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Quelques seigneurs avoient encore un terme plus long.

Les seigneurs de Nevers avoient droit de prendre dans cette ville des vivres à crédit, sans être obligés de les payer pendant quarante jours, passé lesquels, s’ils ne les payoient pas, on n’étoit plus obligé de leur en fournir à crédit, jusqu’à ce qu’ils eussent payé les anciens. Il en est parlé dans une ordonnance de Charles V. alors régent du royaume, du mois de Février 1356.

La même chose s’observoit pour les comtes d’Auxerre : on trouve seulement cela de particulier pour eux, que s’ils étoient un an sans payer, celui qui leur avoit fourni des vivres, en recevoit le prix sur le produit du cens.

Le seigneur d’Aussonne en Bourgogne ne pouvoit rien prendre à crédit dans les jardins potagers de la ville, à moins qu’il ne donnât des gages. Lorsqu’il prenoit à crédit des denrées chez des gens qui les avoient achetées pour les revendre, il devoit aussi donner des gages ; & si après quarante jours il ne payoit pas ce qu’il avoit pris, le marchand qui avoit reçu les gages, pouvoit les vendre, comme il paroît par des lettres du roi Jean, du mois de Janvier 1361.

Il y avoit, comme on voit, une différence entre les denrées provenant du crû de celui chez qui on les avoit prises à crédit, & celles qu’il avoit achetées pour les revendre. Le terme que le seigneur avoit pour payer les premieres, n’étoit pas marqué, & il n’étoit pas dit que faute de payement le vendeur pourroit vendre les gages ; au lieu que pour les denrées qui n’étoient pas de son crû, si on ne les payoit pas dans le terme de quarante jours, il pouvoit vendre les gages. Cette différence étoit fondée sur ce que celui qui vend des denrées de son crû, n’ayant rien déboursé, peut attendre plus long-tems son payement ; au lieu que celui qui a acheté des denrées pour les revendre, ayant déboursé de l’argent, il est juste qu’il soit payé dans un tems préfix, & que faute de payement il puisse faire vendre les gages.

Le seigneur de Chagny avoit crédit, comme les précedens, pendant quarante jours, passé lesquels, s’il n’avoit pas payé, on n’étoit pas obligé, jusqu’à ce qu’il l’eût fait, de lui donner autre chose à crédit. Si quelqu’un cachoit sa marchandise, de peur d’être obligé de la donner à crédit au seigneur, on le condamnoit à l’amende ; ce qui feroit penser que le crédit du seigneur étoit apparemment déjà bien usé. Si les officiers du seigneur nioient qu’on leur eût fait crédit, celui qui prétendoit l’avoir fait, étoit reçu à le prouver par témoins, & les officiers étoient admis à faire la preuve contraire : mais les officiers du seigneur ne pouvoient acheter des vivres des habitans, qu’ils n’en donnassent le prix courant & ordinaire, & ne les payassent sur le champ.

A Dommart (diocese d’Amiens) le seigneur pouvoit prendre du vin chez un bourgeois pour le prix qu’il revenoit à celui-ci, & ce seigneur n’étoit obligé de le payer que lorsqu’il sortoit de la ville ; s’il ne le payoit pas alors, il étoit obligé de le payer au prix que le vin se vendoit dans le marché, & il avoit crédit de quinze jours. S’il achetoit une piece de vin il n’en payoit que le prix qu’elle avoit coûté au bourgeois ; mais il falloit qu’il payât sur le champ. Lorsqu’il n’avoit point d’avoine, il pouvoit faire contraindre par le maïeur les bourgeois à lui en vendre au prix courant, & il avoit crédit de quinze jours, en donnant caution ; s’il ne payoit pas à ce terme, il n’avoit plus de crédit, jusqu’à ce qu’il eût satisfait au premier achat.

A Poiz en Picardie, les bourgeois qui vendoient des denrées étoient obligés une fois en leur vie d’en fournir à crédit au seigneur, lorsqu’il le deman-

doit, sans qu’il fût tenu de leur donner des gages ; mais cette charge une fois acquittée par les bourgeois, il ne pouvoit plus prendre des denrées sans gages, & dans ces deux cas il ne pouvoit se servir du droit de crédit sur les denrées qui excédoient la valeur de cinq sous, à moins que le vendeur n’y consentît.

L’archevêque de Vienne avoit moins de crédit que les autres seigneurs ; car il ne pouvoit rien acheter qui ne fût en vente, & qu’il n’en payât le prix qu’un autre en donneroit.

Dans les lieux où le seigneur n’avoit point ce droit de crédit, il y avoit des réglemens pour qu’il ne pût obliger les habitans de lui porter des denrées, qu’il ne pût les prendre si elles n’étoient exposées en vente ; que s’il étoit obligé d’en user autrement, ce ne seroit que par les mains des consuls, & en payant le prix suivant l’estimation.

Tous ces usages singuliers, quoique différens les uns des autres, prouvent également la trop grande autorité que les seigneurs particuliers s’étoient arrogée sur leurs sujets ; & présentement que le royaume est mieux policé, aucun seigneur ni autre personne ne peut rien prendre à crédit que du consentement du vendeur. Voyez le recueil des ordonnances de la troisieme race, tomes IV. V. VI. VII. & VIII. à la table, au mot Crédit.

Credit vel non : on appelloit réponses par credit vel non, celles ou le témoin se contentoit de répondre qu’il croyoit qu’un fait étoit tel, sans dire affirmativement si le fait étoit vrai ou non. Ces sortes de réponses ont été abrogées par l’ordonnance de 1539, art. xxxvj. (A)

CRÉDITER un article ou une partie dans un livre ou dans un compte, (Comm.) c’est en termes de Commerce, les porter à la page à droite que l’on nomme le côté du crédit ; ainsi l’on dit, je vous ai crédité pour la remise de cinq cents livres que vous m’avez faite, pour dire, j’ai chargé cette somme en crédit sur mon livre. Voyez Crédit. Voyez les dictionn. du Comm. & de Trév. (G)

CRÉDITEUR, s. m. (Comm.) terme assez usité parmi les négocians, pour signifier un créancier, ou, comme ils s’expriment, celui qui doit avoir. Voyez Crédit, Créancier & Avoir. Dict. du Comm. & de Trév. (G)

CREDITON, (Géogr. mod.) ville d’Angleterre dans le Devonshire, sur la riviere de Crédit.

CREDO, s. m. (Théolog.) nom par lequel on désigne communément le symbole des apôtres ou l’abregé des vérités chrétiennes, & qui commence par ce mot, credo, je crois. Voyez Symbole. (G)

* CRÉDULITÉ, s. f. est une foiblesse d’esprit par laquelle on est porté à donner son assentiment, soit à des propositions, soit à des faits, avant que d’en avoir pesé les preuves. Il ne faut pas confondre l’impiété, l’incrédulité & l’inconviction, comme il arrive tous les jours à des écrivains aussi étrangers dans notre langue que dans la philosophie. L’impie parle avec mépris de ce qu’il croit au fond de son cœur. L’incrédule nie sur une premiere vûe de son esprit, la vérité de ce qu’il n’a point examiné, & de ce qu’il ne veut point se donner la peine d’examiner sérieusement ; parce que frappé de l’absurdité apparente des choses qu’on lui assûre, il ne les juge pas dignes d’un examen réfléchi. L’inconvaincu a examiné ; & sur la comparaison de la chose & des preuves il a crû voir que la certitude qui résultoit des preuves que la chose étoit comme on la lui disoit, ne contrebalançoit pas le penchant qu’il avoit à croire, soit sur les circonstances de la chose même, soit sur des expériences réitérées, ou qu’elle n’étoit point du tout, ou qu’elle étoit autrement qu’on ne la lui racontoit. Il ne peut y avoir de doute que sur une chose