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lement unis, qu’il est impossible d’appercevoir comment ils le sont. Il est plus commun d’en voir qui en se rencontrant s’unissent de la même maniere ; & j’ai observé plus d’une fois une seule branche qui s’élevoit de deux autres branches ainsi unies.

Il est bon de faire remarquer que si un coquillage s’attache à la tige ou aux branches du corail, il ne manque pas d’être recouvert en tout ou en partie par la substance même du corail.

J’ai observé que sa plus grande hauteur, à laquelle même il s’éleve très-rarement dans la mer Adriatique, est d’un pié de Paris, ou un peu plus. La tige & les branches sont communément rondes : néanmoins on en trouve assez souvent, & j’en conserve dans ma collection, qui sont plates & larges.

Le pié, la tige & les branches sont d’une substance uniforme ; & cette substance consiste en une écorce & une matiere propre, qui sont les mêmes dans toutes ces parties.

Cette matiere propre est la substance intérieure du corail, qui approche beaucoup de la dureté du marbre, lors même qu’elle est au fond de la mer. Aux extrémités des branches elle est moins dure que l’écorce ; elle en conserve la consistance aux environs de ces extrémités, & la plus grande dureté est dans la tige & les branches les plus considérables.

Cette substance vûe au microscope dans les coraux d’une seule couleur, comme le rouge, & dans ceux qui ne sont point altérés par les insectes, paroît homogene, pure, sans taches, sans cavités, d’un grain égal, d’une dureté uniforme, & susceptible du plus beau poli. Mais il n’en est pas ainsi dans les coraux de plusieurs couleurs, ni même quelquefois dans ceux d’une couleur de rose jaunâtre, ou même d’une vraie couleur de rose. J’ai quelques branches de cette espece de corail, dont la coupe transversale présente différentes couches concentriques couleur de rose jaunâtre, blanches, & plus ou moins chargées de couleur. On observe les mêmes couches concentriques dans le corail rouge qui a été un peu exposé à l’action du feu ; elles sont toutes d’un brun clair, mais séparées par d’autres couches beaucoup plus foncées.

Quelque dure que soit cette substance, lorsque par le tems ou par accident elle a perdu son écorce, elle est sujette à être rongée par un petit insecte qui s’y insinue par de très-petites ouvertures, & qui détruit son organisation intérieure. Cette organisation consiste en de petites cellules à peu-près rondes qui communiquent entr’elles, & qui sont séparées par des parois très-déliés. Le corail ainsi rongé, est foible, fragile, & ne peut être employé à rien. Il est un autre insecte du même genre qui traverse le corail en ligne droite, & dont la route est marquée par des trous cylindriques. Au reste je dois avertir que les marbres les plus durs qui se trouvent au fond de la mer, ne sont pas exempts des atteintes de ces insectes, ou d’autres insectes qui leur ressemblent parfaitement.

La matiere propre du corail est cannelée, selon sa longueur ; ses cannelures, qui prennent du pié, suivent constamment le parallelisme entr’elles & avec les branches qu’elles parcourent ; elles sont plus marquées dans la tige principale & dans les grosses branches, quelquefois même elles disparoissent dans les petites : leur surface est inégale & raboteuse, comme si elle étoit formée d’un grand nombre de très-petits globules. La matiere dont il est question exposée à am feu violent, se réduit en une poussiere très-fine, de la même couleur que la cendre ordinaire : & comme dans la cendre vierge, c’est-à-dire dans celle qui est prise sur des charbons ardents, on découvre au microscope une sorte de

squelette formée de fibres & des vaisseaux de la substance ligneuse ; ainsi dans la cendre de la substance intérieure du corail, on apperçoit aussi, à l’aide du microscope, ces parties constituantes qui paroissent être de la même figure & de la même couleur que celle de la cendre de l’écorce : ce sont de petits corpuscules blancs à peu-près sphériques, & unis comme en forme de grape. J’ai vû plusieurs fois sur la coupe transversale de branches de corail qui avoient été rompues, des cannelures qui partoient du centre, & qui aboutissoient par une correspondance exacte aux cannelures de la surface.

Toute cette surface est immédiatement environnée d’un corps cellulaire d’un blanc pâle, d’une consistance médiocrement molle, formée par les entrelacemens de petites membranes vasculeuses, lesquelles reçoivent par des vaisseaux capillaires un suc blanchâtre qui donne sa couleur au corps réticulaire. A ces membrances sont attachés des globules rouges, unis ensemble par d’autres petites membranes. Ces globules ressemblent tout-à-fait, par le volume & par la forme, à ceux de la cendre de la substance intérieure & de l’écorce du corail ; d’où il résulte que ces corps sont inaltérables au point que la calcination ne fait que changer leur couleur.

Le corps réticulaire qui enveloppe immédiatement la matiere propre du corail, y dépose régulierement ses petits globules rouges, ce qui forme les inégalités sphériques dont la surface des cannelures est formée. De-là on doit tenir pour certain que la matiere du corail est composée de ces globules. Si l’on me demande d’où ils tirent leur origine, je répondrai sans hésiter qu’ils la tirent des polypes du corail : car s’il est vrai, comme on le verra plus bas, que leurs œufs soient couverts de pareils corps, on doit conclure que des corps précisément de la même nature, quelque part qu’ils se trouvent, sont l’ouvrage des mêmes polypes.

Sur le corps réticulaire s’étend une écorce molle, & d’une couleur un peu plus claire que celle de la substance intérieure ; elle est formée de filets très déliés, auxquels sont attachés un grand nombre de globules rouges qui tiennent ensemble, & qui communiquent leur couleur à l’écorce. On y découvre au microscope des vaisseaux cylindriques & paralleles entr’eux, qui jettent de tous côtés des ramifications dans les petites membranes dont on a parlé plus haut, & qui y portent le suc laiteux qui nourrit le corail.

La superficie de cette écorce est inégale, glissante dans le corail nouvellement pêché ; plus relevée en certains endroits, en d’autres plus applanie : en plusieurs on apperçoit à l’œil des especes de nœuds qui s’élevent sur la surface ; ils sont ronds, assez larges à leur base, plus étroits vers leur surface supérieure, qui se divise en huit portions plus ou moins égales, & lesquelles se réunissent au centre de chaque nœud, ou plûtôt de chaque cellule composée intérieurement d’une portion du corps réticulaire, & revêtu au dehors de l’écorce du corail.

Dans certains endroits le corps réticulaire forme une duplicature, ou une espece de petit sac qui revêt tout l’intérieur de la cellule jusqu’au bord supérieur ; ensorte que la cellule ne se termine point immédiatement à la matiere propre du corail, mais au corps réticulaire. La forme de ces cellules est celle d’un cone qui a un renflement dont le diametre est plus grand que celui de sa base, & dont le sommet émoussé forme dans la matiere dure du corail de petites cavités plus marquées dans les branches jeunes & déliées, mais moins sensibles dans les branches plus grosses & plus vieilles.

Le fond de chaque cellule regarde le pié de la