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art. Pour la charité, la clémence, la miséricorde, I. Cor. v. 8. & Prov. xx. 28. La garde des rois est la miséricorde & la vérité. ἐλεημοσύνη καὶ ἀληθεία. Ainsi faire, pratiquer la vérité, I. Cor. xij. 6, c’est faire de bonnes œuvres, des œuvres de miséricorde ; celui qui fait bien, ὁ ποιῶν ἀληθείαν, Jean, iij. 21, c’est-à-dire celui qui est juste, miséricordieux ; Jesus-Christ dit qu’il est la vérité & la vie, Jean, xiv. 6, non-seulement parce que sa doctrine est vraie, & qu’elle conduit au bonheur, mais parce qu’elle respire la justice & l’humanité.

Enfin le sens le plus ordinaire du mot vérité dans l’Ecriture, est ce qui est opposé à l’erreur & aux fausses opinions en matiere de religion ; sur quoi je me contenterai de rapporter un beau passage de Tertullien. « La vérité, dit ce pere de l’Eglise, n’est point sujette à la prescription ; ni la longueur du tems, ni l’autorité de personne ne peuvent rien contr’elle ; c’est de semblables sources, que des coutumes qui doivent leur naissance à l’ignorance, à la simplicité, à la superstition des hommes, acquérant de la force par l’usage, s’élevent insensiblement contre la vérité ; mais notre seigneur a pris le nom de vérité & non pas de coutume. Si sa doctrine a toujours été la vérité, que ceux qui l’appellent une nouveauté, nous disent ce qu’ils entendent par ce qui est ancien. On n’attaque bien les hérésies, continue-t-il, qu’en prouvant qu’elles sont contraires à la vérité. » (D. J.)

Vérité, (Antiq. égypt.) nom de la pierre précieuse que portoit au col le chef-juge des Egyptiens. Nous apprenons de Diodore de Sicile, l. I. p. 48, que le tribunal où l’on rendoit la justice parmi les Egyptiens, n’étoit pas moins célebre par la sagesse des magistrats, que l’aréopage d’Athènes & le senat de Lacédémone. Il étoit composé de trente juges, sous un président qu’ils choisissoient eux mêmes, & à qui l’on donnoit le nom de chef-juge ou de chef de la justice. Il portoit au cou une chaîne d’or à laquelle étoit suspendue une pierre précieuse qu’on appelloit la vérité, soit qu’effectivement elle en portât l’empreinte, soit qu’elle n’en fût que le symbole. Ce sénat étoit représenté sur un des murs du superbe monument ou tombeau qu’on avoit élevé à Thèbes en l’honneur du roi Osymandias. Les juges y étoient sans mains, pour marquer qu’ils ne devoient pas être sensibles à l’intérêt, & pour montrer que leur chef ne devoit se proposer dans ses jugemens d’autre regle que la vérité. Il regardoit fixement cette pierre qu’il avoit sur la poitrine. Antiq. égyp. de M. de Caylus, tom. I. (D. J.)

Vérité, (Mythol.) en grec ἀληθεία ; les payens ont déifié la vérité, en la faisant fille du tems ou de Saturne pris pour le tems, & mere de la justice & de la vertu. Pindare dit que la vérité est fille du souverain des dieux. On la représente comme une jeune vierge d’un port noble & majestueux, couverte d’une robe d’une extrème blancheur. Quelqu’un a dit qu’elle se tenoit ordinairement cachée au fond d’un puits, pour exprimer la difficulté qu’il y a de la découvrir. Apelles, dans son fameux tableau de la calomnie, personnifia la vérité, sous la figure d’une femme modeste laissée à l’écart ; c’est une idée bien vraie & bien ingénieuse. (D. J.)

Vérité, (Peint.) ce terme s’emploie en peinture pour marquer l’expression propre du caractere de chaque chose, & sans cette expression il n’est point de peinture. (D. J.)

VERJURES, VERGEURES ou VERJULES, (terme de Papeterie.) sont de petites tringles de bois ou de laiton, sur lesquelles on lie les fils plus menus qui font les formes. Voyez nos figures dans les Pl. de Papeterie.

VERJUS, s. m. (Agriculture.) gros raisin qu’on

nomme autrement bourdelas, qui ne murit jamais parfaitement, ou plutôt qui dans sa plus grande maturité conserve toujours un acide qui empêche qu’on n’en puisse faire du vin. Ceux qui le cultivent en France, le soutiennent ordinairement sur des treilles à cause de la pesanteur des grappes que le sarment ne pourroit porter sans cet appui. Quand ce raisin est mûr, on en fait d’excellentes confitures ; mais son plus grand usage est d’en tirer cette liqueur que l’on appelle verjus. (D. J.)

Verjus, (Liqueur.) liqueur que l’on tire du bourdelas ou verjus ; on en fait aussi avec des raisins doux & propres à faire du vin lorsqu’ils sont encore acides, & comme on dit encore, en verjus. Le verjus sert beaucoup pour l’assaisonnement des viandes & des ragoûts ; il entre aussi dans la préparation de quelques remedes, & les marchands épiciers-ciriers s’en servent pour purifier leur cire. (D. J.)

Verjus, (Mat. méd. des anciens.) en grec ὀμφακίον. Les anciens avoient coutume d’exposer les raisins non mûrs au soleil pendant quelques jours, & d’en exprimer ensuite le jus dans de grandes cuves, où l’on le laissoit à découvert jusqu’à ce qu’il fût épaissi en consistance de robe. Dioscoride en faisoit un grand usage, & le recommande avec du miel pour le relâchement des amygdales, de la luette & des gencives. De ce même verjus ils en composoient un vin d’usage dans les maladies pestilentielles. Tout cela étoit assez sensé. (D. J.)

VERLE, s. f. (terme de Jaugeur.) espece de jauge ou instrument qui sert à jauger les tonneaux & futailles remplies de liqueur ou propres à les contenir. (D. J.)

VERLUCIO, (Géog. anc.) ville de la grande Bretagne. L’itinéraire d’Antonin la place sur la route d’Ica à Calleva, entre Aquæ solis & Cunetio, à quinze milles du premier de ces lieux, & à vingt milles du second. On veut que cette place subsiste encore aujourd’hui ; mais on ne s’accorde pas sur sa situation. Les uns prétendent que c’est Westbury ; d’autres disent Hedington, d’autres Leckham, & d’autres Varmister. (D. J.)

VERMANDOIS, le, (Géog. mod.) pays de France, en Picardie. Il est borné au nord par le Cambresis, au midi par le Noyonnois, au levant par la Thiérache, & au couchant par le Santerre. Ce pays est un des premiers bailliages du royaume, dont le siege est à Laon. Sa coutume est suivie dans beaucoup d’autres bailliages. Il abonde en grains & en lin. La riviere de Somme y prend sa source & le traverse ; il a pour capitale la ville de Saint-Quentin.

Le Vermandois comprend une partie du terrein occupé autrefois par les Veromandui, dont il a emprunté le nom. Il étoit beaucoup plus étendu sous les célebres comtes de Vermandois, qui étoient les plus puissans vassaux de la couronne, à la fin de la seconde race & au commencement de la troisieme. Ils descendoient de Bernard, roi d’Italie, petit-fils naturel de Charlemagne. Ils étoient encore comtes de Troies, de Meaux & de Roucy. Cette illustre maison étant tombée en quenouille, Philippe Auguste réunit le Vermandois à la couronne, & donna des terres en échange à Eléonore, comtesse de Saint-Quentin.

Pierre de la Ramée, connu sous le nom de Ramus, professeur au college royal à Paris, étoit né en 1515 dans un village du Vermandois. Il vint tout jeune chercher les moyens de gagner sa vie à Paris, & faute d’autres ressources, il se mit valet au college de Navarre ; mais il fit de grands progrès dans les études, & fut reçu maître-ès-arts, en soutenant le contraire de la doctrine d’Aristote sur différentes propositions. Il s’en tira très-bien, & l’envie lui prit d’examiner à fond toute la philosophie de ce prince de l’école : ce fut la source de ses malheurs ; il s’attira beaucoup