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fleur & de chair. On les met au bain à l’eau fraîche ; on continue, comme nous l’avons prescrit pour la vache retournée, jusqu’au second lustre, après lequel on les met en presse entre deux tables pour les applatir. Pendant tout ce travail, on n’a ni corrompu ni dressé.

Mais le noir n’est pas la seule couleur que les Corroyeurs donnent aux peaux ; ils en fabriquent en jaune, rouge, verd, & blanc. Voici la maniere dont la préparation en est décrite dans le dictionnaire de Commerce. Nous ne répondons pas de leur succès, les ouvriers étant vraissemblablement aussi cachés, lorsque M. Savari faisoit son ouvrage, qu’ils le sont aujourd’hui. Le jaune se compose de graine d’Avignon & d’alun, demi-livre de chacun sur trois pintes d’eau, qu’on réduit au tiers. Le rouge, de bois de Bresil, deux livres sur quatre seaux d’eau : réduisez le tout à moitié par l’ébullition ; tirez au clair, remettez sur le Bresil même quantité d’eau que la premiere fois, reduisez encore à moitié par une ébullition de six heures ; rejettez la premiere teinture sur cette seconde, & laissez-les toutes deux environ deux heures sur le Bresil, & sur le feu. Le verd, de gaude ; mettez une botte de gaude sur six seaux d’eau ; laissez bouillir le tout pendant quatre heures à petit-feu ; ajoûtez ensuite quatre livres de verd-de-gris. Le blanc ne demande aucune préparation particuliere, c’est la couleur même du cuir passé en huile ; couleur qui est d’autant plus belle, que le jaunâtre en est plus éclatant. Pour passer ces peaux en blanc, on les commence comme pour les autres couleurs ; ensuite on les passe en huile, ou au dégrais des Chamoiseurs. Voyez Chamoiseurs. Quand elles sont seches, on les refoule à sec, on les corrompt, on les rebrousse des quatre quartiers, on les repare à la lunette ; on les refoule à sec encore une fois, on les ponce, on les corrompt derechef & rebrousse de quatre quartiers ; & pour les redresser de grain, on les corrompt de travers, & de queue en tête. On n’apprête ainsi que des vaches & des veaux, qu’on appelle façon d’Angleterre.

La différence des teintures n’en apporte point aux travaux ; il faut seulement observer que celle qu’on destine à être passées en jaune, ne se paisent point en alun, parce qu’il en entre dans leur teinture. Voy. l’article Chamoiseur, sur la maniere de passer les peaux en couleur jaune. Voici donc le travail qu’il faut donner aux peaux qu’on veut teindre. On commence par les brosser du côté de la fleur avec des brosses ni molles ni rudes ; on les trempe dans l’eau ; on les foule dans l’eau, on les défonce au sortir de l’eau ; on les draye, boute, ou ébourre, selon leur qualité ; on les seche, on les remet au bain pour peu de tems ; on les refoule dans ce bain, on les écoule à l’étire, on leur donne une huile legere du côté de chair seulement, on les met à essorer ; on les retient avec une étire de cuivre, on les seche entierement ; on les humecte avec le gipon d’une eau d’alun, faite d’une livre de cet ingrédient sur trois pintes d’eau, on les met essorer ; on les défonce, au moins pendant deux à trois heures ; on continue le travail, crépissant des quatre quartiers, rebroussant de travers, & séchant entierement jusqu’au moment où il faut les teindre : alors on leur donne de fleur la couleur qu’on souhaite, d’abord de queue en tête, puis de travers. On les met sécher, on leur donne la seconde couleur quand elles sont toutes seches, on les rebrousse, & on les finit comme les vaches retournées. Cela fait, on les décrasse au couteau de revers sur le chevalet ; on les ponce, on les retire des quatre quartiers & de travers ; on leur donne leur lustre, avec le blanc d’œuf battu dans une pinte de la couleur ; on les seche entierement, ou on les essore seulement ; on a une lisse de verre, comme on

la voit figure 13. & on la passe sur toute la peau. La lisse des Corroyeurs n’est pas différente, ni pour la matiere, ni pour la forme de celle des Lingeres ; elle est seulement plus pesante & plus forte.

Travail des vaches étirées. Après qu’elles ont été mouillées, on les rebrousse avec une pomelle à larges dents, sans les avoir foulées ni défoncées ; on les draye au chevalet, on les rebrousse des quatre quartiers & de queue en tête ; on les mouille de fleur & de chair, avec un gipon de serge, mais le mouillage est leger de chair ; on les étend sur la table, on les retient avec l’étire de cuivre, puis on les presse à demi-seches entre deux tables.

Travail des cuirs gris. Ils se fabriquent comme les lissés ; mais on ne les passe point on teinture, & on ne les lisse point.

Corroyer du sable, chez les Fondeurs, c’est le passer plusieurs fois sous le bâton & le couteau, pour le rendre plus maniable, en écraser toutes les mottes, & le disposer à prendre plus exactement les diverses empreintes des modeles qu’on veut jetter en cuivre. Voyez Fondeur en sable.

Corroyer du bois, (Menuiserie.) c’est le dresser pour le mettre en œuvre, au moyen d’une demi-varlope & de la varlope.

Corroyer la terre glaise : les Potiers de terre, les Fournalistes, les Sculpteurs, & les Fontainiers, se servent de ce terme pour exprimer la façon qu’ils donnent à la terre glaise qu’ils veulent employer dans leurs ouvrages, en la pétrissant & la remuant, soit avec les mains, soit avec les piés. Voyez Poterie.

* Corroyer le fer, (Serrurerie, Taillanderie, Coutellerie, & autres ouvriers en fer.) c’est le préparer à la forge pour différens ouvrages. Cette premiere opération consiste à le battre sur l’enclume, pour en ôter les pailles, l’allonger, le reforger, le resouder, &c.

Corroyer se dit encore de l’action d’un forgeron qui de plusieurs barres de fer qu’il soude ensemble, n’en fait qu’une. Si l’union de ces barres est bien intime & bien faite, on dit de la barre entiere qu’elle est bien corroyée.

CORROYEUR, s. m. artisan qui a le droit de corroyer & faire corroyer les cuirs, en qualité de membre d’une communauté de ce même nom. Voy. Corroyer les cuirs à l’article Corroyer.

Les ouvriers qui donnoient la derniere préparation aux cuirs au sortir des mains des Tanneurs, formoient autrefois quatre communautés, appellées Corroyeurs, Baudroyeurs, Cordoüaniers, & Sueurs. Les Corroyeurs travailloient les cuirs blancs, les Baudroyeurs les cuirs de couleur, les Cordoüaniers ne préparoient que les cordoüans ou especes de maroquins, enfin les Sueurs donnoient aux cuirs le suif & la graisse. On ne sait pas la date de la réunion de ces communautés ; mais on ne connoît plus que la communauté des Corroyeurs, dont les statuts sont de 1345.

Cette communauté est régie par huit jurés, dont quatre sont appellés jurés de la conservation, & les autres, jurés de la visitation royale. On élit tous les ans deux jurés de la conservation, & il en sort deux jurés de la visitation ; ainsi leur jurande dure quatre ans, savoir deux ans à la conservation, & deux ans à la visitation.

Un maître doit avant que d’être juré, avoir été pendant un an receveur, c’est-à-dire avoir fait la perception de tous les nouveaux droits, tant de réception que de lotissage, ordonnés par la déclaration du 7 Juin 1692, pour acquitter les dettes de la communauté.

La visitation royale se fait tous les mois par les jurés Corroyeurs chez les Corroyeurs ; mais il s’en fait une