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gne, qu’elle eût expédiée comme la précédente, & eût été de suite jusqu’à la fin de la lecture du dessein. Les ficelles dont elle se sert pour séparer les couleurs s’appellent des embarbes.

Il est facile de savoir le nombre des embarbes, quand on sait le nombre des lignes du dessein ; celui de ses dixaines, & celui des couleurs.

Lorsque toutes les embarbes sont placées, ou que la lecture du dessein est achevée, on travaille à faire les gavassines & les lacs ; & voici comment on s’y prend.

On plante à un mur, ou à quelqu’autre partie solide, placée immédiatement derriere le sample, un piton, un anneau, auquel on attache une corde assez forte ; puis on passe derriere le sample ; on prend une petite ficelle qu’on fait passer sur la premiere corde du sample, que l’on enferme dans une boucle ; on enferme la seconde dans une boucle encore, on en fait autant à toute la ficelle du sample ; puis on tire fortement toutes ces ficelles ou boucles formées de la même ficelle, en arriere, vers la grosse corde attachée au piton ; on la fixe à cette corde : cette corde, avec l’assemblage de toutes ces boucles formées d’une seule ficelle, dans chacune desquelles est séparée & renfermée une corde du sample, s’appelle le lac à l’angloise ; il sert à séparer facilement les cordes du sample, & à ne pas se tromper dans le choix qu’on en doit faire pour former les lacs.

Cela fait, on prend des ficelles de même longueur, qu’on joint deux-à-deux ou trois-à-trois, selon qu’il y a un plus grand nombre de couleurs au dessein : ici une seule ficelle pliée en deux suffit ; car nous n’avons proprement que deux couleurs, ou qu’une seule séparée en deux.

On plie cette ficelle en deux ; on renferme entre ces deux brins, ou dans sa boucle, la partie de la gavassiniere que l’on a le plus à droite ; puis on arrête la boucle par un nœud, en sorte que la partie de la gavassiniere soit, pour ainsi dire, enfilée dans la boucle faite avec de la ficelle, & n’en puisse sortir ; on fait avec la gavassiniere autant de ces boucles qu’il y a des lignes au dessein ; & ces ficelles bouclées, & tenues par leur boucle dans la partie la plus à gauche de la gavassiniere qui les enfile toutes les unes après les autres, s’appellent des gavassines.

Après cette premiere réparation, on prend du fil fort ; on se saisit de la premiere ou derniere embarbe ; placée, on la tire à soi ; on voit quelles sont les cordes de sample qu’elle embrasse ; on fait en zig-zag avec le fil deux fois autant de boucles qu’il y a des cordes de sample séparées par l’embarbe ; toutes ces boucles sont du même fil continu ; on enfile de ces boucles celles que l’on a de son côté dans un de ses doigts, les autres embrassent chacune une des cordes du sample séparées par l’embarbe ; on les égalise, & on leur donne une certaine longueur, puis on coupe le fil, & on attache ces deux bouts ensemble par un nœud.

Cela fait, on prend un des bouts de la gavassine qu’on passe sous l’autre partie parallele à la premiere, à la place à droite de la gavassiniere ; on passe ce bout à la place du doigt dans lequel on tenoit les boucles enfilées : on fixe toutes ces boucles à ce bout de la gavassine par un nœud, & l’on a formé ce qu’on appelle un lac.

On ôte ensuite l’embarbe, car elle ne sert plus de rien ; les fils qu’elle séparoit sont tenus séparés dans les boucles du lac.

On tire ensuite la seconde embarbe ; on prend du fil, & l’on forme des boucles toutes semblables à celles du premier lac ; on attache ces boucles par un nœud à l’autre bout de la gavassine, observant seulement que la partie de la gavassiniere qui est la plus à gauche, soit prise entre les deux bouts de la gavassine ; & partant que si celui qui tenoit le premier lac

passoit sous cette partie de gavassine, l’autre passât dessus.

Si la gavassine étoit composée d’un plus grand nombre de bouts & de lacs, il faudroit observer la même chose.

Cela fait, c’est-à-dire les embarbes étant épuisées par la formation des lacs, de même que les bouts de gavassine (car il n’y a pas plus de bouts à la gavassine, que de lacs, ni de lacs que d’embarbe), on peut commencer à travailler. J’ai oublié de dire qu’à mesure qu’on formoit les lacs, & qu’on garnissoit les gavassines, on les tenoit séparées & attachées en haut à un empêchet ou autre arrêt, afin d’empêcher la confusion : voilà donc le bois du métier monté ; la cantre placée, les fils de roquetin passés dans les maillons entre les remisses, dans les mailles des lisses de poil & dans les dents du peigne, les ensuples placées, & la chaîne disposée comme il convient, le dessein lu, en un mot tout disposé pour le travail ; voyons maintenant comment on travaille, & comment, à l’aide de la disposition & de la machine précédente, on execute sur la chaîne le dessein sur le semple.

Voici ce qui nous reste à faire ; car à cette occasion nous parlerons & des outils qu’on emploie, & de quelques autres opérations qui n’ont point encore pu avoir lieu. Voici donc la maniere de faire le velours ciselé. Celui qui a bien entendu ce que nous venons de dire, sera en état de se faire construire un métier & de le monter ; & celui qui entendra bien ce que nous allons dire, sera en état de faire du velours ciselé & de travailler.

Travail ou opération par laquelle on exécutera en velours ciselé le dessein qu’on vient de lire sur le semple. Il faut commencer par avoir à ses côtés deux petites navettes, telles qu’on les voit, Pl. de soirie, ici faites en bateau, dans lesquelles sont sur une petite branche de fer qui va de l’un à l’autre bout, une bobine garnie de soie, dont le bout passe par une ouverture faite latéralement, & tournée vers l’ouvrier ; ces navettes sont placées sur les deux bouts de la banque.

Premiere opération. On enfoncera en même tems la premiere marche de piece du pié droit, & les deux marches de poil du pié gauche.

On passera une des navettes.

On enfoncera la seconde marche de piece seule du pié droit.

On passera la même navette.

On enfoncera la troisieme marche de piece du pié droit, & les deux de poil du pié gauche.

On passera la navette.

On enfoncera la quatrieme marche de piece seule du pié droit.

On passera la navette, & ainsi de suite.

C’est ainsi qu’on formera le satin & le fond, & ce que l’ouvrier appelle la tirelle.

Seconde opération, ou commencement de l’exécution du dessein. Il faut avoir tout prêts des fers de deux especes ; des fers de frisé, & des fers de coupé. Les fers de frisé sont des petites broches rondes, de la largeur de l’étoffe, armées par un bout d’un petit bouton de bois fait en poire ; dans le nœud de laquelle ce fer est fixé ; ces fers sont de fer véritable. On en trouve par tout ; il n’y a aucune difficulté à les faire. Son petit manche en poire s’appelle pedonne. Les fers de coupés ne sont pas ronds, ils sont, pour ainsi dire, en cœur ; ils ont une petite cannelure ou fente dans toute leur longueur ; il est plus difficile d’en avoir de bois : ils sont de laiton. Il n’y a qu’un seul homme en France qui y réusisse ; c’est un nommé Roussillon de Lyon. Ces fers ont aussi leurs pedonnes, mais mobiles ; on ne les arme de leurs pedonnes ou petits manches en poire, que quand il s’agit de les passer.

L’usage des pedonnes ou manches en poire, c’est