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portent dessus cette platine, & on les fait rentrer bien précisément dans les mêmes points ou petits trous qu’elles avoient marqués ci-devant ; cela étant sait, on lâche la pointe o dont l’extrémité fort aiguë marque un petit point dans le même endroit précisément où étoit le centre du trou avant de l’avoir bouché, puisque la distance entre ce centre & ces points a été prise d’une maniere invariable par ces trois pointes O & PP. Dans cet outil la pointe O communément n’est ni mobile, comme elle est ici, ni dans une même ligne ; elle est seulement un peu plus longue que les deux autres, & forme avec elles une espece de triangle. Cette disposition lui donne un grand défaut, parce que les trous que l’on rebouche, étant plus ou moins grands, la pointe oy entre plus ou moins avant ; d’où il arrive que le point que cet outil donne (en s’en servant de la même maniere approchant que du précédent), n’est point au centre du trou que l’on a bouché, mais dans l’arc du cercle décrit par la pointe O dans ces différentes situations ; pour peu qu’on y fasse attention, on en concevra la raison facilement, & pourquoi on a donné à cet outil la disposition représentée dans la figure ; cet instrument est en général fort utile en ce qu’il épargne beaucoup de peine à l’ouvrier.

Trou du tampon, les Fondeurs appellent ainsi le trou par lequel le métal sort du fourneau pour entrer dans l’écheno. Il est fait en forme de deux entonnoirs joints l’un contre l’autre par leurs bouts les plus étroits. On bouche celui qui est du côté du fourneau, avec un tampon de fer de la figure de l’ouverture qu’il doit remplir, & que l’on met par le dedans du fourneau avec de la terre qui en bouche les joints ; de sorte que le tampon étant en forme de cone, le métal ne peut le pousser dehors. Voyez Fonderie & les Planches de la fonderie des figures équestres.

Trou, (Jardinage.) est l’ouverture que l’on creuse pour planter les arbres proportionnément à leur force ; on les fait de six piés en quarré pour les plus grands arbres ; ordinairement ils ne sont que de trois ou quatre piés en quarré, & leur profondeur se regle suivant la qualité de la terre. Voyez Planter.

Trou, terme de jeu de Paume, c’est un petit trou d’environ un pié en quarre, pratiqué au-bas d’un des murs du bout d’un jeu de paume au niveau du pavé. Lorsqu’une balle entre dans le trou de volée ou du premier bond, le joueur qui l’a poussée, gagne quinze.

Trou-madame, s. f. (Jeux.) espece de jeu où l’on joue avec des petites boules ordinairement d’ivoire, qu’on tache de pousser dans des ouvertures en forme d’arcades marquées de différens chiffres. Jouer au trou-madame, c’est, dit Richelet, jouer à une sorte de jeu composé de treize portes & d’autant de galeries, auquel on joue avec treize petites boules. On appelle du même nom l’espece de machine ouverte en forme d’arcades, dans lesquelles on pousse les boules.

TROUBADOURS ou TROMBADOURS, s. m. (Littérat.) qu’on trouve aussi écrit trouveors, trouveours, trouverses & trouveurs, nom que l’on donnoit autrefois, & que l’on donne encore aujourd’hui aux anciens poëtes de Provence. Voyez Poésie.

Quelques-uns prétendent qu’on les a appellés trombadours, parce qu’ils se servoient d’une trompe ou d’une trompette dont ils s’accompagnoient en chantant leurs vers.

D’autres préserent le mot de troubadours qu’ils font venir du mot trouver, inventer, parce que ces poëtes avoient beaucoup d’invention, & c’est le sentiment le plus suivi.

Les poésies des troubadours consistoient en sonnets, pastorales, chants, satyres, pour lesquelles ils avoient le plus de goût, & en tensons ou plaidoyers qui étoient des disputes d’amour.

Jean de Notre-Dame ou Nostradamus qui étoit procureur au parlement de Provence, est entré dans un grand détail sur ce qui concerne ces poëtes.

Pasquier dit qu’il avoit entre les mains l’extrait d’un ancien livre qui appartenoit au cardinal Bembo, & qui avoit pour titre : les noms d’aquels firent temons & syrventes. Ils étoient au nombre de 96, & il y avoit parmi eux un empereur, savoir Frédéric I. deux rois, Richard I. roi d’Angleterre, & un roi d’Arragon, un dauphin de Viennois & plusieurs comtes, &c. non pas que tous ces personnages eussent composé des ouvrages entiers en provençal, mais pour quelques épigrammes de leur façon faites dans le goût de ces poetes. Les pieces mentionnées dans ce titre & nommées syrventes, étoient des especes de poëmes mêlés de louanges & de satyres, dans lesquels les troubadours célébroient les victoires que les princes chrétiens avoient remportées sur les infideles dans les guerres d’outre-mer.

Pétrarque au iv. chapitre du triomphe de l’amour, parle avec éloge de plusieurs troubadours. On dit que les poëtes italiens ont formé leurs meilleures pieces sur le modele de ces poëtes provençaux, & Pasquier avance positivement que le Dante & Pétrarque sont les vraies fontaines de la poésie italienne, mais que ces fontaines ont leur source dans la poésie provençale.

Boucher, dans son histoire de Provence, raconte que vers le milieu du douzieme siecle les troubadours commencerent à se faire estimer en Europe, & que la réputation de leur poésie fut au plus haut degré vers le milieu du xiv. siecle. Il ajoute que ce fut en Provence que Pétrarque apprit l’art de rimer, qu’il pratiqua & qu’il enseigna ensuite en Italie.

En effet outre les différentes sortes de poésies que composerent les troubadours, même dès la fin du xj. siecle, ils eurent la gloire d’avoir les premiers fait sentir à l’oreille les véritables agrémens de la rime. Jusqu’à eux elle étoit indifféremment placée au commencement, au repos ou à la fin du vers ; ils la fixerent où elle est maintenant, & il ne fut plus permis de la changer. Les princes de ce tems-là en attirerent plusieurs à leurs cours, & les honorerent de leurs bienfaits. Au reste ces troubadours étoient différens des conteurs, chanteurs & jongleurs qui parurent dans le même tems. Les conteurs composoient les proses historiques & romanesques ; car il y avoit des romans rimés & sans rimes ; les premiers étoient l’ouvrage des troubadours, & les autres ceux des conteurs. Les chanteurs chantoient les productions des poëtes, & les jongleurs les exécutoient sur différens instrumens. Voyez Jongleurs.

« Les premiers poëtes, dit M. l’abbé Massieu dans son histoire de la poésie françoise, menoient une vie errante, & ressembloient du-moins par-là aux poëtes grecs. Lorsqu’ils avoient famille, ils menoient avec eux leurs femmes & leurs enfans qui se mêloient aussi quelquefois de faire des vers ; car assez souvent toute la maison rimoit bien ou mal à l’exemple du maître. Ils avoient soin encore de prendre à leur suite des gens qui eussent de la voix pour chanter leurs compositions, & d’autres qui sussent jouer des instrumens pour accompagner. Ecoutés de la sorte ils étoient bien venus dans les châteaux & dans les palais. Ils égayoient les repas ; ils faisoient honneur aux assemblées, mais surtout ils savoient donner des louanges, appât auquelles grands se sont presque toujours laissés prendre ». Hist. de la poésie françoise, pag. 96.

« Quelquefois, dit M. de Fontenelle, durant le repas d’un prince on voyoit arriver un trouverse inconnu avec ses menestrels ou jongleours, & il leur faisoit chanter sur leurs harpes ou vielles les vers qu’il avoit composés. Ceux qui faisoient les sons, aussi bien que les mots, étoient les plus esti-