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bois devient de plus en plus rare, on devroit s’occuper à chercher les endroits où l’on pourroit en trouver. M. Jacob Faggot, de l’académie de Suede, a inséré, dans le volume X. année 1748, des Mémoires de cette académie, plusieurs expériences qu’il a faites pour prouver que l’on peut se servir de la tourbe pour chauffage avec le plus grand succès, & il compare ses effets à ceux du bois. Avant de faire ces expériences il a pesé la quantité de bois & celle de la tourbe, & il a observé la quantité d’eau que chacune de ces substances faisoit évaporer, & la durée du feu qu’elles ont produit. Voyez les Mémoires de l’acad. de Suede, année 1748.

Il seroit à souhaiter qu’en France, où la consommation du bois va toujours en augmentant, on s’occupât de pareilles recherches sur la tourbe ; on peut s’en servir avec succès pour quelques arts & métiers, dans les brasseries, & personne n’ignore que les cendres de cette substance sont très-bonnes pour fertiliser les prairies, & sur-tout celles qui sont humides & basses.

Il ne faut point confondre la tourbe avec des terres noires & bitumineuses qui ont aussi la propriété de s’enflammer : la tourbe distillée donne toujours une liqueur acide, de l’alkali volatil, & une huile empyreumatique.

La tourbe, comme nous l’avons déjà remarqué, n’est point par-tout la même, il y en a qui a contracté des qualités nuisibles. C’est ainsi qu’on dit qu’en Zélande il se trouve une espece de tourbe, qui fait que les personnes qui sont dans une chambre où l’on en brûle deviennent pâles & finissent par tomber en foiblesse : on pourroit soupçonner que cette tourbe contient des parties arsénicales ; celle qui se tire des endroits où il n’y a point de minéraux n’est point dangereuse.

Plus la tourbe est compacte & pesante, plus elle chauffe & conserve la chaleur ; voilà pourquoi on est en usage de la fouler & de la paitrir en Hollande. D’après le principe que plus les corps sont denses plus ils s’échauffent, M. Lind, écossois, a proposé, dans les Essais d’Edimbourg, un moyen de rendre la tourbe encore plus dense, & il croit qu’alors elle seroit propre à être employée pour le traitement des mines de fer au fourneau de forge : pour cela il croit qu’il faudroit écraser la tourbe encore molle & humide sous des meules, & ensuite en former des masses ; mais ce moyen n’enleveroit point à la tourbe son acide, qui est ce qui la rend le plus nuisible dans le traitement des mines de fer.

Le meilleur moyen que l’on ait imaginé jusqu’à présent, est de réduire la tourbe en charbon, c’est-à-dire de la brûler jusqu’à un certain point, & de l’étouffer ensuite ; par ce moyen elle sera dégagée de son acide, & deviendra propre aux travaux de la Métallurgie.

Le même M. Lind propose encore de se servir de la tourbe pour l’engrais des terres, & il conseille pour cela de la mêler avec des feuilles & des plantes récentes, afin qu’il s’excite une fermentation dans ce mélange, qui ne peut être qu’avantageux pour fertiliser les terres ; d’ailleurs cela se pratique déjà jusqu’à un certain point en Hollande, où l’on mêle avec du fumier la tourbe en poussiere, ou ce qui reste dans les granges où l’on a serré la tourbe, & l’on en forme des tas. Cet auteur nous apprend encore que la tourbe répandue sur les endroits où l’on a semé des pois les garantit de la gelée ; enfin la tourbe peut servir comme la glaise à retenir les eaux dans les viviers. Voyez les Essais d’Edimbourg.

Tout le monde sait que la cendre des tourbes est très-propre à servir d’engrais ; on l’employe avec succès sur-tout pour les prairies basses & marécageuses où il croît des joncs & des roseaux, que l’on

aura soin d’enlever, & l’on creusera bien avant les endroits de la terre où ces mauvaises herbes ont pris racine, après quoi l’on pourra répandre de la cendre de tourbes dans ces endroits.

Par les observations qui ont été faites dans cet article on voit, 1°. que la tourbe est une substance végétale ; 2°. qu’elle varie pour la bonté & la densité, suivant que les végétaux qui la composent sont plus ou moins décomposés ; 3°. on ne peut douter que la fermentation de la tourbe ne soit quelquefois récente, c’est ce que prouvent les arbres, les fruits, les charpentes, & les ouvrages de l’art que l’on y rencontre assez souvent. En Picardie, près de Pequigny, on a trouvé une chaussée entiere ensevelie sous dé la tourbe.

Quant à la prétendue régénération de la tourbe dans les endroits d’où on en a tiré, elle n’a point de réalité ; mais comme cette substance se forme dans des endroits bas & enfoncés, il peut arriver très bien que les pluies & les inondations des rivieres entrainent vers ces sortes d’endroits des plantes qui en s’y amassant peu-à-peu, parviennent à la longue à remplir de nouvelle tourbe les tourbieres qui avoient été épuisées : on voit que cela ne peut point être appellé une régénération, ni une production nouvelle. (—)

TOURBÉ, le, (Géogr. mod.) petite riviere de France, dans le Rételois. Elle prend sa source à Somme-Tourbe, & se jette ensuite dans l’Aisne.

TOURBERIE, (Jurisprudence.) terme de droit coutumier, particulierement usité en Angleterre, est un droit que l’on a de bêcher les tourbes dans le fonds d’autrui ; ce mot vient de l’ancien latin turba, pour dire tourbe. Voyez Tourbe.

Commune de tourberie, est la liberté que certains tenanciers ont acquise en vertu d’une prescription, pour bêcher des tourbes dans les bruyeres du seigneur. Voyez Commune.

Tourberie se prend aussi quelquefois pour le fond où l’on bêche des tourbes.

Tourberie ou bruaria, signifie plus particulierement de la tourbe de bruyere, dont il est fait mention dans une charte d’Hamon de Massy.

TOURBILLON, s. m. (Physique.) c’est en général un mouvement de l’air, subit, rapide, impétueux, & qui se fait en tournant. Voyez Ouragan.

Tourbillon se dit aussi quelquefois d’un goufre ou d’une masse d’eau, qu’on observe dans quelques mers ou rivieres qui tournoient rapidement, en formant une espece de creux dans le milieu.

La cause ordinaire de ces tourbillons vient d’une grande cavité, par où l’eau de la mer s’absorbe & se précipite dans quelqu’autre réservoir ; quelquefois même elle communique par ce moyen à quelqu’autre mer.

A l’imitation de ces phénomenes naturels, on peut faire un tourbillon artificiel avec un vase cylindrique, fixé sur un plan horisontal, & rempli d’eau jusqu’à une certaine hauteur. En plongeant un bâton dans cette eau, & le tournant en rond aussi rapidement qu’il est possible, l’eau est nécessairement forcée de prendre un mouvement circulaire assez rapide, & de s’élever jusqu’aux bords même du vase : quand elle y est arrivée, il faut cesser de l’agiter.

L’eau ainsi élevée forme une cavité dans le milieu, qui a la figure d’un cône tronqué, dont la base n’est pas differente de l’ouverture supérieure du vase, & dont le sommet est dans l’axe du cylindre.

C’est la force centrifuge de l’eau qui, causant son élévation aux côtés du vase, forme la cavité du milieu : car le mouvement de l’eau étant circulaire, il se fait autour d’un centre pris dans l’axe du vase, ou, ce qui est la même chose, dans l’axe du tourbillon que forme l’eau : ainsi la même vîtesse étant impri-