Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/852

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

relief ; car la matiere est plus recommandable pour son volume que pour sa beauté. Les pampres & les seps de vigne qui renferment tout l’ouvrage, ne laissent rien à desirer. Ce beau morceau est fidelement représenté dans l’histoire de S. Denis, par dom Félibien.

Personne n’ignore que le roi de France a une des plus superbes collections qui puisse se voir en fait de vases. Cette collection en contient plus de huit cens qui sont de pierres précieuses ou de crystal de roche, tous richement montés en or, le plus souvent émaillés avec une grande intelligence. Le plus grand nombre de ces vases a été rassemblé par monseigneur grand-pere du roi ; quelques-uns sont décrits ou indiques dans la description de Paris, de Piganiol de la Force.

Il est vrai cependant que tout n’est pas antique ; car lors du renouvellement des arts, les princes de l’Europe placerent une partie de leur luxe à faire décorer les vases échappés à la fureur des tems & des barbares, ou bien à en travailler d’autres de nouveaux. Aussi les Graveurs en pierres fines, tant françois qu’italiens, en ont-ils exécuté & restauré un très-grand nombre pendant le cours des deux derniers siecles. Les habiles orfevres de ce tems-là les ont montés avec tant d’élégance, que la plus grande partie fait admirer leur goût, leur adresse & leur savoir.

Le roi possede encore un autre trésor ; c’est un grand in-fol. de 220 pages, qu’on garde dans le cabinet de ses estampes ; c’est dommage que ce beau recueil ne se trouve accompagné d’aucune sorte d’explications.

On y voit d’abord douze vases de marbre dessinés d’après l’antique par Errard, peintre du roi, & qui ont été gravés sur ces desseins par Tournier. On y trouve ensuite les desseins de plusieurs autres monumens antiques, principalement des vases de métal de formes singulieres, qui paroissent avoir servi dans les sacrifices, & qui sont en général dessinés avec une telle intelligence & une telle vérité, qu’il n’est pas possible de mieux rendre un objet en faisant même sentir à l’œil la matiere dont il est formé.

Pour donner une plus juste idée de la forme & des ornemens de ces morceaux rares, on les a non-seulement représentés dans plusieurs aspects différens, mais les figures ou les ornemens qui en font la richesse sont les plus souvent dessinés séparément, & plus en grand ; & quant aux vases qui se trouvent d’agate ou d’autres matieres précieuses, on les a coloriées avec une grande précision, pour en donner une idée plus exacte. De ce nombre sont plusieurs vases qui se conservent au trésor S. Denis : le fameux monument d’agate dont j’ai parlé, s’y trouve beaucoup mieux rendu de toutes les façons que dans les auteurs qui l’ont donné au public ; & la comparaison de ces copies avec leurs originaux, augmente & confirme la confiance que la vérité de la touche & l’exécution peuvent donner à un connoisseur sur les morceaux qu’il ne connoît pas, ou qui n’existent plus.

Ces desseins sont entremêlés d’autres desseins faits par d’excellens artistes du seizieme siecle, la plus grande partie faite pour des ouvrages d’orfévrerie, que l’on exécutoit alors avec autant de goût & de finesse, que de magnificence, pour la décoration des tables & des buffets ; aussi l’on avoit grand soin de choisir pour les exécuter, les hommes les plus habiles & les plus célebres dans l’orfévrerie : ainsi l’on peut assurer qu’elle nous a conservé & ramené le dessein & la sculpture.

Quelques-uns de ces desseins sont d’après Polidor ; mais il ne faut pas passer sous silence ceux d’un orfevre françois, nommé maître Etienne de l’Aulne ; ils

sont d’une fermeté de touche merveilleuse.

M. de Caylus parle aussi des études qui ont été faites par un autre habile homme, lequel a fait des recherches fort utiles d’après les monumens antiques, & découvert différens vases & différens instrumens en usage chez les anciens ; toutes ces choses peuvent beaucoup servir à ceux qui font leur étude de l’antique, & l’on doit par conséquent les indiquer, pour recourir dans le besoin à une source aussi exacte qu’abondante.

Ce recueil est encore enrichi de plusieurs vases étrusques, de pateres d’argent, dont les ornemens sont rendus avec la plus grande précision, & dans lesquels on trouve des masques scéniques, disposés de la même maniere & dans la même proportion que sur la belle coupe de saint Denys.

Tout prouve la magnificence des anciens en fait de vases, & les grandes dépenses qu’ils ont faits avec profusion en ce genre. Le luxe, cet ennemi de la durée des empires, & qui n’a pour excuse que la perfection des arts, dont il est un abus ; le luxe, dis-je, ne s’étend que par la séduction qu’il cause dans l’esprit des particuliers, & par l’imitation des princes & des gens riches à laquelle il les engage. Cette imitation, quoiqu’en petit, va presque toujours par-delà leurs fortunes ; malheureusement encore l’engagement que l’usage leur fait prendre, devient successivement général, & par conséquent nécessaire : enfin cette nécessité conduit au dérangement des fortunes, en faisant préferer des choses frivoles qui flattent la vanité, à de plus essentielles qui demeurent cachées. Ainsi pour satisfaire ces prétendus besoins, l’art a cherché les moyens d’imiter la nature, afin de remplacer avec une moindre dépense, ce qu’elle ne pouvoit fournir aux desirs trop étendus des peuples policés. Les anciens n’ont pas été plus sages que nous ; les hommes ont fait & feront toujours les mêmes folies. Extrait d’un mémoire de M. de Caylus, qui est dans le recueil des inscr. tom. XXIII. Voyez aussi son ouvrage des antiquités. (D. J.)

Vases de sacrifice, s. m. pl. (Sculpt. antiq.) vases qui servoient aux anciens pour les sacrifices, & qui étoient souvent employés dans les bas-reliefs de leurs temples, tels que les vases par exemple, nommés præfericulum, simpulum, &c. Le premier étoit une sorte de grande burette, ornée de sculpture ; on en voit encore un de cette façon à la srise corinthienne du temple de Jupiter tonnant, & rapporté dans les édifices antiques de Rome, de M. Desgodets, un plus petit vase, en maniere de lampe, qui servoit aux libations des augures, formoit le second, c’est-à-dire le simpule.

On a introduit ces vases dans quelques bâtimens modernes ; mais comme on ne les employe que dans les édifices sacrés, nos calices, burettes, benitiers, &c. conviennent mieux à la décoration de l’architecture de nos églises. (D. J.)

Vases à boire, (Arts & Littérat.) Les hommes commencerent à faire usage des cornes de certains animaux, pour leur tenir lieu de vases à boire, ou de coupe, dont le nom étoit aussi général que celui de verre peut l’être parmi nous. Du tems de Jules César, les Germains & les Gaulois buvoient dans des cornes de bœuf. Nous voyons que cette espece de vase étoit encore en usage sous Trajan, puisque la corne qu’il trouva dans les dépouilles de Décébale, à la vérité roi d’un peuple barbare, fut consacrée par ce grand prince à Jupiter Césius, lorsqu’il alloit combattre les Parthes, & qu’il traversa la Syrie. Cet usage de coupes de corne régnoit aussi parmi les Juifs, car Samuel prit une corne remplie d’huile, pour sacrer David, & vraissemblablement il ne la versa pas toute entiere sur sa tête : on ne peut douter du long & du grand usage que les hommes, dans tout pays,