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ner autrement. Une montre, par exemple, a ses parties : mais ce ne sont point des parties simplement déterminables par l’imagination ; ce sont des parties réelles, actuellement existantes : & il n’est point libre de dire, cette montre a dix, cent, ou un million de parties ; car en tant que montre, elle en a un nombre qui constitue son essence, & elle n’en peut avoir ni plus ni moins, tant qu’elle restera montre. Il en est de même de tous les corps naturels, ce sont tous des composés qui ont leurs parties déterminées & dissemblables, qu’il n’est point permis d’exprimer par un nombre quelconque. Les philosophes se seroient donc épargné tous les embarras où les a jettés le labyrinthe de la divisibilité du continu, s’ils avoient pris soin de ne jamais appliquer les raisonnemens que l’on fait sur la divisibilité du corps géométrique aux corps naturels & physiques.

Les adversaires de la divisibilité de la matiere soûtiennent qu’il n’y a aucune expérience qui fasse voir démonstrativement que les corps sont composés de parties indivisibles ; que la nature s’arrête dans l’analyse de la matiere à un certain degré fixe & déterminé, c’est ce qui est fort probable, & par l’uniformité qui regne dans ses ouvrages, & par une infinité d’expériences. 1°. Si la matiere étoit résoluble à l’infini, la forme & la façon d’être dans les composés seroient sujettes, disent-ils, à mille changemens, & les especes des choses seroient sans cesse brouillées. Il seroit impossible que les mêmes germes & les mêmes semences produisissent constamment les mêmes animaux & les mêmes plantes, & que ces êtres conservassent toûjours les mêmes propriétés ; car le suc, qui les nourrit, tantôt plus subtil, tantôt plus grossier, y causeroit des variations perpétuelles. Or il n’y a aucun de ces dérangemens dans l’univers ; les plantes, les animaux, les fossiles, tout enfin produit constamment son semblable avec les attributs qui constituent son essence. 2°. Non-seulement les especes se mêleroient dans la division à l’infini, mais il s’en formeroit de nouvelles. Or on n’en voit point dans la nature, les monstres même ne perpétuent pas la leur ; la main du créateur a marqué les bornes de chaque être, & ces bornes ne sont jamais franchies. 3°. Les dissolutions des corps ont leurs bornes fixes, aussi bien que leur accroissement. Le feu du miroir ardent, le plus puissant dissolvant que nous connoissions, fond l’or, le pulvérise, & le vitrifie, mais ses effets ne vont pas au-delà. Cependant l’hypothese que nous combattons, ne sauroit rendre raison, pourquoi les liquides ne reçoivent jamais qu’un certain degré de chaleur déterminé, ni pourquoi l’action du feu sur les corps a des bornes si précises, si la solidité & l’irrésolubilité actuelle n’étoit pas attachée aux particules de la matiere. Aucun chymiste a-t-il jamais pû rendre l’eau pure plus fine qu’elle étoit auparavant ? A-t-on jamais pû, après des centaines de distillations, de digestions & de mélanges avec toutes sortes de corps, rendre l’esprit d’eau-de-vie le plus fin, encore plus subtil que l’esprit de vin éthéré, qui est beaucoup plus fin que l’alcohol ? 4°. Le système des germes, que les nouvelles découvertes ont fait adopter, rend l’irrésolubilité des premiers corps indispensablement nécessaire. Si la nature n’agit que par développement, comme les microscopes semblent le démontrer, il faut absolument que les divisions actuelles de la matiere ayent des bornes. 5°. Si l’on frotte les corps les uns contre les autres, & si on les épure, on peut bien en détacher de grosses parties ; mais on a beau continuer de les frotter pendant long-tems, ces parties emportées seront toûjours rendues visibles à l’aide du microscope. Cela paroît sur-tout, lorsqu’on brise les couleurs sur le porphire, & qu’on les considere ensuite au microscope. 6°. La divisibilité de

la matiere à l’infini suppose que les corps soient composés à l’infini d’autres corpuscules. Mais cela se peut-il concevoir ? Dire qu’un corps est composé d’autres corps, c’est ne rien dire. Car on demandera de nouveau de quoi ces corps sont composés. Les élémens de la matiere doivent donc être autre chose que de la matiere. C’est ce qui avoit fait imaginer à M. Leibnitz son système des monades. La matiere, selon les Leibnitiens, n’est qu’un phénomène résultant de l’union de plusieurs monades. Ce phénomène subsiste tant qu’il y a plusieurs monades ensemble. En divisant la matiere, on desunit les monades ; & si la division est portée jusqu’au point qu’il n’y ait plus qu’une seule monade, le phénomène de la matiere disparoîtra. Si on demande comment des monades, qui ne sont point corps, peuvent constituer des corps ; les Leibnitiens répondent qu’elles n’en constituent que l’apparence, & que la matiere n’existe point hors de notre esprit telle que nous la concevons. Telles sont les difficultés de part & d’autre. Non nostrum inter vos tantas componere lites. Nous devons à M. Formey une grande partie de cet article. (O)

DIVISIF, adj. pris subst. terme de Chirurgie, bandage dont on se sert dans les grandes brûlures de la gorge, de dessous le menton, & de la partie supérieure de la poitrine. Il se fait avec une bande longue de quatre aunes, large de trois doigts, roulée à deux chefs égaux. On l’applique d’abord par le milieu sur le front & autour de la tête, l’attachant au bonnet avec des épingles. On la croise à la nucque, en changeant les globes de main ; on descend par-dessous chaque aisselle, pour revenir par-devant remonter sur chaque épaule, aller par derriere, croiser entre les omoplates, repasser sous les aisselles, & terminer par des circulaires autour du corps.

Ce bandage fait tenir la tête droite, empêche que le menton ne contracte adhérence avec le col, comme on l’a vû arriver lorsqu’on a manqué d’attention dans les pansemens des brûlures de cette partie. Ce bandage qui est divisif de la partie antérieure de la gorge, est unissant pour les plaies transversales de la partie postérieure. Voyez la figure 8. Planche XXVII.

Dans tous les cas où il faut diviser les levres ou les parois des plaies & des ulceres, les chirurgiens doivent imaginer des bandages appropriés à la partie pour remplir cette indication. (Y)

DIVISION, subst. fémin. (Logique.) l’utilité principale de la division, est de faire voir commodément à l’esprit dans les parties, ce qu’il ne pourroit voir qu’avec confusion & avec peine, à cause de la trop grande étendue dans l’objet total. Il se rencontre encore dans la division une autre utilité, c’est de faire connoître tellement un objet par chacune de ses diverses parties, que l’on n’attribue pas au tout, ce qui ne convient qu’à quelqu’une de ses parties.

On dispute de nos jours si la musique italienne n’est pas préférable à la musique françoise. On éclairciroit la question, & par conséquent on la résoudroit, si l’on divisoit ou si l’on distinguoit (car la distinction est une espece de division mentale) ; si, dis-je, l’on divisoit la Musique dans ses justes parties, comme sont la composition & l’exécution.

A l’égard de la composition, il faudroit y distinguer la science de l’harmonie, d’avec la douceur, & la suite du chant. Par le premier de ces deux endroits, les uns pourroient être préférés, & les autres par le second.

De plus, il faut distinguer l’exécution, par rapport aux voix & aux instrumens : les uns pourroient avoir de plus belles voix, & les autres mieux toucher les instrumens, &c.