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eaux qui sont tombées sur des feuilles ou des plantes.

A l’égard des typolites, ou pierres qui portent des empreintes d’animaux, les plus ordinaires sont celles sur lesquelles on voit des poissons, telles que celles qui se trouvent sur une pierre feuilletée blanchâtre à Papenheim. Voyez Papenheim pierre de. On doit aussi placer dans ce nombre la pierre schisteuse chargée d’empreintes de poissons, qui se trouve près d’Eisleben, dans le comté de Mansfeld, qui est une vraie mine de cuivre. Voyez Mansfeld, pierre de. (—)

TYR, (Géog. anc.) ville d’Asie, dans la Phénicie, sur le bord de la mer, au midi de Sidon. Cette ville aussi célebre dans l’histoire sacrée, que dans l’histoire profane, est des plus anciennes, soit qu’elle ait la même ancienneté que Sidon, comme le prétend Quint-Curce, soit qu’elle ait été bâtie depuis Sidon, comme le pense Justin, l. XVIII. c. iij.

Quelques critiques prétendent qu’il y avoit deux villes de Tyr, l’une plus ancienne connue sous le nom de Palæ-Tyros, & l’autre plus nouvelle nommée simplement Zor ou Tyr. La premiere étoit bâtie sur le continent, à trente stades de la seconde, selon Strabon, l. XVI. C’est dans la premiere qu’étoit le temple d’Hercule, dont les prêtres de Tyr vantoient avec exagération l’antiquité à Hérodote ; & c’est dans ce temple que les Tyriens répondirent à Alexandre qu’il pouvoit venir sacrifier, lorsqu’il leur fit dire qu’il souhaitoit se rendre dans leur ville pour y offrir des sacrifices à Hercule. L’autre Tyr étoit dans une île vis-à-vis de l’ancienne, dont elle n’étoit séparée que par un bras de mer assez étroit. Pline, l. V. c. xix. dit qu’il n’y avoit que sept cens pas de distance de l’île à la terre ferme. Alexandre le grand combla tout cet espace pour prendre la ville, & l’ile étoit encore jointe à la terre ferme du tems de Pline. Dans le même chapitre cet auteur donne dix-neuf mille pas de circuit au territoire de Tyr, & il y renferme la vieille Tyr.

Le nom de cette ville en hébreu est Zor ou Sor ; suivant une autre dialecte, c’est Syr ou Sar ; les Araméens qui ont coutume de changer la lettre s en t, disent Tor, Tur ou Tyr, & en ajoutant la terminaison greque, on a fait Τύρος, Tyrus. De Sar a été formé le nom national sarranus, qui dans les poëtes signifie la même chose que tyrius. Virgile, l. II. Georg. v. 506, s’en est servi dans ce sens :

Ut gemma bibat, & sarrano dormiat ostro.

Les Tyriens passoient pour être les inventeurs du commerce & de la navigation, & ils l’étoient en effet. Pendant que dans les autres empires il se faisoit un commerce de luxe, les Tyriens faisoient par toute la terre un commerce d’économie. Bochard a employé le premier livre de son Chanaan à l’énumération des colonies qu’ils envoyerent dans tous les pays qui sont près de la mer ; ils passerent les colonnes d’Hercule, & firent des établissemens sur les côtes de l’Océan.

Dans ces tems-là, les navigateurs étoient obligés de suivre les côtes, qui étoient, pour ainsi dire, leur boussole. Les voyages étoient longs & pénibles. Les travaux de la navigation d’Ulysse ont été un sujet fertile pour le plus beau poëme du monde, après celui qui est le premier de tous.

Le peu de connoissance que la plûpart des peuples avoient de ceux qui étoient éloignés d’eux, favorisoit les nations qui faisoient le commerce d’économie. Elles mettoient dans leur négoce les obscurités qu’elles vouloient ; elles avoient tous les avantages que les nations intelligentes prennent sur les peuples ignorans.

L’Egypte éloignée par la religion & par les mœurs, de toute communication avec les étrangers, ne fai-

soit guere de commerce au-dehors ; elle jouissoit d’un

terrein fertile & d’une extrème abondance. C’étoit le Japon de ce tems-là ; elle se suffisoit à elle-même.

Les Egyptiens furent si peu jaloux du commerce du dehors, qu’ils laisserent celui de la mer Rouge à toutes les petites nations qui y eurent quelque part. Ils souffrirent que les Juifs & les Syriens y eussent des flottes. Salomon employa à cette navigation des tyriens qui connoissoient ces mers.

Josephé dit que sa nation uniquement occupée de l’agriculture connoissoit peu la mer ; aussi ne fut-ce que par occasion que les Juifs négocierent dans la mer Rouge. Ils conquirent sur les Iduméens Elath & Asiongaber, qui leur donnerent ce commerce ; ils perdirent ces deux villes, & perdirent ce commerce aussi.

Il n’en fut pas de même des Phéniciens ou des Tyriens ; ils ne négocioient point par la conquête ; leur frugalité, leur habileté, leur industrie, leurs périls, leurs fatigues les rendoient nécessaires à toutes les nations du monde. Ce sont les excellentes réflexions de l’auteur de l’esprit des lois.

Les Tyriens vendoient à tous les peuples de la terre les étoffes teintes en pourpre & en écarlate, dont ils avoient le secret ; & cette seule branche de commerce leur valoit un gain immense. Ulpien, fameux jurisconsulte, & né lui-même à Tyr, nous apprend que l’empereur Severe accorda aux Tyriens de grands privileges qui contribuerent encore à leur agrandissement. Ils peuplerent les villes de Biserte, de Tripoli de Barbarie & de Carthage. Ils fonderent Tartèse, & s’établirent à Cadix.

Mais pour parler de plus loin, l’Ecriture appelle Tyr dans son style oriental, une ville couronnée de gloire & de majesté, remplie de princes & de nobles qui avoient tant d’or & d’argent, que ces métaux y étoient aussi communs que la terre. Elle y est dite parfaite en beauté, & elle est comparée à un navire royal qui a été construit pour être un chef-d’œuvre digne d’admiration.

La religion chrétienne y fit de grands progrès du tems des empereurs romains ; cette ville a eu le titre de métropole, & celui du premier siege archiépiscopal sous le patriarchat d’Antioche : ce qui fait qu’on l’a nommé Protothronos, ou premier siege.

Tyr est aujourd’hui entierement ruinée, au point même qu’on trouve à peine dans ses ruines de foibles traces de son ancienne splendeur, dans un si grand nombre de ses palais abattus, de ses pyramides renversées & de ses colonnes de jaspe & de porphyre rompues. Ses fortes murailles sont détruites, ses boulevards applanis, & les débris qui en restent, ne servent plus qu’à étendre & à sécher les filets de quelques pauvres pêcheurs. Enfin on ne trouve plus dans les masures de l’ancienne capitale de Phénicie, qu’une douzaine de maisons habitées par quelques turcs ou quelques arabes.

Cette ville a été assiégée deux fois par les chrétiens ; la premiere en 1112, par Baudoin I. sans succès, & la seconde en 1124 ; cette derniere fois les Chrétiens la prirent, & en demeurerent maîtres jusqu’en 1188, que Saladin l’attaqua, s’en empara, & la démolit de fond-en-comble. Le port de Tyr est fort vaste & à l’abri des vents du midi. Il reste ouvert à la tramontane ; mais sa tenue est bonne & son fond net.

Recapitulons en peu de mots les vicissitudes de Tyr. Bâtie sur les côtes de la Phénicie, dans une île éloignée de quatre stades du bord de la mer, peu de villes anciennes ont joui d’une plus grande célébrité. Reine des mers, suivant l’expression des écrivains sacrés, peuplée d’habitans dont l’opulence égaloit celle des princes, elle sembloit embrasser l’univers par l’étendue de son commerce ; ses vaisseaux par-