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faire cet inventaire dès l’an 1474, on voit que le trésor fermoit à trois clés, dont l’une demeura à Jean Bude, ancien trésorier des chartes, une audit Louvet, trésorier actuel, & la troisieme à MM. de la chambre des comptes auxquels tout ce qui se faisoit se rapportoit par cahiers.

Sous le roi François I. on porta au trésor quinze coffres appellés les coffres des chanceliers, parce qu’ils contenoient les papiers trouvés chez les chanceliers du Prat, du Bourg & Poyet. Ceux de ce dernier furent saisis quand on lui fit son procès au mois de Juin 1542, & ensuite mis au trésor des chartes.

Il faut remarquer à cette occasion qu’anciennement après la mort ou démission des chanceliers ou gardes des sceaux, l’on retiroit d’eux ou de leurs héritiers les papiers du roi, ainsi qu’on l’a vu pratiquer par la décharge qui fut donnée aux héritiers du chancelier des Ursins.

Du tems que M. de Thou, fils du premier président, fut trésorier des chartes, M. du Tillet, greffier en chef du parlement, auteur du recueil des rois de France & autres œuvres qu’il composa tant sur les registres du parlement & sur ceux de la chambre des comptes, que sur le trésor des chartes, eut pour cet effet permission d’entrer au trésor même, de transporter ce dont il auroit besoin : ce qui fut fait avec si peu d’ordre, que les titres dont il s’étoit servi ne furent point remis à leur place, plusieurs ne furent point rapportés, & demeurerent chez lui ou se trouverent perdus.

Le désordre s’accrut encore par l’entrée qu’eut au trésor M. Brisson la premiere année qu’il fut avocat du roi, lequel emporta de ce dépôt beaucoup de bons mémoires, même les remontrances faites à l’occasion du concordat.

M. Jean de la Guesle, procureur général, voyant le circuit qu’il étoit obligé de faire pour avoir quelque titre du trésor, qu’il falloit présenter requête au roi, puis obtenir une lettre de cachet, fit démettre celui qui étoit alors trésorier des chartes, & unir cette charge à perpétuité à celle de procureur général, ce qui fut fait au mois de Janvier 1582 ; & le procureur général prend depuis ce tems la qualité de trésorier-garde des chartes & papiers de la couronne, & tel est le dernier état au moyen de quoi MM. Dupuy & Godefroi, commis sous M. Molé, procureur général, trésorier des chartes, firent en 1615 un inventaire lors duquel ils trouverent beaucoup de titres pourris, partie des layettes brisées & pourries faute d’avoir entretenu la couverture. Ils remirent l’ordre qui y est aujourd’hui, ayant rangé les layettes par les douze gouvernemens, puis les affaires étrangeres, les personnes & les mélanges, tellement qu’ils mirent en état 350 layettes, 15 coffres & 52 sacs. Pour les registres ils furent rangés selon l’ordre chronologique du regne des rois.

L’inventaire des layettes, coffres & sacs contient huit volumes de minute. MM. Dupuy & Godefroy n’acheverent pas celui des registres, ayant été occupés à d’autres affaires.

M. Molé fit apporter au trésor les papiers de M. de la Guesle, procureur général ; on les mit dans des sacs étiquetés, ce qui remplit une partie d’une grande armoire distribuée en quarante-deux guichets.

Le roi ayant fait raser le château de Mercurol en Auvergne, où étoient ses titres pour ledit pays, on les a mis au trésor des chartes dans la chambre haute ; mais on en a tiré peu d’utilité.

On y a aussi mis quelques papiers de M. Pithou, des papiers concernant Metz, Toul & Verdun, la Lorraine ; on apporta de Nancy six grands coffres qui sont au trésor.

M. Dupuy dit que les ministres ont négligé de faire porter les titres au trésor des chartes : que pour ce

qui est des registres des chartes qui s’expédioient en la chancellerie, & pour lesquels on exige encore un droit, l’on n’en a point apporté au trésor des chartes depuis Charles IX. qu’à l’égard des originaux, on n’y en a point mis non plus depuis longtems, si ce n’est quelques pieces singulieres, comme le procès de la dissolution du mariage d’Henri IV. avec la reine Marguerite.

M. de Lomenie, secrétaire d’état, fit remettre à M. Molé, procureur général, les originaux des actes passés pour le mariage d’Henriette de France avec Charles I. roi d’Angleterre, pour être déposés au trésor de chartes.

Le cardinal de Richelieu v fit aussi mettre grand nombre de petits traités & actes faits par le roi avec les princes & états voisins.

On y chercha le contrat de mariage de Louis XIII. qui se trouva enfin dans un lieu où il ne devoit pas être.

Le garde des sceaux de Marillac fit rendre un arrêt du conseil d’état le 23 Septembre 1628, portant que les traités, actes de paix, mariages, alliances & négociations, de quelque nature qu’elles soient, passées avec les princes, seigneuries & communautés, tant dedans que dehors le royaume, seroient portés au trésor des chartes & ajoutés à l’inventaire d’icelui, & il fut enjoint aux chanceliers gardes des sceaux d’y tenir la main.

M. Dupuy dit que tout cela a encore été mal exécuté, & que les choses sont restées comme auparavant.

Mais par les soins de MM. Joly de Fleury pere & fils, plusieurs pieces anciennes très-importantes ont été récouvrées & miles au trésor des chartes.

Par exemple, le registre 84, qui depuis très-longtems étoit en deficit dans ce dépôt, s’étant trouvé dans la bibliotheque de M. Rouille du Coudray, conseiller d’état, & lors de sa mort arrivée en 1729, ayant passé entre les mains de M. de Fourqueux, procureur général de la chambre des comptes de Paris, son neveu, ce magistrat l’a remis au trésor des chartes, & ce registre a été réuni aux autres qui sont conservés dans ce dépôt. Voyez l’avertissement de M. Secousse qui est au troisieme volume des ordonnances de la troisieme race, p. 673.

Pour ce qui est des pieces modernes, il y a plus de cent ans que l’on n’en a mis aucune au trésor des chartes ; on en a d’abord mis quelques-unes aux archives du louvre, ensuite on a mis toutes celles qui sont survenues dans le dépôt des manuscrits de la bibliotheque du roi, où il y a déja plus de pieces qu’au trésor des chartes.

Il y a présentement plusieurs commissaires au trésor des chartes qui sont nommés par le roi, & qui sous l’inspection de M. le procureur général, travaillent aux inventaires & dépouillemens des pieces qui sont dans ce dépôt, dont on fait différentes tables & extraits, non-seulement par ordre des matieres, mais aussi des tables particulieres des noms de lieu, des noms des personnes, & singulierement de ceux des grands officiers de la couronne, des titres qui étoient alors usités, des noms des monnoies, & autres objets semblables qui méritent d’être remarqués.

On travaille aussi à une table générale des registres & à une autre de toutes les pieces originales qui sont au trésor ; on se propose même de faire une table générale de toutes les chartes du royaume qui se trouvent dispersées dans différens dépôts, depuis le commencement de la monarchie jusqu’en 1560, tems depuis lequel les actes qui ont suivi, ont été recueillis avec plus de soin dans différentes collections.

Il seroit à souhaiter que le public pût profiter bientôt de ce travail immense, dans lequel on puiseroit sans doute une infinité de connoissances curieuses & utiles. (A)