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la blancheur de la peau, produit la sensation du bleu. Voyez Noirceur. (O)

Bleu d’azur, (Chimie.) On peut tirer cette couleur de l’argent : mais le savant Boyle & Henckel prétendent avec raison que cela n’arrive qu’en raison du cuivre qui se trouve ordinairement mêlé à ce métal. Voici la façon la plus courte de le faire : faites fondre dans de fort vinaigre distillé, du sel gemme, du sel alkali, & de l’alun de roche ; suspendez au-dessus de ce vinaigre des lames d’argent fort minces, enterrez le vase où vous aurez fait fondre ces matieres dans du marc de raisin ; vous pourrez tous les trois jours ôter de dessus les lames d’argent la couleur bleue qui s’y sera formée.

Autre maniere. Mettez dans une livre de fort vinaigre des lames d’argent aussi minces que du papier ; joignez-y deux onces de sel ammoniac bien pulvérisé ; mettez le tout dans un pot de terre vernissé, que vous boucherez avec soin ; enterrez ce pot dans du fumier de cheval pendant 15 ou 20 jours, vous trouverez au bout de ce tems les lames d’argent chargées d’un très-beau bleu d’azur.

Autre maniere. Prenez une once d’argent dissous dans l’esprit de nitre, 2 scrupules de sel ammoniac, autant de vinaigre qu’il en faut pour précipiter l’argent, décantez le vinaigre, mettez la matiere précipitée dans un matras bien bouché ; laissez reposer le tout pendant un mois, vous aurez un beau bleu d’azur.

On tire aussi le bleu d’azur du cuivre, du mercure & du plomb : pour le tirer du cuivre, on prend de verd de gris & de sel ammoniac de chacun 3 onces ; on mêle ces deux matieres avec de l’eau où l’on a fait fondre du tartre ; on en fait une pâte molle ; on met le tout dans un vase bien bouché qu’on laisse en repos pendant quelques jours, & l’opération est faite.

Autre. Æs ustum & lie de vin, de chacun 2 onces, de soufre une once ; réduisez en poudre l’æs ustum & le soufre ; versez par-dessus du vinaigre ou de l’urine ; mettez le mêlange dans un pot vernissé, & laissez-le bien bouché pendant 15 jours.

On peut tirer le bleu d’azur du vif-argent & du plomb de la maniere suivante : c’est Agricola qui la donne telle qu’il suit. On prend 3 parties de vif-argent, 2 parties de soufre, & une partie de sel ammoniac : on met au fond d’un plat de la litharge, & l’on fait fondre par-dessus le soufre pulvérisé ; on y jette ensuite le sel ammoniac en poudre & le vif-argent ; on remue toutes ces matieres avec un petit bâton, afin qu’elles se mêlent exactement : on laisse refroidir le mêlange qu’on réduit en poudre ; on met cette poudre dans un matras bien luté qu’on laissera un peu ouvert ; lorsque le lut sera seché, on mettra le matras sur un trépié & sur un feu moderé, & on couvrira l’ouverture d’une lame de fer, & on en regardera de tems en tems le dessous pour voir s’il ne s’y forme plus d’humidité. Il faut alors boucher l’ouverture avec du lut ; on pousse le feu pendant une heure ; on l’augmente encore jusqu’à ce qu’il s’éleve une fumée bleue ; cela fait, on trouvera un beau bleu au fond du matras. (—)

Bleu d’émail, (Chimie.) appellé quelquefois smalte bleue, est une couleur d’un grand usage pour les Emailleurs : voici la façon de la préparer suivant Neri, dans son Art de la Verrerie. On prend quatre livres de la fritte ou matiere dont on fait l’émail. V. l’article Email, 4 onces de saffre réduit en poudre, qui n’est autre chose qu’une préparation du cobalt, voyez l’article Cobalt, & 48 grains d’æs ustum, ou de cuivre calciné par trois fois : on mêle exactement ces trois matieres ; on les met au fourneau de verrerie, dans un pot vernissé en blanc ; lorsque le mêlange est bien entré en fonte, il faut le verser dans de

l’eau claire pour le bien purifier ; on le remet ensuite

fondre de nouveau ; on réitere l’extinction dans l’eau, & la fonte deux ou trois fois ; l’on obtient de cette façon un très-beau bleu d’émail.

Kunckel, dans ses remarques sur Neri, observe qu’il n’est guere possible de prescrire exactement la dose de saffre qu’on doit employer pour faire le bleu d’émail ; il est bon de commencer par en faire des épreuves en petit, suivant les différentes nuances qu’on cherche : si on trouve le bleu trop clair, il faut augmenter petit à petit la dose du saffre ; si au contraire elle est trop foncée, il faut remettre plus de la fritte de l’émail. C’est en suivant ainsi certaines proportions, qu’on peut produire dans l’émail les différentes nuances du bleu. Si, par exemple, on vouloit un bleu d’émail céladon ou de couleur d’aigue-marine, il faudroit renverser les doses données ci-dessus, & l’on prendroit alors 4 livres de la fritte d’émail, 2 onces d’æs ustum, & seulement 48 grains de saffre ; on mêleroit bien ces trois matieres : du reste on suivroit exactement la methode précedente, pour leur fonte & leur purification. Il faut bien observer que toutes ces opérations sont fort délicates, & demandent une attention toute particuliere ; car pour peu qu’on ne fasse point d’attention aux circonstances, il se produit des effets tous différens de ceux qu’on veut chercher ; c’est ce que Kunckel avoue lui être arrivé dans l’opération du bleu d’émail céladon que nous venons de donner. Il avoit éprouvé cette méthode qui est de Neri : mais comme elle ne put pas d’abord lui réussir, il crut que cet auteur s’étoit trompé : ayant ensuite réitéré l’opération, & regardé la chose de plus près, il découvrit qu’elle n’avoit manqué la premiere fois, que parce qu’il n’avoit pas bien pris son tems pour retirer la matiere du fourneau, qu’il l’avoit laissée trop long-tems au feu. (—)

* Plus le grain d’émail est gros, & plus le bleu est vif, & tire un peu sur le violet comme l’azur : mais l’émail est d’un plus beau bleu céleste. Le grain d’azur à poudrer est si gros, qu’on ne peut l’employer que très-difficilement, & seulement en détrempe ou à fresque, ou pour mettre dans l’empois ou amydon, avec lequel il se lie fort bien. On l’appelle azur à poudrer, parce que pour faire un beau fond d’un bleu turquin, on le poudre sur un blanc à l’huile couché médiocrement épais & le plus gras qu’on peut. On l’y étend aussi-tôt avec une plume : mais il faut l’avoir bien fait sécher auparavant sur un papier au-dessus du feu. On y en met assez épais ; & on l’y laisse jusqu’à ce que le fond soit bien sec, & ainsi le blanc en prend autant qu’il peut. Ensuite on le secoue, & on en ôte tout ce qui ne tient pas au blanc, en le frottant légerement avec une plume ou une brosse douce. C’est une couleur très-vive & qui dure long-tems, quoiqu’exposée à l’air & à la pluie.

L’émail qui est d’autant plus pâle qu’il est plus fin, sert dans la détrempe & à fresque : mais on ne s’en sert guere à l’huile, parce qu’il noircit, à moins qu’il ne soit mêlé avec beaucoup de blanc.

* Bleu d’Inde & Indigo : l’inde est plus claire & plus vive que l’indigo, ce qui vient seulement du choix de la matiere dont on les fait ; car au fond c’est la même : c’est la feuille de l’anil, voyez Anil. On en fait tremper les feuilles dans l’eau pendant deux jours ou environ ; ensuite on sépare l’eau qui a une légere teinture de bleu verdâtre : on bat cette eau avec des palettes de bois durant deux heures, & l’on cesse de battre quand elle mousse. On y jette alors un peu d’huile d’olive, en aspergeant. On voit aussi-tôt la matiere de l’inde qui se sépare de l’eau par petits grumeaux, comme quand le lait se tourne ; & l’eau étant bien reposée, elle devient claire, & l’eau se trouve au fond comme de la lie, qu’on ramasse après avoir ôté l’eau, & qu’on fait sécher au soleil. L’inde se fait