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pareront d’elles-mêmes ou se réuniront aux autres parties. Voilà la mondification naturelle.

Si l’os paroît fendu, contus, blanc, brun, livide, alors on y fera, par le trépan, un grand nombre de petites perforations dans les regles, afin que ces vaisseaux vivans percent à-travers les trous, & se déchargent des humeurs putréfiées qui y sont en stagnation ; car il se reformera par cette voie un nouveau périoste. On se conduira pour le surplus de la cure, comme dans les simples plaies des tégumens.

On conçoit par-là, pourquoi une fissure du crane est souvent d’une conséquence plus dangereuse qu’une grande contusion, ou même qu’une fracture. De plus, il est évident que cette conduite est préférable aux cauteres actuels, & aux rugines ou trépans exfoliatifs si douloureux dont les anciens se servoient ; en effet, notre méthode a le double avantage de séparer promptement les parties gâtées, & de créer une nouvelle substance qui répare celle qui s’est perdue.

Quand le crane est enfoncé en-dedans dans les jeunes sujets sans fracture, & dans les adultes avec fracture, il en résulte nécessairement la compression du cerveau. Voyez Compression, Commotion, Contusion, Dépression, &c. Nous n’entrons ici que dans des généralités ; nous renvoyons pour les détails aux meilleurs traités sur cette matiere, & nous mettons Hippocrate à la tête.

N’oublions pas de remarquer qu’un segment du crane peut être enlevé & emporté tout-à-fait, ce qui arrive quand un instrument vulnérant coupe avec les tégumens une portion de l’os, c’est ce qu’on appelle dédolation ou section du crane : l’on ne manque pas d’exemples de blessés, qui malgré ce malheur ont été parfaitement guéris.

Enfin une partie du crane peut s’exfolier dans toute son épaisseur, & se séparer du reste ; témoin cette femme de l’hôtel-Dieu dont parle Saviard (obs. xc.) qui demandoit l’aumône dans son crane. Objet touchant pour l’humanité ! C’est cette même femme dont il est question dans l’hist. de l’acad. des Sc. an. 1700. p. 45. Comme elle avoit, dit M. Poupart, en conséquence de son accident, la moitié de la dure-mere découverte, un jour que quelqu’un la lui toucha légerement du bout du doigt elle jetta un grand cri, & dit qu’on lui avoit fait voir mille chandelles. Autre sujet de spéculation pour un anatomiste physicien ! Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

Crane, (Mat. medic.) Le crane d’un jeune homme robuste mort de mort violente, est mis par plusieurs écrivains de la matiere médicale, au rang des grands remedes internes de l’apoplexie & de l’épilepsie en particulier. On le rapera & on le pulvérisera, disent-ils, sans le calciner pour n’en point détruire les vertus, & la dose sera depuis un scrupule jusqu’à trois. Il étoit en effet naturel en adoptant une fois des secours de cette espece contre ces terribles maladies du cerveau, de recourir plûtôt à la boîte osseuse qui le couvre & le défend, qu’à tout autre os fort éloigné. Il est vrai que le bon sens & l’expérience n’ont jamais trouvé de propriété medicinale dans aucun crane ; il est vrai encore que l’analyse chymique n’en tire rien de différent des autres os, & que même la corne de cerf seroit préférable à tous égards : mais tous les os ensemble & la corne de cerf ne frappant pas l’imagination du vulgaire comme le crane de quelqu’un qu’on vient d’exécuter, ne pouvoient jamais faire fortune ; cependant un auteur moderne par l’attention qu’il a eu d’avertir le public de prendre bien garde, à cause du danger immanquable où l’on s’exposeroit, d’employer par hasard, en guise de médicament, le crane d’une personne qui auroit été infectée de virus vénérien, a peut-être indiqué, sans le vouloir, le vrai secret de

détourner de ce prétendu remede les gens qui seroient les plus portés à y mettre leur confiance. Ce que la raison ne sauroit opérer chez les hommes, la crainte du péril en vient à bout ; c’est bien un autre agent dans la Nature. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

CRANENBOURG, (Géog. mod.) petite ville d’Allemagne, au duché de Cleves, entre le Wahal & la Meuse.

CRANEQUIN ou PIÉ DE BICHE, s. m. (Hist. mod. & Art milit.) espece de bandage de fer qui se portoit à la ceinture, & dont on se servoit autrefois pour tendre l’arc, d’où l’on a fait le substantif cranequinier. Les cranequiniers étoient une sorte d’arbalétriers : il y en avoit à pié & à cheval ; ils portoient des arbaletes legeres. Ces arbaletes furent d’abord de bois ; on les fit ensuite de corne, & enfin d’acier. Le grand maître de l’artillerie a succédé à celui des arbalétriers & cranequiniers.

CRANGANOR, (Géog. mod.) petit royaume d’Asie, dans l’Inde, en-deçà du Gange, sur la côte de Malabar, dépendant du Samorin.

CRANGE, (Géog. mod.) ville d’Allemagne, dans la Pomeranie ultérieure, au duché de Wendeon, sur la riviere de Grabow.

CRANICHFELD, (Géog. mod.) petite ville d’Arce, avec un territoire qui en dépend, dans la Thuringe, sur la riviere d’Ilm.

CRANSAC, (Géog. mod. & Medecine.) lieu de France dans le bas-Roüergue, connu seulement par ses eaux minérales qui y attirent beaucoup de monde en Mai & Septembre. On puise ces eaux à deux fontaines, qui ne sont qu’à six piés l’une de l’autre, & qui sortent d’une montagne. On trouve au-dessus de ces deux fontaines des grottes qui sont des étuves très-salutaires pour les maladies du genre nerveux, les tremblemens qui en sont la suite, les paralysies legeres, & la sciatique. Les eaux de Cransac n’ont aucune odeur sensible ; leur saveur est un peu âcre & vitriolique. Elles sont apéritives, purgatives, & présentement fort en vogue à Paris. On n’en a point encore donné d’analyse exacte & détaillée. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

CRAON, (Géog. mod.) petite ville de France, dans la province d’Anjou, sur la riviere d’Oudon.

CRAONNE, (Géog. mod.) petite ville de France, dans la généralité de Soissons, au diocèse de Laon.

CRAPAUD, s. m. animal amphibie Il y en a de deux sortes, le crapaud de terre, bufo rubeta, & le crapaud d’eau, rana palustris venenata.

Le crapaud de terre est plus gros que la grenouille ; il a le corps épais, le dos large, le ventre gonflé, & il est si pesant, qu’il ne saute qu’à peine ; & si lourd, qu’il ne marche que fort lentement. La peau est dure, couverte de tubercules, & de couleur livide, tachée de jaune sur le ventre. Cet animal se retire dans des lieux sombres & humides, & se cache dans des creux infectés de fange & de puanteur : il se nourrit de vers, d’insectes, de coquillages de terre. On a trouvé de ces animaux renfermés dans des troncs d’arbres, & même dans des blocs de pierre, où ils devoient avoir passé grand nombre d’années sans autre aliment que l’eau qui pouvoit suinter à travers le bois ou la pierre. Les crapauds s’accouplent & pondent des œufs comme les grenouilles, voyez Grenouille ; mais leur cri est différent du croassement.

Le crapaud d’eau est plus petit que celui de terre. Rondelet a trouvé tant de ressemblance entre l’un & l’autre, qu’il n’a donné que la figure du crapaud d’eau, & qu’il y renvoye pour donner une idée de celle du crapaud de terre.

On donne encore le nom de crapaud à une sorte de grenouille que l’on trouve dans la terre & sous les fumiers ; elle a le museau plus pointu & les jam-