Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/900

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On continue l’ouvrage de cette maniere. Lorsqu’on en a fait une certaine quantité, on prend une barre de fer pointue par un bout & fourchue par l’autre, on enfonce le bout pointu ou aminci dans des trous pratiqués à l’ensuble, ce qui la fait tourner sur elle même ; le velours s’enveloppe, & l’on peut continuer de travailler ; mais lorsqu’il y a assez d’ouvrage fait pour que l’ensuble ne puisse être tournée sans que le velours ne s’appliquât sur lui-même, il faut recourir à un nouveau moyen ; car le velours s’appliquant sur le velours, ne manqueroit pas d’en affaisser le poil & de se gâter.

Voici donc ce dont il s’agit, c’est d’éviter cet inconvénient, de ne pas tomber dans un autre, & de faire tenir le velours à l’ensuble.

On avoit jadis des ensubles avec des pointes qui entroient dans le velours & l’arrêtoient, mais on a trouvé que si les pointes remplissoient le premier objet, elles ne répondoient pas tout-à-fait au second, car elles laissoient des trous au velours, le mâchoient & le piquoient. On a tout naturellement abandonné les ensubles à pointes, & imaginé ce qu’on appelle un entaquage.

Les velours ciselés ou à fleurs, frisés & coupés, ne sont point entaqués.

De l’entaquage. Voici ce qu’on entend par un entaquage. Imaginez trois pieces liées & jointes ensemble, dont la premiere s’appelle l’entaquage, c’est une lime des plus grosses, un morceau de bois pareil à la lime, avec un morceau de fer semblable aux deux autres ; un boîte de fer les tient unis, mais non contiguës ; elles laissent entr’elles de l’intervalle. On passe le velours entre le morceau de bois & celui de fer, la lime reste derriere, l’envers du velours repose sur elle ; on fait faire un tour à l’entaquage, le velours fait aussi un tour sur lui ; on le met en pente dans la boîte qui l’applique fort juste aux bouts de l’entaquage ; mais comme ces bouts de l’entaquage sont plus gros, que les trois pieces jointes qui arrêtent les velours, ses parties ne touchent point le velours. On met la boîte & l’entaquage dans la chanée de l’ensuble ; on couvre le tout avec une petite espece de coulisse, qui ne ferme pas entierement la chaîne, il reste une petite ouverture par laquelle le velours sort & s’applique sur l’ensuble, en sortant entre l’ensuble & le bord de la chaîne & celui de la coulisse sans y toucher ni autre chose, c’est-à dire garanti de tout inconvénient.

Le canard se met devant l’ensuble, entr’elle & l’ouvrier ; il empêche que l’ouvrier ne gâte son ouvrage en appuyant son estomac dessus ; il faut un canard pour toutes les especes de velours.

De la machine à tirer. Il y a quelquefois un si grand nombre de fils de roquetin, que la tireuse ne pourroit venir à bout de les tirer, sur-tout sur la fin d’un jour que ses bras seroient las, que pour l’aider on a imaginé une espece singuliere de levier.

Il a trois bras, tous trois dans le même plan, mais dont deux sont placés l’un au-dessus de l’autre parallelement, & laissent entr’eux de la distance ; de ces deux leviers paralleles, celui d’en-haut est fixé dans deux pieces de bois perpendiculaires & paralleles que traverse seulement celui d’en-bas, tout cet assemblage est mobile sur deux rouleaux, qui sont retenus entre deux morceaux de bois placés parallelement, à l’aide desquels les leviers paralleles peuvent s’avancer & se reculer.

Lorsque la tireuse veut tirer, elle fait avancer les deux leviers paralleles, elle passe entre ces leviers le paquet de ficelle de sample qu’elle veut tirer ; de maniere que ce paquet passe dessus le levier d’en-haut, & dessous le levier d’en bas.

Il y a un troisieme levier appliqué perpendiculaire à celui d’en-haut ; elle prend ce levier, elle l’en-

traîne, & avec lui les ficelles du sample qui sont sur

lui.

Il est encore d’autres outils qu’il faut avoir. Il faut avoir une fourche pour tirer les fers de frise : cette fourche est un morceau de fer recourbé par le bout, & la courbure est entr’ouverte ; on met la pedonne dans cette ouverture, & on la tire. Des forces pour couper les nœuds de la soie, ce qui s’appelle remonder ou éplucher la soie. Un montefer, c’est une forte pince, plate & quarrée par le bout, avec laquelle on tire les fers de frisé qui cassent quelquefois, & pour faire tirer le fer de frisé à la pedonne. Des pinces pour nettoyer l’ouvrage, c’est-à-dire en ôter les petits brins de soie cassés, qui font un mauvais effet.

Il n’y a qu’une certaine quantité de soie montée sur l’ensuble de derriere. Quand cette quantité est épuisée & qu’une piece est finie, s’il s’agit d’en monter une autre ; voici comment on s’y prend.

On approche la nouvelle piece que l’on veut monter de celle qui finit : cette nouvelle piece est toute envergée ; on sépare, par le moyen de l’envergure, de petits fils que l’on trempe dans de la gomme, & qu’on tord avec le premier fil de la piece qui finit, & ainsi des autres fils : cela fait, on ôte les envergures de la nouvelle piece qui se trouve toute montée & toute jointe à l’autre ; & l’ouvrier continue de travailler. Celui qui fait ces opérations s’appelle tordeur, & l’opération s’appelle tordre.

Il faut encore avoir un devidoir pour le fil des lacs qu’on devide dans un panier, d’où il vient plus aisément quand on fait ses lacs.

Observations. Les cassins ordinaires ont huit rangs de cinquante poulies ; & par conséquent les rames 400 cordes, les samples 400. les arcades 800 brins, & partant la planche percée 800 trous, c’est-à-dire 100 rangées de 8 trous, ou 8 rangées de 100 trous. En supposant encore qu’il n’y ait que deux brins à chaque arcade, & qu’on ne veuille que répéter une fois ce dessein.

Il faut un rouet à cannettes. On entend par cannette cette espece de petite bobine, qui est enfermée dans la navette. Ce rouet est une assez jolie machine, & qui vaudra la peine d’être décrite, & que nous décrirons aussi.

Il faut avoir une espece de coffre ou de caisse à chauffrette, elle sert à relever le poil du velours, en la faisant passer sur cette caisse dans laquelle on a allumé du feu.

Il faut un temple : c’est une machine qui sert à tenir l’ouvrage tendu. Imaginez une petite tringle de bois plate, fendue par un bout, & percée de trous selon son épaisseur, qu’il y ait dans la fente une rainure ou coulisse, dans laquelle puisse se mouvoir un petit morceau de bois ou bâton.

Assemblez dans la fente de ce morceau de bois, un autre qui ait l’air d’une petite pelle, dont la queue soit percée de trous ; capable de recevoir une broche qui traversera en même tems les trous pratiqués dans l’épaisseur du premier morceau ; que cette pelle soit percée de pointes, de même que l’extrémité aussi fendue de l’autre morceau. Fixez l’épaisseur de l’une & de l’autre de ces parties dans la lisse ; faites mouvoir l’une & l’autre partie jusqu’à ce que toute la machine soit droite, il est évident que les parties de cette machine peuvent se redresser, & la queue de la partie faite en pelle se loger dans la fente de l’autre sans tendre l’ouvrage. On arrêtera ensuite la queue de cette partie par le bâton mobile dans la rainure, dont nous avons parlé.

Velours à fond or. Pour faire le velours cizelé à fond or ou argent, on ajoute à la chaîne & aux roquetins un poil de la couleur de la dorure, quatre lisses à grand colisse pour le poil, si on veut accompagner la dorure, ce qui ne se pratique guere ; on passe la