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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/50

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que les mots affirmation, affirmatif, affirmativement, oui, expriment l’affirmation sans être verbes.

Je sais que l’auteur a prévû cette objection, & qu’il croit la résoudre en distinguant l’affirmation conçue, de l’affirmation produite, & prenant celle-ci pour caractériser le verbe. Mais, j’ose dire, que c’est proprement se payer de mots, & laisser subsister un vice qu’on avoue. Quand on supposeroit cette distinction bien claire, bien précise, & bien fondée ; le besoin d’y recourir pour justifier la définition générale du verbe, est une preuve que cette définition est au-moins louche, qu’il falloit la rectifier par cette distinction, & que peut-être l’eût-on fait, si l’on n’avoit craint de la rendre d’ailleurs trop obscure.

4°. L’auteur sentoit très-bien lui-même l’insuffisance de sa définition, pour rendre raison de tout ce qui appartient au verbe. C’est, selon lui, un mot dont le Principal usage est de désigner l’affirmation .... l’on s’en sert encore pour signifier d’autres mouvemens de notre ame,... mais ce n’est qu’en changeant d’inflexion & de mode, & ainsi nous ne considérons le verbe dans tout ce chapitre, (c. xiij. Part. II. éd. 1756.) que selon sa principale signification, qui est celle qu’il a à l’indicatif. Il faut remarquer, dit-il ailleurs, (ch. xvij.) que quelquefois l’infinitif retient l’affirmation, comme quand je dis, scio malum esse fugiendum ; & que souvent il la perd & devient nom, principalement en grec & dans la langue vulgaire, comme quand on dit.... je veux boire, volo bibere. L’infinitif alors cesse d’être verbe, selon cet auteur ; & par conséquent, il faut qu’il avoue que le même mot avec la même signification, est quelquefois verbe & cesse quelquefois de l’être. Le participe dans son système, est un simple adjectif, parce qu’il ne conserve pas l’idée de l’affirmation.

Je remarquerai à ce sujet que tous les modes, sans exception, ont été dans tous les tems réputés appartenir au verbe, & en être des parties nécessaires ; que tous les grammairiens les ont disposés systématiquement dans la conjugaison ; qu’ils y ont été forcés par l’unanimité des usages de tous les idiomes, qui en ont toujours formé les diverses inflexions par des générations régulieres entées sur un radical commun ; que cette unanimité ne pouvant être le résultat d’une convention formelle & réfléchie, ne sauroit venir que des sugestions secretes de la nature, qui valent beaucoup mieux que toutes nos réflexions ; & qu’une définition qui ne peut concilier des parties que la nature elle-même semble avoir liées, doit être bien suspecte à quiconque connoît les véritables fondemens de la raison.

II. L’idée de l’existence intellectuelle sous une relation à une modification, est encore ce qui sert de fondement aux différens modes du verbe, qui conserve dans tous sa nature, essentiellement indestructible.

Si par abstraction, l’on envisage comme’un être déterminé, cette existence d’un sujet quelconque sous une relation à une modification ; le verbe devient nom, & c’en est le mode infinitif. Voyez Infinitif.

Si par une autre abstraction, on envisage un être indéterminé, désigné seulement par cette idée de l’existence intellectuelle, sous une relation à une modification, comme l’idée d’une qualité faisant partie accidentelle de la nature quelconque du sujet ; le verbe devient adjectif, & c’en est le mode participe. Voyez Participe.

Ni l’un ni l’autre de ces modes n’est personnel, c’est-à-dire qu’ils n’admettent point d’inflexions relatives aux personnes, parce que l’un & l’autre expriment de simples idées ; l’un, un être déterminé par sa nature ; l’autre, un être indéterminé désigné seulement par une partie accidentelle de sa nature ; mais ni l’un ni l’autre n’exprime l’objet d’un jugement

actuel, en quoi consiste principalement l’essence de la proposition & du discours. C’est pourquoi les personnes ne sont marquées ni dans l’un ni dans l’autre, parce que les personnes sont dans le verbe des terminaisons qui caractérisent la relation du sujet à l’acte de la parole. Voyez Personne.

Mais si l’on emploie en effet le verbe pour énoncer actuellement l’existence intellectuelle d’un sujet déterminé sous une relation à une modification, c’est-à-dire s’il sert à faire une proposition, le verbe est alors uniquement verbe, & c’en est un mode personnel.

Ce mode personnel est direct, quand il constitue l’expression immédiate de la pensée que l’on veut manifester ; tels sont l’indicatif, l’impératif, & le suppositif, voyez ces mots. Le mode personnel est indirect ou oblique, quand il ne peut servir qu’à constituer une proposition incidente subordonnée à un antécédent ; tels sont l’optatif & le subjonctif. Voyez ces mots.

Il est évident que cette multiplication des aspects sous lesquels on peut envisager l’idée spécifique de la nature du verbe, sert infiniment à en multiplier les usages dans le discours, & justifier de plus en plus le nom que lui ont donné par excellence les Grecs & les Romains, & que nous lui avons conservé nous-mêmes.

III. Les tems dont le verbe seul paroît susceptible, supposent apparemment dans cette partie d’oraison, une idée qui puisse servir de fondement à ces métamorphoses & qui en rendent le verbe susceptible. Or il est évident que nulle autre idée n’est plus propre que celle de l’existence à servir de fondement aux tems, puisque ce sont des formes destinées à marquer les diverses relations de l’existence à une époque. Voyez Tems.

De-là vient que dans les langues qui ont admis la déclinaison effective, il n’y a aucun mode du verbe qui ne se conjugue par tems ; les modes impersonnels comme les personnels, les modes obliques comme les directs, les modes mixtes comme les purs : parce que les tems tiennent à la nature immuable du verbe, à l’idée générale de l’existence.

Jules-César Scaliger les croyoit si essentiels à cette partie d’oraison, qu’il les a pris pour le caractere spécifique qui la distingue de toutes les autres : tempus autem non videtur esse affectus verbi, sed differentia formalis propter quam verbum ipsum verbum est. (de caus.L.L. lib. V. cap. cxxj.) Cette considération dont il est aisé maintenant d’apprécier la juste valeur, avoit donc porté ce savant critique à définir ainsi cette partie d’oraison : Verbum est nota rei sub tempore. (ibid. cap.cx.)

Il s’est trompé en ce qu’il a pris une propriété accidentelle du verbe, pour l’essence même. Ce ne sont point les tems qui constituent la nature spécifique du verbe ; autrement il faudroit dire que la langue franque, la langue chinoise, & apparemment bien d’autres, sont destituées de verbes, puisqu’il n’y a dans ces idiomes aucune espece de mot qui y prenne des formes temporelles ; mais puisque les verbes sont absolument nécessaires pour exprimer les objets de nos jugemens, qui sont nos principales & peut-être nos seules pensées ; il n’est pas possible d’admettre des langues sans verbes, à moins de dire que ce sont des langues avec lesquelles on ne sauroit parler. La vérité est qu’il y a des verbes dans tous les idiomes ; que dans tous ils sont caractérisés par l’idée générale de l’existence intellectuelle d’un sujet indéterminé sous une relation à une maniere d’être ; que dans tous en conséquence, la déclinabilité par tems en est une propriété essentielle ; mais qu’elle n’est qu’en puissance dans les uns, tandis qu’elle est en acte dans les autres.

Si l’on veut admettre une métonymie dans le nom