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deur en action de divorce, que d’épouser une personne à-peu-près du même âge que celle qu’il quittoit. Son observation parut juste, il évita la peine, & les divorces devinrent fort rares.

La troisieme loi qui souffrit quelque changement, fut celle qui ordonnoit que les biens d’une famille, ne passeroient point dans une autre, tant qu’il resteroit quelqu’un de cette famille, que le dernier de l’un ou de l’autre sexe pourroit épouser. S’il en restoit une fille, l’héritier qui ne vouloit pas la prendre en mariage, étoit obligé de lui donner cinq cens drachmes, par forme de dédommagement. Le cas arriva : une fille de bonne famille, mais très-pauvre, se voyant négligée par le seul & dernier héritier de son nom, se plaignit dans une assemblée indiquée à ce sujet, suivant la forme prescrite par la loi, de la médiocrité de la somme, qui ne lui constituoit qu’une dot qui ne pouvoit la tirer de la misere, ni la faire entrer dans quelque famille qui convînt à sa naissance. Le peuple attendri sur le danger qu’elle couroit si sa demande étoit rejettée, reforma la loi, & condamna l’héritier à l’épouser.

Des lois si sages furent scellées du sang du législateur. Quelques affaires le menerent à la campagne armé de son épée, pour se défendre contre les brigands qui attaquoient les voyageurs. Comme il rentroit dans la ville, il apprit qu’il se tenoit alors une assemblée où le peuple étoit dans une grande agitation. Il ne fit pas attention qu’il avoit fait une loi qui défendoit expressément à toutes personnes de quelqu’état qu’elles fussent, de s’y trouver en armes. Quelques mal-intentionnés virent son épée, & lui reprocherent qu’il étoit le premier qui eût osé violer la loi qu’il avoit faite. Vous allez voir, leur dit-il, combien je la juge nécessaire, & combien je la respecte. Il tira son épée, & se perça le sein.

Les Thuriens fleurirent tant qu’ils suivirent les lois de Charondas ; mais la mollesse ayant pris le dessus, ils furent maltraités par les Bruttiens, les Lucaniens, & les Tarentins, sous l’oppression desquels ils gémissoient, lorsqu’ils se soumirent aux Romains. Ceux-ci trouvant le pays épuisé d’hommes, y envoyerent une colonie, & donnerent à la ville qu’elle habita le nom de Copia, comme il paroît par la monnoie qui nous en reste, avec une tête de Mars, & une corne d’abondance au revers, & pour inscription Copia.

2°. Thurium étoit aussi une ville de la Béotie. Plutarque in Syllâ, dit que c’est une croupe de montagne fort rude, & qui finit en pointe comme une pomme de pin : ce qui faisoit qu’on l’appelloit Ortophagus. Au pié de cette montagne, ajoute-t-il, coule un ruisseau appellé Morion, & sur ce ruisseau est le temple d’Apollon thurien. Ce dieu a eu le nom de Thurien, de Thyro, mere de Charon, qui mena une colonie à Chéronée. (Le Chevalier de Jaucourt.)

THURLES, (Géogr. mod.) petite ville d’Irlande, dans la province de Munster, au comté de Tipperari, sur la Stuere ; elle envoie deux députés au parlement de Dublin ; elle est à six milles des frontieres de Kilkenny, & à douze de Cashel. (D. J.)

THURSO, (Géog. mod.) petite ville d’Ecosse, dans la province de Caithness, avec un port sur la côte du nord.

THUS ou TUS, (Géog. mod.) ville de Perse, dans le Khorassan. Long. selon Nassir-Eddin qui y naquit, 92. 30. latit. 37. & dans le quatrieme climat. (D. J.)

THUSEI, (Géog. anc.) nom de la belle terre que Pline le jeune avoit en Toscane : il en fait la description dans une de ses lettres à Apollinaire, liv. VI. let. 9. & je vais la transcrire ici, parce que c’est la plus charmante description que je connoisse, parce qu’elle est un modele unique en ce genre, & parce

qu’enfin il faut quelquefois amuser le lecteur par des peintures riantes, & le dédommager de la sécheresse indispensable de plusieurs autres articles.

Ma terre de Toscane, dit Pline, est un peu au-dessous de l’Apennin ; voici quelle est la température du climat, la situation du pays, la beauté de la maison. En hiver l’air y est froid, & il y gele ; il y est fort contraire aux myrthes, aux oliviers, & aux autres especes d’arbres qui ne se plaisent que dans la chaleur. Cependant il vient des lauriers, qui conservent toute leur verdure, malgré la rigueur de la saison. Véritablement elle en fait quelquefois mourir : mais ce n’est pas plus souvent, qu’aux environs de Rome. L’été y est merveilleusement doux ; vous y avez toujours de l’air ; mais les vents y respirent plus qu’ils n’y soufflent. Rien n’est plus commun que d’y voir de jeunes gens qui ont encore leurs grands-peres & leurs bisayeuls ; que d’entendre ces jeunes gens raconter de vieilles histoires, qu’ils ont apprises de leurs ancêtres. Quand vous y êtes, vous croyez être né dans un autre siecle.

La dispositions du terrein est très-belle. Imaginez-vous un amphithéatre immense, & tel que la nature le peut faire ; une vaste plaine environnée de montagnes chargées sur leurs cimes de bois très-hauts, & très-anciens. Là, le gibier de différente espece y est très-commun. De-là descendent des taillis par la pente même des montagnes. Entre ces taillis se rencontrent des collines, d’un terroir si bon & si gras, qu’il seroit difficile d’y trouver une pierre, quand même on l’y chercheroit. Leur fertilité ne le cede point à celle des plaines campagnes ; & si les moissons y sont plus tardives, elles n’y murissent pas moins.

Au pié de ces montagnes, on ne voit, tout le long du côteau, que des vignes, qui, comme si elles se touchoient, n’en paroissent qu’une seule. Ces vignes sont bordées par quantité d’arbrisseaux. Ensuite sont des prairies & des terres labourables, si fortes, qu’à peine les meilleures charrues & les mieux attelées peuvent en faire l’ouverture. Alors même, comme la terre est très-liée, elles en enlevent de si grandes mottes, que pour bien les séparer, il y faut repasser le soc jusqu’à neuf fois. Les prés émaillés de fleurs, y fournissent du trefle, & d’autres sortes d’herbes, toujours aussi tendres & aussi pleines de suc, que si elles ne venoient que de naître. Ils tirent cette fertilité des ruisseaux qui les arrosent, & qui ne tarissent jamais.

Cependant en des lieux où l’on trouve tant d’eaux, l’on ne voit point de marécages, parce que la terre disposée en pente, laisse couler dans le Tybre le reste des eaux dont elle ne s’est point abreuvée. Il passe tout-au-travers des campagnes, & porte des bateaux, sur lesquels pendant l’hiver & le printems, on peut charger toutes sortes de provisions pour Rome. En été, il baisse si fort, que son lit presque à sec, l’oblige à quitter son nom de fleuve, qu’il reprend en automne. Vous aurez un grand plaisir à regarder la situation de ce pays du haut d’une montagne. Vous ne croirez point voir des terres, mais un paysage peint exprès ; tant vos yeux, de quelque côté qu’ils se tournent, seront charmés par l’arrangement & par la variété des objets.

La maison, quoique bâtie au bas de la colline, a la même vue que si elle étoit placée au sommet. Cette colline s’éleve par une pente si douce, que l’on s’apperçoit que l’on est monté, sans avoir senti que l’on montoit. Derriere la maison est l’Apenin, mais assez éloigné. Dans les jours les plus calmes & les plus sereins, elle en reçoit des haleines de vent, qui n’ont plus rien de violent & d’impétueux, pour avoir perdu toute leur force en chemin. Son exposition est presque entierement au midi, & semble inviter le soleil