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sorte que les maillons soient à la portée de la main de l’ouvrier assis.

On ne passe point de tringle de bois pour suspendre les maillons & les aiguilles. Dans le bon ordre, on attache chaque maille de corps d’en-haut à l’arcade qui doit la retenir ; l’arcade étant attachée à la corde de rame, tout le corps composé de mailles, maillons & aiguilles se trouve suspendu, comme il doit l’être lorsque le métier travaille. Nous expliquerons moins ici comment les choses s’exécutent dans une manufacture toute montée, & où l’on n’a rien à desirer du côté des commodités, que dans un lieu où tout manque, & où l’on se propose de monter un métier.

Il s’assied le dos tourné vers le devant du métier, la tringle & les mailles de corps sont entre lui & la cantre. Alors un autre ouvrier placé vers la cantre, prend le fil de soie du premier roquetin de la premiere rangée d’en-haut à gauche, & le donne au premier ouvrier qui le passe dans l’ouverture du milieu du premier maillon qu’il a à sa gauche ; on lui tend le fil de soie du second roquetin de la même rangée parallele au grand côté gauche de la cantre, qu’il passe dans le trou du milieu du second maillon à gauche ; on lui tend le fil du troisieme roquetin de la premiere rangée, parallele au grand côté gauche de la cantre, qu’il passe dans le trou du milieu de la premiere rangée parallele au grand côté gauche de la cantre, & ainsi de suite jusqu’à la fin de cette premiere rangée. Il passe à la seconde, sur laquelle il opere de la même maniere, en commençant ou par son premier roquetin d’en-haut, ou par son premier roquetin d’en-bas. Si l’on commence par le premier roquetin d’en-haut, on descendra jusqu’en-bas, & il faudra observer le même ordre jusqu’à la fin des rangées, commençant toujours chaque rangée par les premiers roquetins d’en-haut ; au-lieu que si après avoir commencé la premiere rangée par son premier roquetin d’en-haut, on commence la seconde par son premier roquetin d’en-bas ; il faudra commencer la troisieme par son premier roquetin d’en-haut, la quatrieme par son premier roquetin d’en-bas, & ainsi de-suite.

On verra dans la suite la raison de la liberté qu’on a sur cet arrangement, qui n’influe en rien sur l’ouvrage, mais seulement sur le mouvement de certains roquetins de la cantre, qui fournissent de la soie, & qui se reposeroient, si l’on avoit choisi un autre arrangement, lorsqu’on vient à tirer les cordes du sample.

Les fils de soie des roquetins sont collés au bord des roquetins, afin qu’on puisse les trouver plus commodément ; il faut que l’ouvrier qui les tend à l’autre ouvrier, ait l’attention de bien prendre tous les brins ; sans quoi la soie de son roquetin se mêlera ; il faudra la dépasser du maillon, & chercher un autre bout, ce qu’on a quelquefois bien de la peine à trouver, au point qu’il faut mettre un autre roquetin à la place du roquetin mêlé. Les 200 fils de roquetin de la cantre se trouveront donc passés dans les 200 maillons ; le premier fil de la premiere rangée à gauche du haut de la cantre, dans le premier maillon à gauche, & ainsi de suite dans l’un ou l’autre des ordres dont nous avons parlé.

Il faut observer que celui qui reçoit & passe les fils des roquetins dans les maillons, les reçoit avec un petit instrument qui lui facilite cette opération. Ce petit instrument n’est autre chose qu’un fil-de-laiton assez mince, dont l’ouvrier tient un bout dans sa main ; son autre bout est recourbé, & forme une espece de petit hameçon ; il passe cet hameçon dans le trou du milieu du maillon, accroche & attire à soi le fil de soie qui lui est tendu, & qui suit sans peine le

bec de l’instrument à-travers le maillon. Cet instrument s’appelle une passette.

L’ouvrier a à côté de soi, à sa gauche, une autre tringle de bois placée perpendiculairement & posée contre les suspensoirs de la premiere tringle, qui soutient les mailles de corps ; cette seconde tringle soutient une navette qu’on y a attachée, & l’ouvrier passe derriere cette navette les fils des roquetins, à mesure qu’il les amene avec la passette à-travers les maillons ; ils sont arrêtés là entre le dos de la navette & la tringle, & ne peuvent s’échapper.

Lorsqu’il y en a un certain nombre de passés à-travers les maillons, & de retenus entre la tringle & la navette, il les prend tous, & forme un nœud commun à leur extrémité ; ce nœud les arrête & les empêche de s’échapper, comme ils en font effort en vertu des petits plombs qui pendent des roquetins, & qui tirent en sens contraire.

Ces paquets de fils de roquetins noués & passés par les maillons, s’appellent des berlins. Ainsi faire un berlin, c’est nouer un paquet de fils de roquetins passés par les maillons, afin de les empêcher de s’échapper.

Après qu’on a passé tous les fils de roquetins par les maillons, on place le cassin.

Pour procéder méthodiquement, le cassin & tout ce qui en dépend, peut & même doit être placé avant que de placer les branches des roquetins dans les maillons.

Imaginez deux morceaux de bois de quatre piés de longueur sur trois pouces d’équarrissage, assemblés parallelement à un pié & demi de distance l’un de l’autre par deux petites traverses enmortaisées à deux pouces de chacune de leurs extrémités ; concevez sur chacun de ces deux morceaux de bois un triangle rectangle, construit de deux morceaux de bois, dont l’un long de quatre piés sur trois pouces d’équarrissage, fasse la base, & l’autre long de deux piés sur trois pouces d’équarrissage, fasse le côté perpendiculaire. Ces deux côtés s’emmortaisent ensemble par leurs extrémités qui forment l’angle, & par leurs deux autres extremités avec l’une des deux pieces dont nous avons parlé d’abord. Imaginez ensuite une petite traverse qui tienne les deux extrémités des triangles fixes dans la même position, ensorte que les deux triangles placés parallelement ne s’inclinent point l’un vers l’autre, & une autre traverse placée parallelement à la précédente de l’une à l’autre base des triangles, à une distance plus ou moins grande de celle du sommet, selon l’ouvrage que l’on a à exécuter.

Soit cet intervalle parallelogrammatique formé par deux parties égales des bases, & deux traverses paralleles, dont l’une va d’un des sommets des triangles à l’autre, & l’autre coupe les deux bases ; soit, dis-je, cet intervalle rempli de petites poulies, nous supposerons ici qu’il y en a cinq rangées de dix chacune, paralleles aux traverses, ou dix rangées de cinq chacune, paralleles aux parties des bases on aux deux autres côtés de l’espace parallelogrammatique. Cet assemblage des deux morceaux de bois fixés parallelement par deux traverses, & sur chacun desquels on construit un triangle, qu’on tient paralleles par deux autres traverses, & où ces traverses forment avec les parties des bases qu’elles coupent, une espace parallelogrammatique, un espace rempli de poulies rangées parallelement, est ce qu’on appelle un cassin.

On pose cette machine sur les deux estases du métier, de maniere que les cassins de sa base soient perpendiculaires aux estases, & que les bases des triangles soient tournées vers quelque mur voisin. Il faut aussi laisser entre le cassin & les piliers de devant du métier une certaine distance, parce que cette