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leine en Provence ; l’apostolat des Gaules de Denys l’aréopagite ; la cause de la retraite de S. Bruno, fondateur des chartreux ; la vision de Simon Stoch ; les privileges de la bulle sabbatine, &c. Il crut aussi devoir démontrer la fausseté des prétendus privileges des moines, en vertu desquels ils ne vouloient pas reconnoître la jurisdiction des évêques ; & il réfuta les raisons qu’ils alléguoient pour s’attribuer l’administration du sacrement de pénitence. « Ceux qui aiment la vérité, dit M. de Marolles, lui surent autant de gré de ses belles recherches, que les gens qui sont incapables d’honorer la raison, crurent avoir de sujet de se plaindre de ce savant pour avoir fait de telles conquêtes ; & si la superstition s’en afflige, l’Eglise pure doit s’en glorifier ».

M. de Launoi étendit encore sa critique sur le trop grand nombre de saints canonisés dans le calendrier, & les abus qui en résultent. Vigneul Marville rapporte que le curé de S. Eustache de Paris disoit : « Quand je rencontre le docteur de Launoi, je le salue jusqu’à terre, & ne lui parle que le chapeau à la main, & avec bien de l’humilité, tant j’ai peur qu’il ne m’ôte mon S. Eustache qui ne tient à rien ». Il avoit raison, dit M. de Valois, car la vie de S. Eustache est un tissu de fables entassées les unes sur les autres ; & je suis fort surpris, continue-t-il, que la plus grosse paroisse de Paris ait quitté le nom d’une des plus célebres & illustres martyres que nous ayons pour prendre celui d’un saint inconnu & fort suspect.

Godefroi l’historiographe étant sorti de son logis de grand matin le premier jour de l’an, rencontra dans la rue de la Harpe M. de Launoi qui s’en alloit en Sorbonne. Il l’aborda, & lui dit en l’embrassant : « Bon jour & bon an, monsieur ; quel saint dénicherez-vous du ciel cette année » ? M. de Launoi, surpris de la demande, lui répondit : « Je ne déniche point du ciel les véritables saints que Dieu & leur mérite y ont placés, mais bien ceux que l’ignorance & la superstition des peuples y ont fait glisser sans qu’ils le méritassent, & sans l’aveu de Dieu & des savans ».

C’est là-dessus que Ménage fit une bonne épigramme greque, dans laquelle il compare M. de Launoi au Jupiter d’Homere, qui chassa du ciel toute la racaille des faux dieux qui s’y étoit glissée parmi les véritables, & qui leur donnant du pié au cul, les fit tomber du haut de son trône & des étoiles en terre.

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Rome cria contre l’entreprise de M. de Launoi, comme contre un horrible sacrilege ; elle le déclara un destructeur de la religion, & mit tous ses livres à l’inquisition, ne pouvant y faire traîner l’auteur ; mais l’histoire de l’Eglise de Basnage, publiée l’an 1699, en deux volumes in-fol. a bien dû autrement émouvoir la bile des inquisiteurs. C’est-là qu’on trouve la destruction de tant de faux saints & de tant de faux martyrs, qu’en comparaison de cet océan l’entreprise de M. de Launoi n’est qu’un petit ruisseau.

Il étoit cependant difficile que ce docte théologien de Sorbonne écrivît beaucoup de choses contre les maximes des flatteurs du pape, contre les superstitions & contre les prétendues exemptions des moines, sans s’attirer beaucoup d’ennemis. Il éprouva sur ses vieux jours qu’il avoit choqué un parti fort redoutable. On lui défendit de tenir des assemblées dans sa chambre, quoiqu’elles fussent très-innocentes, puisqu’il n’y recevoit que des amis, & qu’on n’y conversoit que de sciences ; enfin on fit des affaires à son libraire qui imprimoit son livre de la simonie, où entr’autres choses il attaque les annates & réfute le jésuite Azorius.

M. de Launoi supporta patiemment cette espece de persécution, & se trouvant d’ailleurs protégé par des gens du premier mérite, il continua de travailler pour l’Eglise, pour son prince & pour le plus grand bien de la religion. Il a éclairé l’esprit d’une infinité de gens, sans que tous les abus ayent été corrigés ; c’est parce que trop de personnes sont intéressées à les maintenir. Il y a bien de la différence entre les particuliers & le public. Il vient des tems où la plûpart des particuliers se trouvent désabusés, & néanmoins la pratique du public demeure la même. Enfin il semble que la cour de Rome ait adopté la religion du dieu Termus de la république romaine. Ce dieu ne cédoit à rien, non pas même à Jupiter. (Le chevalier de Jaucourt.)

VALOIR, v. act. (Gram.) avoir une valeur, un certain prix, soit intrinseque, soit arbitraire : une marchandise doit valoir moins quand elle est commune, que quand elle est rare. Voyez Valeur.

On dit aussi dans le commerce faire valoir son argent, pour dire en tirer du profit, le mettre à intérêt. Voyez Intérét.

VALOIS, (Géog. mod.) pays de France, dans le gouvernement de l’île de France. Il est borné au nord par le Soissonnois ; au midi, par la Brie ; au levant, par la Champagne ; & au couchant, par le Beauvoisis. Il prend son nom d’un vieux chapitre appelle Vadum en latin, & en françois. Ce n’étoit autrefois qu’un comté, que Philippe-Auguste réunit à la couronne ; c’est à-présent un duché qui fut donné en apanage au frere de Louis XIV. & que la maison d’Orléans possede. C’est un pays de plaine abondant en blé. Crépi est la capitale. (D. J.)

VALOISE ou LUQUOISE, s. f. (Manuf. en soie.) étoffe montée à huit lisses, autant de lisses pour rabattre que pour lever ; à chaque coup de la tire, on baisse une lisse de rabat, & l’on passe la navette de la même couleur ; ce qui produit un diminutif de la lustrine. La chaîne & la trame sont très minces.

VALON, (Géog. anc.) fleuve de la Mauritanie tingitane. Ptolomée, l. III. c. j. place son embouchure entre les villes Tingis & Exilissa, c’est-à-dire environ au milieu de la côte du détroit de Gibraltar. (D. J.)

VALONE, (Géogr. mod.) ville de l’empire turc, dans l’Albanie, sur le bord de la mer, près des montagnes de la Chimere, à 70 milles d’Otrante, avec un port & un archevêché grec. Les Vénitiens la prirent en 1690, & l’abandonnerent quelque tems après, en ayant ruiné les fortifications.

VALOUVERS, s. m. (Hist. mod.) c’est ainsi que l’on nomme les idolâtres de l’Indostan, les prêtres de la derniere des tribus, appellée parreas ou poulias, qui est l’objet du mépris de peuple. Il y a parmi une famille sacerdotale, appellée des valouvers, qui prétendent avoir occupé anciennement dans les Indes un rang aussi distingué que les bramines ou prêtres actuels. Les valouvers s’appliquent à l’Astronomie & l’Astrologie ; ils ont des livres qui contiennent des préceptes de morale très-estimés. On dit qu’ils portent un filet de pêcheur autour du col lorsqu’ils font leurs sacrifices.

VALPARAISO ou VALPARISSO, (Géog. mod.) bourgade de l’Amérique méridionale, au Chili, sur la côte de la mer du sud, dans un vallon, avec un port défendu par une citadelle. Cette bourgade est composée d’une centaine de pauvres maisons, dont la plus grande partie n’est habitée que des noirs, de mulâtres & de métifs, qui sont des matelots & gens de cet ordre ; cependant cette bourgade a pour sa défense deux forteresses ; l’une commande l’entrée du port avec des batteries rasantes ; l’autre a une batterie de vingt pieces de canon de bronze. Quoique