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cette couleur. Toutes choses égales la couleur sera plus vive, si le milieu le plus dense est environné par le plus rare.

Une plaque, toutes choses égales, réfléchira d’autant plus de lumiere, qu’elle sera plus mince jusqu’à un certain degré, par-delà lequel elle ne réfléchira plus aucune lumiere.

Dans les plaques dont l’épaisseur augmente suivant la progression des nombres naturels 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, &c. si les premieres, c’est-à-dire les plus minces, réfléchissent un rayon de lumiere homogene, la seconde le transmettra ; la troisieme le réfléchira de nouveau, & ainsi de suite ; ensorte que les plaques de rangs impairs, 1, 3, 5, 7, &c. réfléchiront les mêmes rayons, que ceux que leurs correspondantes en rangs pairs, 2, 4, 6, 8, &c. laisseront passer. De-là une couleur homogene donnée par une plaque, est dite du premier ordre, si la plaque réfléchit tous les rayons de cette couleur. Dans une plaque trois fois plus mince, la couleur est dite du second ordre. Dans une autre d’épaisseur cinq fois moindre, la couleur sera du troisieme ordre, &c.

Une couleur du premier ordre est la plus vive de toutes, & successivement la vivacité de la couleur augmente avec l’ordre de la couleur. Plus l’épaisseur de la plaque est augmentée, plus il y a de couleurs réfléchies & de différens ordres. Dans quelques cas la couleur variera, suivant la position de l’œil ; dans d’autres elle sera permanente.

Cette théorie sur la couleur des lames minces, est ce que M. Newton appelle dans son Optique, la théorie des accès de facile réflexion & de facile transmission ; & il faut avoüer que toute ingénieuse qu’elle est, elle n’a pas à beaucoup près tout ce qu’il faut pour convaincre & satisfaire entierement l’esprit. Il faut ici s’en tenir aux simples faits, & attendre pour en connoître ou en chercher les causes, que nous soyons plus instruits sur la nature de la lumiere & des corps, c’est-à-dire attendre fort long-tems, & peut-être toûjours. Quoi qu’il en soit, voici quelques expériences résultantes des faits qui servent de base à cette théorie.

Anneaux colorés des verres. Si on met l’un sur l’autre deux verres objectifs de fort grandes spheres, l’air qui se trouve entre ces deux verres, forme comme un disque mince, dont l’épaisseur n’est pas la même par-tout : or au point de contact l’épaisseur est zéro, & on voit le noir en cet endroit ; ensuite on voit autour plusieurs anneaux différemment colorés, & séparés les uns des autres par un anneau blanc. Voici l’ordre des couleurs de ces anneaux, à commencer par la tache noire du centre :

Noir, bleu, blanc, jaune, rouge,
Violet, bleu, verd, jaune, rouge,
Pourpre, bleu, verd, jaune, rouge,
Verd, rouge.

Il y a encore d’autres anneaux, mais ils vont toûjours en s’affoiblissant.

En regardant les verres par-dessous, on verra des couleurs aux endroits où les anneaux paroissoient séparés, & ces couleurs seront dans un autre ordre. Voyez Musschenbroek, Ess. de Phys. §. 1134 & suiv.

On explique par-là les couleurs changeantes qu’on observe aux bulles de savon, selon que l’épaisseur de ces bulles est plus ou moins grande.

Couleurs des corps naturels. Les corps ne paroissent de telle ou telle couleur, qu’autant qu’ils ne réfléchissent que les rayons de cette couleur, ou qu’ils réfléchissent plus de rayons de cette couleur que des autres ; ou plûtôt ils paroissent de la couleur qui résulte du mélange des rayons qu’ils réfléchissent. Voyez Corps.

Tous les corps naturels sont composés de petites

lames minces, transparentes ; & lorsque ces petites lames seront disposées les unes à l’égard des autres, de maniere qu’il n’y aura ni réfraction ni réflexion entre leurs interstices, les corps seront transparens ; mais si les interstices qui sont entre ces lames, sont remplis de matiere si hétérogene par rapport à celle des lames elles-mêmes, qu’il se fasse beaucoup de réfractions & de réflexions dans l’intérieur du corps, ce corps sera alors opaque. Voyez Transparence & Opacité.

Les rayons qui ne sont pas réfléchis par un corps opaque, pénetrent au-dedans de ce corps, & y souffrent une quantité innombrable de réfractions & de réflexions, jusqu’à ce qu’enfin ils s’unissent avec les particules de ce corps.

De-là il suit que les corps opaques s’échauffent d’autant moins, qu’ils réfléchissent plus de lumiere : aussi voyons-nous que les corps blancs, qui sont ceux qui réfléchissent le plus de rayons, s’échauffent beaucoup moins que les corps noirs, qui n’en réfléchissent presque point. Voyez Chaleur, Noir.

Pour déterminer la constitution de la surface des corps, d’où dépend leur couleur, il faut considérer que les corpuscules ou premieres parties dont ces surfaces sont composées, sont très-minces & transparentes ; de plus, qu’elles sont séparées par un milieu qui differe d’elles en densité. On peut donc regarder la surface de chaque corps coloré, comme un nombre infini de petites lames, dans le cas de celles dont nous venons de parler, & auxquelles on peut appliquer tout ce qu’on a dit à cette occasion.

De-là il suit que la couleur d’un corps dépend de la densité & de l’épaisseur des particules de ce corps, renfermées entre ses pores : que la couleur est d’autant plus vive & plus homogene, que ces parties sont plus minces ; & que, toutes choses égales, ces parties doivent être les plus épaisses dans les corps rouges, & les plus minces dans les violets : qu’ordinairement les particules des corps sont plus denses que celles du milieu qui remplit leurs interstices ; mais que dans les queues de paons, dans quelques étoffes de soie, & dans tous les corps dont la couleur dépend de la situation de l’œil, la densité des parties est moindre que celle du milieu ; & qu’en général la couleur d’un corps est d’autant moins vive, qu’il est plus rare par rapport au milieu que renferment ses pores.

De plus, ceux des différens corps opaques dont les lamelles sont les plus minces, sont ceux qui paroissent noirs, & les corps blancs sont ceux qui sont composés des lamelles les plus épaisses, ou de lamelles qui different considérablement en épaisseur, & sont par conséquent propres à réfléchir toutes sortes de couleurs. Les corps dont les lamelles seront d’une épaisseur moyenne entre ces premieres, seront ou bleus, ou verds, ou jaunes, ou rouges, suivant celle de ces couleurs qu’ils réfléchiront en plus grande quantité, absorbant les autres, ou les laissant passer.

C’est cette derniere circonstance de renvoyer ou de laisser passer les rayons de telle ou telle couleur, qui fait que certaines liqueurs, telles par exemple que celle de l’infusion de bois néphrétique, paroissent rouges ou jaunes par la réflexion de la lumiere, & qu’elles paroissent bleues lorsqu’on les place entre l’œil & la lumiere. Il en est de même des feuilles d’or, qui sont jaunes dans le premier cas, & bleues dans le second.

On peut encore ajoûter à cela que le changement de couleur qui arrive à quelques poudres employées par les Peintres, lorsqu’elles sont broyées extrèmement fin, vient sans doute de la diminution sensible des parties de ces corps produite par le broyement,