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comme isolé se trouve près de quelque corps non-électrique par lui-même. Si une personne, par exemple, tire une étincelle du conducteur, elle se déchargera du feu électrique qu’elle aura reçû d’une maniere insensible à-travers ses souliers : mais si elle presse légerement avec ses doigts le bras ou le poignet d’une autre personne, de façon cependant qu’elle ne le touche que dans très-peu de points ; dans l’instant qu’elle tirera l’étincelle, elles ressentiront l’une & l’autre, si l’électricité est un peu forte, une légere douleur comme d’une piquûre dans l’endroit où elles se touchoient ; douleur produite par une petite partie de l’électricité de la personne qui tire l’étincelle qui passe par cet endroit, tandis que le reste se dissipe par ses souliers. Cet effet ira même plus loin ; & si l’électricité est d’une certaine force, il se communiquera à quatre, cinq, ou six personnes se tenant de la même maniere.

Les corps électrisables par communication ont encore cette propriété, qui selon toute apparence tient à la premiere dont nous avons parlé ; c’est qu’en les touchant, quoique ce ne soit que dans un point, pourvû que le contact soit bien intime, on leur communique ou leur enleve l’électricité dans un instant.

Pour se former une idée de cette propriété, qu’on suppose un conducteur ou tout autre corps bien électrique : si une personne posant sur le plancher le touche, elle lui enlevera toute son électricité, à moins que le plancher ou ses souliers ne soient fort secs : si au contraire cette personne montée sur un gâteau de resine, touche ce même conducteur supposé électrise de nouveau, elle acquerrera au même instant une électricité égale à la sienne.

A cet égard, le verre, la porcelaine, & les autres substances électriques par elles-mêmes, different extrèmement de celles qui ne le sont pas ; car vous pouvez les toucher, & même dans plusieurs points tout-à-la-fois, sans leur enlever pour cela toute leur électricité : de même, ce qui ne paroît que l’inverse de cette qualité, vous ne pouvez les électriser par communication, qu’autant que le corps qui les électrise les touche tout-à-la-fois dans un grand nombre de points ; encore ne peut-on les électriser sensiblement de cette façon que d’une surface à l’autre, c’est-à-dire, par exemple, qu’en électrisant par communication une des surfaces d’un carreau de verre, on électrisera la surface opposée. Il semble que ces substances soient comme composées de parties ayant chacune en particulier leur petite atmosphere d’électricité. On voit par-là que pour desélectriser les corps électriques par eux-mêmes, comme pour les électriser par communication, il faut les toucher tout-à-la-fois dans un grand nombre de points.

Pour donner une idée de leur composition, & de celle des corps électrisables par communication, ou plûtôt de la maniere dont leurs différentes propriétés, dont nous venons de parler, peuvent avoir lieu, on pourroit supposer les premiers comme composés d’un grand nombre de petits globules non électriques par eux-mêmes, mais assez distans les uns des autres pour que l’on puisse enlever l’électricité de l’un d’entr’eux, sans pour cela enlever celle du globule voisin ; & les seconds comme composés des mêmes petits globules, se touchant tous de façon que l’on ne pourroit enlever l’électricité de l’un, que l’on n’enlevât en même tems celle de tous les autres. Ainsi, par exemple, en supposant une douzaine de balles de fer toutes isolées, électrisées, & placées à une certaine distance les unes des autres, on conçoit qu’on pourra à différentes reprises tirer des étincelles d’une de ces balles, sans enlever pour cela toute l’électricité des autres ; & on aura une idée de ce qui se passe dans le verre. Mais si on les suppose rappro-

chées de façon qu’elles se touchent immédiatement,

on ne pourra tirer une étincelle de l’une d’entr’elles, qu’on n’enleve en même tems toute ou la plus grande partie de l’électricité des autres ; ce qui est le cas des métaux & des autres corps électrisables par communication. Mais passons à une autre propriété des corps électriques par eux-mêmes, ou plus particulierement du verre & de la porcelaine, dans laquelle nous paroît consister tout le mystere du coup foudroyant.

Cette singuliere propriété du verre est que lorsqu’il est électrisé par communication, ou même par frottement, comme nous l’avons découvert, pendant que la surface opposée à celle que l’on électrise de l’une ou l’autre de ces manieres, est en contact avec du métal ou toute autre substance électrisable par communication, il acquiert la faculté de donner du fluide électrique par la surface qui est électrisée, & en donne effectivement si rien ne l’en empêche, & d’en pomper ou d’en tirer par son opposée en contact avec le corps métallique ; & ce qu’il fait effectivement s’il en peut donner par la premiere surface. Eclaircissons ceci par un exemple. Supposons un carreau de verre bien net & bien sec, suspendu horisontalement sur des cordons de soie, & recouvert d’une feuille de plomb d’une figure semblable, mais plus petite dans toutes ses dimensions d’un pouce ou un peu plus, de façon qu’il la déborde en tout sens ; supposons encore ce carreau électrisé par communication au moyen de l’électricité que reçoit la feuille du conducteur ; imaginons de plus qu’une personne touche sa surface inférieure du plat de la main, sans cependant en toucher les bords : si après l’avoir électrisé de cette maniere pendant un certain tems, on ôte à la feuille de plomb sa communication avec le conducteur ; on verra que cette feuille qui auparavant recevoit l’électricité, en fournira, & que la surface inférieure du verre qui en fournissoit, comme nous le dirons dans un moment, en recevra. Pour bien s’assûrer de l’existence de ce fait, présentez à la feuille de plomb une pointe de fer, vous verrez à son extrémité une espece de petit point de lumiere ; faites-en de même à la surface inférieure du carreau, au lieu de ce point vous verrez à la pointe une aigrette, ou si vous ne la voyez pas, vous serez toûjours en état de l’exciter en tirant des étincelles de la feuille de plomb. Or, comme on le verra à l’art. Électricité, & comme nous l’avons montré dans le mémoire déjà cité, le point de lumiere indique toûjours l’entrée du fluide électrique dans le corps, & l’aigrette sa sortie ; ce qui montre que dans le premier cas il y a un fluide électrique qui sort de la feuille de plomb & entre dans la pointe de fer, & que dans le second il y en a un qui sort de cette pointe pour entrer dans la surface inférieure du verre.

Dans les circonstances que nous avons dites être nécessaires à observer pour que le verre acquît la propriété dont il est ici question, nous avons spécifié particulierement qu’il falloit tenir le plat de la main contre la surface opposée à celle qui recevoit l’électricité. Or quoique tout verre électrisé par une de ses surfaces, soit par frottement, soit par communication, donne toûjours un peu d’électricité par l’autre, comme on peut s’en convaincre en présentant à cette derniere surface la pointe de fer (car on y verra le petit point de lumiere, qui est, comme nous venons de le dire, la preuve qu’il sort un fluide électrique du corps auquel vous la présentez) il paroît cependant par un grand nombre d’expériences, que par le moyen dont nous avons parlé on oblige une plus grande quantité de fluide électrique à sortir de cette surface non électrisée. Ainsi, par exemple, si vous électrisez par communication un tube de verre