûne, ils y trouvoient les prêtres assemblés qui chantoient l’office divin, & leur donnoient la bénédiction. Cette cérémonie s’appelloit donner, ou recevoir le casturi. Elle consistoit à prendre entre leurs mains celles des caçanares, & à les baiser après