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d’une même tribu jusqu’en l’année 571 que les censeurs en changerent entierement l’ordre, & commencerent à faire la description des tribus selon l’état & la condition des particuliers.

Pour le tems où l’on commença de faire le cens par tribus, comme les anciens ne nous en ont rien appris, c’est ce qu’on ne sauroit déterminer au juste : il y a bien de l’apparence cependant, que ce ne fut que depuis l’établissement des censeurs ; c’est-à-dire, depuis l’an 310, car il n’en est fait aucune mention auparavant, & l’on en trouve depuis une infinité d’exemples.

Quand les nouveaux citoyens étoient reçus dans les tribus, les censeurs ne les distribuoient pas indifféremment dans toutes, mais seulement dans celles de la ville, & dans quelques-unes des rustiques. Ce fut sans doute ce qui rendit les autres tribus plus honorables ; & ce qui fit même qu’entre celles où ils étoient reçus, il y en avoit de plus ou moins méprisées selon les citoyens dont elles étoient remplies ; car il faut remarquer qu’il y avoit de trois sortes de nouveaux citoyens, les étrangers qui venoient s’établir à Rome ou qu’on y transferoit des pays conquis, les différens peuples d’Italie auxquels on accordoit le droit de suffrage, & les affranchis qui avoient le bien nécessaire pour être compris dans le cens.

A l’égard des peuples que l’on transféroit des pays conquis, comme les Romains ne manquoient pas d’y envoyer aussi-tôt des colonies, ils avoient coutume de distribuer ces nouveaux citoyens dans les tribus les plus proches de la ville, tant pour tenir la place des anciens citoyens qu’ils en avoient tirés, qu’afin de les avoir sous leurs yeux, & d’être par-là plus sûrs de leur fidélité.

C’étoit aussi dans ces premieres tribus établies par Servius Tullius qu’étoient reçus les différens peuples d’Italie, auxquels on accordoit le droit de suffrage ; car l’usage n’étoit pas de les distribuer dans les tribus qui étoient sur leurs terres, comme on pourroit se l’imaginer, mais dans celles du champ romain qui portoient des noms de famille, comme on le peut voir par une infinité d’exemples, & entr’autres par celui des Sabins, des Marses, des Péllyniens, & par celui des peuples de Fondi, de Formies & d’Arpinum, desquels Cicéron & Tite-Live font mention.

Pour les affranchis, ce fut presque toujours dans les tribus de la ville qu’ils furent distribués ; mais ils ne laisserent pas d’être quelquefois reçus dans les rustiques, & l’usage changea même plusieurs fois sur ce sujet. Il est bon d’en connoître les variations suivant l’ordre des tems.

Pour cela il faut premierement remarquer qu’ils demeurerent dans les tribus de la ville jusqu’en l’année 441, qu’Appius Claudius les reçut dans les rustiques. Tite-Live nous apprend même que cette action fut agréable à tous les citoyens, & que Fabius en reçut le surnom de Maximus, que toutes ses victoires n’avoient encore pu lui acquérir.

On ne voit point à quelle occasion, ni par quel moyen ils en étoient sortis peu de tems après ; mais il falloit bien qu’ils s’en fussent tirés du consentement ou par la négligence des censeurs. Ils en sortirent plusieurs fois en divers tems, & furent obligés d’y rentrer ; mais cela n’empêche pas que ce ne fût ordinairement dans les tribus de la ville qu’ils étoient distribués, & ces tribus leur étoient tellement affectées, que c’étoit une espece d’affront que d’y être transféré.

C’étoit même la différence qu’il y avoit non-seulement entre les tribus de la ville & celles de la campagne, mais encore entre les premieres rustiques établies par Servius Tullius, & celles que les consuls avoient établis depuis, qui donna lieu à l’usage de

mettre entre les différens noms qu’on portoit celui de sa tribu.

La raison, au reste, pour laquelle les Romains mettoient le nom de leurs tribus immédiatement après leurs noms de famille & avant leurs surnoms, c’est que ces sortes de noms se rapportoient à leurs familles, & non pas à leur personne ; & cela est si vrai, que lorsqu’ils passoient d’une famille dans une autre qui n’étoit pas de la même tribu, ils avoient coutume d’ajouter au nom de leur premiere tribu le nom de celle où ils entroient par adoption, comme on le peut voir par une infinité d’exemples.

Il reste à parler de l’usage des tribus par rapport à la religion ; car quoiqu’elles n’eussent aucune part aux auspices, c’étoit d’elles cependant que dépendoit le choix des pontifes & des augures, & il y avoit même des cérémonies où leur présence étoit absolument nécessaire. Immédiatement après la dédicace du temple de Junon Monéta, c’est-à-dire l’an 411, sous le troisieme consulat de C. Martius Rutilus, un esprit de trouble & de terreur s’étant répandu dans toute la ville sur le rapport de quelques prodiges, & la superstition n’ayant point trouvé d’autre ressource que de créer un dictateur pour établir des fêtes & des prieres publiques, il se fit à Rome pendant plusieurs jours des processions solemnelles, non seulement de toutes les tribus, mais encore de tous les peuples circonvoisins.

A l’égard de l’élection des pontifes, il faut remarquer premierement que jusqu’en l’année 850 il n’y avoit que le grand-pontife qui fut élu par les tribus, & que tous les autres prêtres étoient cooptés par les colléges : secondement que ce fut Cn. Domitius, le trisayeul de Néron, qui leur ôta ce droit, & l’attribua au peuple pour se venger de ce qu’ils n’avoient pas voulu le recevoir à la place de son pere : & troisiemement, que l’assemblée où se faisoit l’élection des pontifes & des augures n’étoit composée que de dix-sept tribus, c’est-à-dire de la moindre partie du peuple, parce qu’il ne lui étoit pas permis en général de disposer du sacerdoce, comme on le peut voir par le passage de Cicéron contre Rullus.

Encore faut-il observer premierement que le peuple ne les pouvoit choisir qu’entre ceux qui lui étoient présentés par les colleges ; secondement, que chaque prétendant ne pouvoit avoir plus de deux nominateurs, afin que les colleges fussent obligés de présenter plusieurs sujets, entre lesquels le peuple pût choisir ; troisiemement, que les nominateurs devoient répondre par serment de la dignité du sujet qu’ils présentoient ; & quatriemement enfin, que tous les compétiteurs devoient être approuvés par les augures avant la présentation, afin que le choix du peuple ne pût être éludé.

Mais quoique l’assemblée où se faisoient ces élections ne fût composée que de dix-sept tribus, & portât même en particulier le nom de comitia calata ; comme ces dix-sept tribus néanmoins se tiroient au sort, & qu’il falloit pour cela que toutes les autres se fussent auparavant assemblées, il est certain que c’étoit une dépendance de leurs comices, & même une des quatre principales raisons pour lesquelles ils s’assembloient, car ces comices se tenoient encore pour trois autres sujets.

Premierement, pour l’élection des magistrats du second ordre, minores magistratus, les comices des tribus se tenoient en second lieu pour l’établissement des lois tribuniciennes, c’est-à-dire des plébiscites, qui n’obligerent d’abord que les plébéiens, & auxquels les patriciens ne commencerent d’être tenus que l’an 462 par la loi Hortensia, quoiqu’on eût entrepris de les y soumettre dès l’an 304 par la loi Horatia, & que cette loi eût été renouvellée l’an 417 par le dictateur Publilius. Enfin les tribus s’assem-