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cédé pour y réduire l’argent ; car il s’amalgame très bien avec le mercure.

Maniere d’employer l’or & l’argent soit en feuilles, soit en poudre. L’or & l’argent soit en feuilles, soit en poudre, s’aglutinent au verre par des mordans : le suc d’ail très-connu pour opérer cet effet, ne convient que pour le métal en feuilles : on frotte le verre avec une gousse d’ail, & aussitôt on y applique une feuille d’or ou d’argent, de façon qu’elle ne fasse ni pli, ni ride. Lorsque le mordant est sec, ce qui arrive promptement, on peut travailler sur l’or & sur l’argent, comme on le dira dans un moment. L’huile d’aspic dont les émailleurs se servent peut être aussi employé pour attacher sur le verre l’or & l’argent en feuilles ; ce mordant est cependant plus propre pour appliquer l’or & l’argent en poudre ; on peut même assurer qu’il est le meilleur de ceux que l’on peut employer.

On fait usage de la gomme arabique pour appliquer l’or sur la porcelaine, mais elle est plus sujette à se boursouffler au feu que l’huile d’aspic.

On prendra donc de l’huile d’aspic un peu épaissie, pas tout-à-fait autant que celle dont se servent les émailleurs. On en étendra avec une brosse sur le verre de couleur, une couche très-légere, mais très-égale : on examinera avec une loupe s’il n’y est pas resté du poil, & s’il ne s’est point attaché de poussiere : en ce cas on enleveroit les corps étrangers avec la pointe d’une aiguille, & l’on passeroit encore la brosse pour étendre la couche du mordant ; il s’y attachera, & avec un pinceau neuf à longs poils, on passera plusieurs fois légerement sur la totalité pour attacher l’or ou l’argent au mordant, & les rendre très-unis. Ensuite avec de l’eau médiocrement chargée de noir de fumée, on dessinera le sujet qu’on veut représenter ; & l’on enlevera le métal avec une pointe pour découvrir le fond, & faire les hachures destinées à prononcer les ombres : en un mot, on fera sur l’or & sur l’argent avec la pointe ce que l’on fait pour dessiner sur le papier, ou pour graver sur le cuivre.

Si l’on veut employer de l’or & de l’argent pour exécuter un sujet semblable à celui qui a donné lieu à ces recherches, on pourra appliquer l’argent sur l’or, soit en poudre, soit en feuilles : cependant il y auroit à craindre que l’or ne perçât à travers les feuilles ou la poudre d’argent : il est donc plus convenable d’enlever l’or avec la pointe, ou avec tout autre instrument que l’on imaginera convenir à ce travail, avant que d’appliquer le mordant propre à recevoir l’argent.

Lorsque le dessein sera terminé, il faudra exposer le verre au feu sous une mouffle dans un fourneau d’émailleur pour dissiper le mordant qui a servi à haper l’or & l’argent surtout si l’on emploie l’huile d’aspic, & faire éprouver au verre une chaleur assez forte pour que le métal s’attache au verre, sans qu’il se déforme. Si le métal n’étoit point adhérent au verre, on seroit exposé à gâter l’ouvrage, en appliquant le verre blanc sur le verre de couleur, car il seroit impossible de placer le verre blanc sur le verre de couleur sans quelque frottement capable de déranger le travail.

On vient de dire qu’il falloit dissiper le mordant avant que d’appliquer le verre blanc, surtout si l’on a employé de l’huile d’aspic ; sans cette précaution, le mordant répandroit en se brûlant une fumée entre les deux verres qui saliroit l’or & l’argent. Il faut aussi que le mordant soit dissipe à une chaleur très-lente & graduée, sans quoi en se boursoufflant par une chaleur d’abord trop vive, il formeroit une quantité prodigieuse de petites vessicules, qui en se crevant feroient autant de trous, & rendroient par conséquent l’ouvrage fort desagréable.

Il arrive quelquefois que le verre se boursouffle lorsqu’il est exposé au degré de chaleur nécessaire

pour attacher l’or au verre, parce qu’il se trouve de l’air entre le centre du verre & le corps sur lequel il est appliqué, ce qui pourroit embarrasser l’artiste, lorsqu’il voudroit appliquer le verre blanc sur le verre de couleur. On évitera cet inconvénient par le choix du corps sur lequel on doit mettre le verre pour l’exposer au feu sous la mouffle.

On peut se servir d’une plaque de fer très-plane & très-unie, de deux lignes d’épaisseur ou environ : on la fera rouiller également partout, afin que le blanc d’Espagne délayé dans de l’eau, dont on la couvrira exactement, retienne mieux le blanc d’Espagne, qui fera un corps intermédiaire entre le verre & le fer, & empêchera que le verre ne s’attache au fer.

On pourroit mettre le verre sur un fond de tripoli, qui est une terre crétacée ; mais l’air contenu dans les interstices des molécules du tripoli, exposeroit quelquefois le verre à se boursouffler, comme on l’a dit plus haut ; la plaque de fer mérite par conséquent la préférence.

Quand l’or sera fixé sur le verre de couleur, on pourra lui donner beaucoup de brillant par le moyen du brunissoir : on pourroit même produire une variété agréable en ne le brunissant que de certaines parties ; par ce moyen l’or mat & l’or bruni, l’argent mat & l’argent bruni fourniroient, pour ainsi dire, quatre couleurs, & ce mélange de parties égales de poudre d’or & de poudre d’argent, pourroit encore en donner deux autres.

Alors on placera le verre blanc sous celui de couleur, on le portera sous la mouffle dans le fourneau d’émailleur toujours sur la plaque de fer couverte du blanc d’Espagne, & par un feu gradué on échauffera le verre jusqu’à ce qu’il le soit assez, pour que les deux morceaux puissent se souder : dans cet état, on le retirera du feu, & on le pressera avec un autre fer très-chaud, aussi blanchi, pour l’applatir s’il étoit tortué, ou si quelques bulles d’eau en se raréfiant, avoient formé quelques vésicules entre les deux verres. Il faudra faire refroidir le verre insensiblement, comme on l’a déja dit, pour éviter la fracture que pourroit causer le passage trop subit de l’air chaud à l’air froid.

Il est fort difficile de fixer la chaleur qu’il faut donner au verre pour le fondre au degré nécessaire à cette opération. La pratique donnera de meilleures leçons que les préceptes que l’on pourroit écrire : on peut dire en général, que lorsqu’on appercevra que les bords du verre sont devenus mousses de tranchants qu’ils étoient, le verre est alors dans l’état de fusion nécessaire.

Si l’on passe ce degré de chaleur, le verre est exposé à se ramasser en masse informe, & l’on perd en un instant le fruit de son travail.

Quelque précaution que l’on ait pu prendre pour conserver l’uni & le poli des surfaces, l’un & l’autre se trouvent cependant détruits par les petites inégalités du blanc d’Espagne qui s’impriment sur le verre. Il faut donc user & repolir les surfaces.

Ce genre de travail est très-beau, & de plus très solide ; les moyens de l’exécuter sont plus simples & moins difficiles que ceux de l’émail, puisqu’en effet cette opération n’a besoin au plus que de deux feux. Il y a lieu de croire d’ailleurs qu’il est aisé de pousser cette manœuvre à une plus grande perfection.

Verre a boire, s. m. (Verrerie.) c’est un vase fait de simple verre ou de crystal, ordinairement de la forme d’un cône renversé, dont on se sert pour boire toutes sortes de liqueurs. Le verre a trois parties, le calice, le bouton & la patte, qui se travaillent séparément. Rien n’est plus industrieux que l’art de les souffler, d’en ouvrir deux des trois, & de les joindre à la troisieme ; mais ce travail ne se peut comprendre que par la vue. (D. J.)