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dans les ports pour lever les ancres, &c. & quand on y fait attention, on les retrouve en petit dans une infinité d’autres endroits, où elles ne sont différentes que par la façon ou par la matiere dont elles sont faites. Les tambours, les fusées, les bobines sur lesquelles on enveloppe les cordes ou les chaînes pour remonter les poids ou les ressorts des horloges, des pendules, des montres mêmes, doivent être regardés comme autant de petits treuils ou de petits cabestans. (O)

Tour, (jeu des Echecs.) piece du jeu des échecs qui est posée aux extrémités du tablier, & qui ne se remue qu’à angles droits : il y a deux tours à ce jeu. Voyez Echecs, jeu des.

Tours doubles au Médiateur, ce sont ordinairement les derniers tours de la partie, où l’on double le jeu, les matadors, la consolation, la bête, la vole, &c. ou simplement telle de ces choses dont on sera convenu avant de commencer à jouer.

Tour, au Trictrac, signifie la partie composée de douze trous, dont chaque vaut douze points.

Tour irrégulier élégant, (Gram. franç.) il y a un tour irrégulier élégant, qui consiste à mettre le cas devant le verbe. Les orateurs s’en servent souvent avec beaucoup de grace : exemple en prose. « Celui qui nous a donné la naissance, nous l’évitons comme une embuche ; cependant cette souveraine, les nouvelles constitutions la dégradent ; toute son autorité est anéantie, & pour toute marque de sa dignité, on ne lui laisse que des révérences ; la supérieure ne fait rien qu’on ne condamne, les plus innocentes actions on les noircit ».

Exemple en poésie :

Ces moissons de lauriers, ces honneurs, ces conquêtes,
Ma main en vous servant, les trouve toutes prêtes.

Il semble qu’il faudroit dire régulierement : « nous évitons, comme une embuche, celui qui nous a donné la naissance ; cependant les nouvelles constitutions dégradent cette souveraine ; on noircit les plus innocentes actions ». Et quant aux vers, la construction naturelle seroit, « ma main trouve toutes prêtes ces moissons de lauriers, &c ». On parle dans la conversation & dans un livre tout simplement ; mais dans une action publique qui est animée de la voix, & qui demande une éloquence plus vive, le tour irrégulier a bien une autre force.

Il y a un autre tour irrégulier, qui consiste à mettre le nominatif après son verbe ; ce renversement, bien loin d’être vicieux, a de la grandeur, & est quelquefois absolument nécessaire : exemple. « Ils n’eurent pas les barbares, le plaisir de le perdre, ni la gloire de le mettre en fuite ». Cette expression est bien plus belle que de dire, « mais les barbares n’eurent pas le plaisir, &c. Déja frémissoit dans son camp l’ennemi confus & déconcerté ; déja prenoit l’essor pour s’avancer dans les montagnes, cet aigle dont le vol hardi avoit d’abord effrayé nos provinces ».

Il est quelquefois indispensable de mettre le nominatif après le verbe, si l’on ne veut pas tomber dans un style fade & languissant : exemples. « Il s’éleve du fond des vallées des vapeurs sulphureuses dont se forme la foudre qui tombe sur les montagnes ». Autre exemple. « Voilà le livre que me donna hier le grand homme qui n’a jamais rien fait que le public n’ait reçu avec admiration ». Il seroit bien moins noble de dire, « dont la foudre qui tombe sur les montagnes se forme ; le grand homme qui n’a jamais rien fait que le public n’ait reçu avec admiration, me donna hier ce livre, &c ».

Il y a encore un autre tour irrégulier, qui est fort élégant dans un discours oratoire : exemple. « Il l’a-

voit bien connu, messieurs, que cette dignité &

cette gloire dont on l’honoroit, n’étoit qu’un titre pour sa sépulture ». Autre exemple. « Je l’avois prévu, que ce haut degré de grandeur seroit la cause de sa ruine ». Ces expressions sont sans doute plus pathétiques que de dire simplement, « il l’avoit bien connu messieurs, que cette dignité, &c. J’avois prévu que ce haut degré de grandeur, &c ». (D. J.)

Tours de cartes et de mains, (art d’Escamotage.) Les tours de cartes sont des tours de gibeciere ou d’esprit. Il ne faut pas charger cet ouvrage d’exemples de ces bagatelles, mais on en doit citer quelques-uns pour apprendre aux hommes à chercher les causes de plusieurs choses qui leur paroissent fort surprenantes.

Les joueurs de gibeciere font changer en apparence une carte dans une autre ; par exemple un as de cœur en un as de trefle.

Pour en faire autant qu’eux, vous prendrez ces deux as, vous collerez un petit morceau de papier blanc bien mince sur vos deux as avec de la cire blanche ; sur l’as de cœur vous collerez un trefle, & sur l’as de trefle vous collerez un cœur. Vous montrerez ces deux as collés à tout le monde avec un peu de vîtesse. Vous montrerez d’abord l’as de cœur, & vous direz ; messieurs, vous voyez bien que c’est l’as de cœur. Vous ferez mettre le pié dessus ; & en mettant l’as sous le pié, vous tirerez avec le doigt le petit papier qui est attaché sur la carte. Vous montrerez ensuite l’as de trefle ; & en le faisant mettre sous le pié d’une autre personne qui soit éloignée de la premiere, vous ôterez aussi le papier de dessus la carte. Vous commanderez ensuite à l’as de cœur de changer de place, & d’aller à celle de l’as de trefle, & à l’as de trefle, d’aller à celle de l’as de cœur. Enfin vous direz à celui qui aura mis le pié sur l’as de cœur, de montrer sa carte, il trouvera l’as de trefle, & celui qui a mis le pié sur l’as de trefle, trouvera l’as de cœur.

Autre tour de carte. Après avoir fait battre un jeu de cartes, vous en ferez tirer une du jeu, puis vous disposerez les cartes en deux tas, & vous ferez poser celle que l’on a tirée sur un des deux tas. Ayant cependant mouillé le dos de votre main droite de quelque eau gommée, & mis les deux mains l’une dans l’autre, vous poserez le dos de votre main droite sur le tas où l’on a mis la carte : par ce moyen vous l’enleverez, & en tournant au-tour, vous la mettrez dans votre chapeau, la figure tournée de votre côté, afin de voir quelle elle est. Vous ferez poser une main sur le tas où l’on a mis la carte que vous avez tirée ; pendant ce tems-là vous prendrez l’autre tas, & le mettrez sur votre carte dans votre chapeau. Vous remettrez le second tas sur la table avec la carte dessus. Vous demanderez ensuite à la personne où il a mis sa carte ; il vous dira, sur le tas où j’ai la main : vous lui répondrez qu’elle est sous l’autre, & vous lui direz quelle est cette carte avant que la lever.

Pour deviner toutes les cartes d’un jeu les unes après les autres, il faut d’abord en remarquer une, & battre les cartes, en sorte que celle qu’on a remarquée se trouve dessus ou dessous. Je suppose qu’on ait remarqué le roi de pique ; ensuite il faut mettre les cartes derriere son dos, & annoncer qu’on va tirer le roi de pique. On tire effectivement le roi de pique qu’on a remarqué ; mais en le tirant on en tire une seconde que l’on cache dans sa main, & que l’on regarde en jettant la premiere que j’ai supposée être le roi de pique. Supposé que la seconde qu’on a regardée en jettant la premiere soit une dame de cœur, on annonce qu’on va tirer une dame de cœur ; mais en la tirant, on en tire une troisieme qu’on regarde