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sucs de nature corrosive, qui augmentent la violence des symptomes, & en produisent de nouveaux en passant dans le sang.

Aucune maladie n’expose les enfans à tant & à de si fâcheux accidens, & assez souvent ils périssent après avoir souffert long-tems, ce qui arrive sur-tout à ceux qui ont le plus d’embonpoint ; ensorte que pour établir le prognostic de la dentition difficile, il faut avoir égard à l’âge & au tempérament différent des sujets, à ce qui a précédé les accidens & ce qui les accompagne, à la quantité des symptomes qui se présentent en même tems : on juge différemment de l’événement, d’après toutes ces diversités.

Dès qu’il est bien décidé que les accidens mentionnés pour la plûpart, ou quelques-uns seulement, sont causés par la difficulté de la sortie des dents ; tout le traitement doit tendre à la faciliter, en pressant le bord des gencives avec le doigt, en donnant à l’enfant malade un hochet qu’il puisse porter à la bouche pour le mâchoter, le presser entre les deux mâchoires ; ce qui comprime la substance des gencives, & tend à rendre plus aisé le déchirement de ses fibres : c’est aussi dans cette vûe que l’on doit employer des choses propres à la ramolir, comme le mucilage de psyllium, la pulpe de la racine d’althéa, la moëlle de veau, le cerveau de lievre.

Ces differens secours conviennent lorsque les dents commencent à faire des efforts douloureux pour sortir des alvéoles, & que le bord de la gencive qui les couvre paroît devenir blanchâtre.

Mais lorsque les dents ayant augmenté de volume, font enfler considérablement les gencives, & y causent de violentes douleurs par les efforts qu’elles font pour les déchirer, dans ce cas seulement il est à propos d’avoir recours à un moyen plus prompt pour faire cesser ces accidens fâcheux : il consiste à faire une incision à la gencive sur la dent qui pousse, ou avec le bord de l’ongle, ou avec un bistouri ; ce qui, en faisant cesser le tiraillement des fibres nerveuses, fait souvent cesser, presque sur le champ, tous les différens symptomes.

S’il y a des convulsions opiniâtres, il faut les combattre avec les antispasmodiques, comme la poudre de guttete, les absorbans, comme les coraux, les yeux d’écrevisses, de legers anodyns, comme le sirop de pavot blanc, l’huile d’amandes-douces.

Sydenham & Boerhaave recommandent très-expressément l’esprit de corne de cerf.

Les lavemens à petite dose conviennent contre les tranchées, les douleurs d’entrailles : on doit tenir le ventre libre par de doux purgatifs, s’il y a constipation : les forts sont très-pernicieux dans cette maladie.

On peut aussi faire usage de ces remedes pour prévenir la rechûte.

La nourrice doit observer un régime de vie rafraîchissant, adoucissant.

Les enfans ne sont pas seuls sujets à la dentition difficile : les adultes éprouvent quelquefois des symptomes aussi fâcheux à cette occasion. Tulpius, l. I. ch. xxxvj. fait mention dans une observation d’un vieux Medecin, à qui il sortit deux dents avec des symptomes si violens, malgré l’incision faite à la mâchoire, qu’après avoir souffert jusqu’à en devenir furieux par l’extrême douleur, il mourut : mais c’est-là un exemple bien rare, qu’il faut ranger, comme il a été dit, parmi les écarts de la nature : dans de semblables cas, les remedes ci-dessus indiqués conviennent également, mais d’une maniere proportionnée à l’âge, au tempérament du malade : on peut de plus employer la saignée s’il y a fievre, & les narcotiques contre la douleur ; la maladie étant

dans les solides, il n’y a pas lieu d’user d’autres remedes. (d)

Denture, s. f. noms que les Horlogers donnent en général aux dents d’une roue. On dit que les dentures d’une montre sont belles, bien faites, &c. lorsque les dents des différentes roues sont toutes arrondies bien régulierement, & qu’elles ont leur véritable forme. Voyez Dent, Roue, &c. (T)

DÉNUDATION, s. f. terme de Chirurgie, par lequel on exprime l’état d’un os qui paroît à découvert. Cet accident est assez ordinaire dans les fractures compliquées avec plaie, & dans les blessures de tête, &c. On croyoit assez généralement que tout os qui étoit découvert devoit nécessairement s’exfolier ; mais des observations modernes ont fait voir que la dénudation de l’os n’est pas un obstacle à la réunion. L’expérience a appris que des lambeaux de chair se sont recollés aussi aisément sur la surface d’un os découvert, qu’avec les parties molles. Lorsqu’il n’est pas possible de recouvrir les os des parties dont ils ont été dépouillés par quelque accident, la guérison ne se peut faire que par une exfoliation de la lame extérieure de l’os ; mais la lame qui s’exfolie est quelquefois si mince que cette opération de la nature est insensible. Belloste, chirurgien françois, a imaginé de faire des trous sur la surface des os découverts avec un instrument nommé perforatif, pour éviter l’exfoliation. Voyez Exfoliation. On voit croître à-travers ces trous des bourgeons charnus qui paroissent recouvrir effectivement la surface de l’os ; mais elle n’est pas conservée par ce moyen : il accélere seulement l’exfoliation insensible, parce qu’il diminue par-là la résistance que la lame de l’os qui doit s’exfolier oppose à l’action des vaisseaux qui font effort pour la séparer ; & cette séparation qui seroit fort tardive si elle ne se faisoit que par la circonférence, est de moindre durée lorsqu’on a comme criblé cette lame, & que les vaisseaux sains qui operent l’exfoliation agissent à la circonférence des trous qu’on a faits.

La dénudation de l’os est un accident qu’on voit quelquefois après les amputations des membres. Il n’arrive jamais lorsque l’os a été scié bien exactement au niveau de la masse des chairs dans une opération bien faite. Mais lorsque l’os est saillant, les chairs qui le recouvrent se détruisent assez facilement par la suppuration, sur-tout dans les sujets mal constitués, ou par desséchement, & l’os reste à découvert. La dénudation commence toûjours par l’extrémité de l’os saillant, & se borne ordinairement à une certaine étendue de cette extrémité, parce que les chairs qui sont vers la base de la portion d’os qui excede la surface du moignon, fournissent des vaisseaux pour entretenir des mammellons charnus sur une certaine étendue de cette portion saillante. Le tems procureroit la chûte de la partie découverte ; mais l’exfoliation qui s’en feroit, n’empêcheroit pas le moignon d’être conique par la saillie de l’os ; ce qui est un des plus grands inconvéniens de la cure des amputations. Nous donnerons au mot saillie les moyens de prévenir cette disposition vicieuse de l’os : nous allons indiquer ici ceux qu’il faut mettre en usage pour y remédier.

L’art ne peut rien sans la nature ; ils doivent toûjours agir de concert : mais il est du devoir du chirurgien de discerner le pouvoir respectif de l’un & de l’autre, & de connoître dans quels cas il doit attendre plus ou moins de secours de l’un que de l’autre.

Sa conduite doit être dirigée par son jugement, & il ne peut l’asseoir avec assûrance que sur l’observation d’un grand nombre de cas bien vérifiés par l’expérience & par la raison, sans laquelle l’expérience égare plus qu’elle n’éclaire. On a mis en problème, s’il étoit plus avantageux d’attendre que la na-