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à se rompre selon la loi accoûtumée : ces principes déterminans, étant dans le raiyon avant qu’il parvienne à la seconde, à la troisieme, à la quatrieme surface, & ne souffrant aucune altération, comme il paroît, à la rencontre de ses surfaces, il faut qu’ils soient essentiels & naturels au raiyon. V. Raiyon, Lumiere, & Réfraction. Chambers.

Crystal de roche (Hist. nat. Minér.) crystallus montana : on nomme crystal de roche ou crystal par excellence, une pierre figurée, transparente, non colorée, qui a la forme d’un prisme à six côtés, terminé à ses deux extrémités par une pyramide hexagone, quand la formation est parfaite.

Dans la définition du crystal de roche, nous venons de dire que c’étoit un prisme ou une colonne à six côtés, terminée par deux pyramides : cependant cette regle souffre des exceptions. En effet il y a du crystal de roche dans lequel on ne remarque que la pyramide supérieure, sans qu’on apperçoive de prisme ou de colonne. On en voit d’autre qui n’est composé que de deux pyramides, qui se réunissent par la base sans prisme ni colonne intermédiaires : on en trouve très-fréquemment qui a le prisme & une pyramide hexagone, sans qu’on puisse appercevoir la pyramide inférieure, qui souvent est cachée & confondue dans la pierre qui lui sert de matrice ou de base. Quand on remarque dans le crystal de roche une autre figure que celle d’un prisme hexagone, il y a lieu de croire que cela vient de ce que deux ou plusieurs crystaux sont venus à se joindre, & se sont confondus dans leur formation.

Il y a des crystaux de roche dont les parties sont si étroitement unies, qu’il est impossible d’en remarquer le tissu, tandis que dans d’autres on peut voir distinctement qu’ils sont composés de lames ou de couches, qui ont été successivement appliquées les unes sur les autres, en conservant la régularité de leur figure.

En général, c’est toûjours le quartz qui sert de base ou de matrice au crystal de roche, & c’est dans cette pierre qu’il se forme constamment ; d’où l’on pourroit conjecturer avec beaucoup de vraissemblance que le crystal de roche n’est autre chose qu’un quartz plus épuré, qui par différentes circonstances qui concourent à la crystallisation, a été disposé à prendre une figure réguliere & déterminée. V. l’article précédent Crystal ou Crystaux.

La transparence du crystal de roche & sa ressemblance avec de la glace, ont fait croire aux anciens Naturalistes que c’étoit une eau congelée à qui le froid continuel avoit fait prendre à la longue la consistance solide que l’on y remarque ; c’est sur ce principe que quelques auteurs ont cru qu’il ne se trouvoit que dans les pays froids : mais il y a déjà longtems que les Naturalistes sont revenus de ces préjugés ; d’ailleurs les relations des voyageurs nous ont convaincu qu’il y a du crystal de roche dans les pays les plus chauds, tels que l’île de Madagascar, de Sumatra, &c.

Le crystal de roche se trouve dans toutes les parties du monde : en Europe c’est la Suisse, & surtout le mont Saint-Gothard qui en fournit la plus grande quantité. Suivant le rapport de Scheuchzer, il s’est trouvé des crystaux qui pesoient jusqu’à 250 livres. Ce savant naturaliste observe que plus le lieu d’où on le tire est élevé, plus le crystal est parfait, pur, & précieux. Voici, suivant lui, les signes auxquels ceux qui recueillent le crystal en Suisse reconnoissent les endroits où ils pourront en trouver. 1°. On fait attention aux veines de quartz blanc qui, si on les suit, conduisent a des roches dont les cavités sont remplies de crystaux. 2°. Les grosses roches ou pierres remplies de bosses, en contiennent très-fréquemment. 3°. Les ouvriers font attention au son

que rendent ces roches ou pierres creuses, lorsqu’on les frappe avec le marteau ; ce son est différent de celui des pierres pleines & sans cavités. 4°. On reconnoît encore à la simple vûe les pierres qui contiennent du crystal de roche ; elles sont blanchâtres, très-dures, & ne sont jamais calcaires.

On trouve quelquefois du crystal de roche en plaine campagne, & presque à la surface de la terre ; mais ce n’est point le lieu de sa formation, il y a été porté par les torrens ou par d’autres accidens : pour lors très-souvent on n’y remarque plus de figure réguliere, & il ressemble pour la forme aux caillous ordinaires. On en a vû de cette espece en Angleterre qui étoient d’une dureté extraordinaire. On en trouve encore dans le lit des rivieres ; celui-là est quelquefois arrondi, parce que le roulement & le mouvement des eaux lui ont fait prendre cette figure. Les caillous de Medoc paroissent être dans ce cas. Le crystal de roche varie extrèmement pour la grandeur ; quelquefois il est en colonnes détachées, d’autres fois il est en groupes, & ne présente qu’une infinité de pyramides hexagones, placées les unes à côté des autres. Souvent en brisant des caillous, on y trouve des cavités remplies de crystaux ; d’autres fois on rencontre des prismes hexagones, ou des pyramides détachées : mais il y a tout lieu de croire que c’est par quelque accident qu’elles ont été séparées de la matrice dans laquelle elles ont été formées. Il se trouve de grandes masses de crystal de roche dans l’île de Madagascar : si l’on en croit les relations de quelques voyageurs, on en a tiré des morceaux de six piés de long, de quatre de large, sur autant d’épaisseur. Voyez l’histoire générale des voyages, tom. VIII. pag. 620. Il y a lieu de penser, si ce fait est vrai, que ces masses ne sont autre chose que du quartz transparent, dans lequel les colonnes de crystal se sont formées. On peut dire la même chose du crystal de roche, dans lequel quelques auteurs disent qu’on rencontre une cavité hexagone, qui y a été faite par une colonne de crystal hexagone, qui en ayant été arrachée par quelque accident, y a laissé son empreinte. Le crystal que Langius appelle crystallus cariosa, & qui est rempli de trous, n’est probablement que du quartz qui a servi de base à des crystaux.

Pour que le crystal de roche soit parfait, on exige qu’il soit clair & transparent comme de l’eau, & qu’il n’ait ni couleur, ni tache, ni crevasse : celui qui a toutes ces qualités étoit très-estimé des anciens, qui en faisoient différens vases dont le prix étoit très considérable. Aujourd’hui l’usage en est moins commun parmi nous ; cependant on admire encore les beaux lustres de crystal de roche : mais ceux que l’on fait à présent sont ordinairement de verre de Bohême. On leur donne la préférence, à cause que le prix en est moins haut.

Les curieux en histoire naturelle recherchent par préférence, pour orner leurs cabinets, des morceaux de crystal de roche, accompagnés d’accidens, c’est à-dire qui renferment des corps étrangers, tels que du bois, des plantes, des gouttes d’eau, &c.

Un grand nombre de Naturalistes ont cru que le crystal de roche étoit la base des pierres précieuses ; & ce sentiment n’a rien que de très-probable, puisque réellement il n’en differe que par la dureté : d’ailleurs il est susceptible de recevoir comme elles différentes couleurs dans le sein de la terre. Quand le crystal de roche est coloré, on lui donne souvent le nom de fausse pierre précieuse (pseudo-gemma), ou bien on l’appelle du nom de la pierre précieuse à laquelle il ressemble par la couleur, en y ajoûtant l’épithete de faux ; c’est ainsi qu’on nomme faux rubis le crystal de roche rouge ; faux saphir, celui qui est bleu ; fausse émeraude, celui qui est verd, &c. Il y a aussi du crystal brun & noir ; ce dernier est assez rare : mais tous ces crystaux