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succombe, ils n’ont pas été établis dans ce point de vûe, mais plûtôt pour rendre indemne celui qui gagne sa cause. Il y a d’autres peines contre les téméraires plaideurs, telles que les amendes, injonctions, &c.

Enfin les dépens sont quelquefois appellés sumptus, qui signifie en général frais ; mais parmi nous les frais des procès sont différens des dépens : car les frais comprennent tout ce qui est déboursé à l’occasion du procès, même les faux frais, tels que le port des lettres écrites au procureur, & autres semblables, que la partie est obligée de rembourser à son procureur, & que néanmoins la partie adverse ne peut pas répéter : au lieu que les dépens ne comprennent que les frais qui entrent en taxe contre la partie adverse.

Les épices des juges & les salaires des huissiers, qu’on appelloit d’un nom commun sportulas, faisoient aussi chez les Romains partie des dépens : ce qui a lieu de même parmi nous.

On ne voit point qu’il soit parlé des dépens dans le digeste, mais seulement dans le code Théodosien, dans celui de Justinien, dans ses institutes, & dans les novelles. Ce que l’on peut recueillir de ces différentes lois, est qu’en général les dépens étoient dûs par celui qui succomboit, soit en premiere instance ou en cause d’appel ; que les frais de contumace étoient toûjours dûs par celui qui y avoit donné lieu, quand même il auroit ensuite gagné au fond. Dans les affaires sommaires, on ne réqueroit pas de dépens, & l’on n’en pouvoit jamais prétendre qu’ils ne fussent adjugés par le juge, lequel les taxoit équitablement ; mais il dépendoit du prince de les diminuer. Enfin suivant la novelle 112, le demandeur étoit obligé de donner caution au défendeur de lui payer la dixieme partie de sa demande par forme de dépens, s’il perdoit son procès.

Théodoric roi d’Italie, par son édit qui est rapporté dans le code des lois antiques, ch. ij. ordonna que celui qui succomberoit, seroit condamné aux dépens du jour de la demande, afin que personne ne fit de gaieté de cœur de mauvais procès.

En France, pendant long-tems il n’y avoit que les juges d’église qui condamnoient aux dépens ; il n’étoit point d’usage d’en accorder dans la justice séculiere : ce qui est d’autant moins étonnant, qu’alors la justice étoit fort sommaire, il n’y avoit presque point de procédures, & que les juges & les greffiers ne prenoient rien des parties.

Ce ne fut que sous Charles-le-Bel, en 1324, qu’il fut enjoint aux juges séculiers de condamner aux dépens la partie qui succombe.

L’ordonnance de 1667, tit. des dépens, veut pareillement que toute partie principale ou intervenante qui succombera, même aux renvois déclinatoires, évocations, ou réglemens de juges, soit condamnée aux dépens indéfiniment, nonobstant la proximité ou autres qualités des parties, sans que sous prétexte d’équité, partage d’avis, ou pour quelque autre cause que ce soit, elle en puisse être déchargée. Il est défendu à tous juges de prononcer par hors de cour sans dépens ; & l’ordonnance veut qu’ils soient taxés en vertu de sa disposition, au profit de celui qui aura obtenu définitivement, encore qu’ils n’eussent point été adjugés, sans qu’il puissent être modérés, liquidés, ni reservés.

Les arbitres doivent aussi condamner aux dépens celui qui succombe, à moins que par le compromis il n’y eût clause expresse, portant pouvoir de les remettre, modérer, & liquider.

Si dans le cours du procès il survient quelque incident qui soit jugé définitivement, les dépens doivent pareillement en être adjugés.

Dans les affaires où il y a plusieurs chefs de de-

mande, une partie peut obtenir les dépens sur un chef,

& succomber pour un autre ; c’est pourquoi on n’adjuge quelquefois que la moitié, un tiers ou un quart des dépens.

Le ministere public n’est jamais condamné aux dépens, lors même qu’il succombe dans ses demandes ; parce qu’il n’est point réputé avoir fait de mauvaises contestations : mais comme il ne paye point de dépens, il n’obtient pas non plus de condamnation de dépens lorsqu’il obtient à ses fins.

Il faut néanmoins excepter les procureurs-fiscaux, lesquels dans les affaires civiles où ils agissent pour l’intérêt du seigneur, peuvent obtenir des dépens & y être condamnés : dans ce dernier cas, c’est au seigneur à les payer.

Celui qui demande plus qu’il ne lui est dû, n’est pas pour cela condamné aux dépens, à moins qu’on ne lui ait fait des offres suffisantes, auquel cas il devroit les dépens du jour des offres. Voyez Exécutoire.

Quand une affaire est jugée définitivement, le procureur de celui qui a obtenu contre sa partie adverse une condamnation de dépens, en poursuit la taxe ; & pour cet effet il signifie au procureur du défendeur en taxe le jugement qui les adjuge, & la déclaration ou état de ces dépens.

Le défendeur en taxe ou son procureur, doit dans les délais de l’ordonnance, & s’il est absent, à raison d’un jour pour dix lieues de la distance de son domicile, prendre communication des pieces justificatives des articles de la déclaration, par les mains & au domicile du procureur du demandeur en taxe sans déplacer ; & huitaine après faire ses offres au procureur du demandeur, de la somme qu’il croira devoir pour les dépens adjugés contre lui ; & en cas d’acceptation des offres, il en doit être délivré exécutoire. Voyez Exécutoire.

Si nonobstant les offres le demandeur fait procéder à la taxe, & que par le calcul, en ce non-compris les frais de la taxe, les dépens n’excedent pas la femme offerte, le demandeur supportera les frais de la taxe.

Dans la déclaration de dépens on ne doit faire qu’un seul article de chaque piece, tant pour l’avoir dressée, que pour la copie, signification, & autres droits.

Les procureurs ne peuvent employer qu’un seul droit de conseil pour toutes les demandes, tant principales qu’incidentes ; & un autre droit de conseil, en cas que les parties contre lesquelles ils occupent forment quelque demande.

Il n’entre pareillement en taxe aucun autre droit de consultation, encore qu’elle fût rapportée & signée des avocats, excepté dans les cas où elles sont nécessaires. Voyez ci-devant Consultation.

Toutes écritures qui sont du ministere des avocats, n’entrent point en taxe, à moins qu’elles ne soient signées d’un avocat du nombre de ceux qui sont sur le tableau. Voyez Ecritures & Tableau.

Lorsqu’il y a au procès des écritures & avertissemens, les préambules des inventaires faits par les procureurs en sont distraits, de même que les rôles de leurs procédures où ils auroient transcrit des pieces entieres, ou choses inutiles. Il est aussi défendu aux procureurs & à tous autres de faire des écritures, ni d’en augmenter les rôles après le procès jugé, à peine de restitution du quadruple.

Pour faciliter la taxe des dépens, l’ordonnance de 1667 avoit annoncé qu’il seroit mis dans tous les greffes un tableau ou registre, dans lequel seroient écrits tous les droits qui doivent passer en taxe ; ce qui n’a point encore été exécuté : c’est pourquoi l’on suit dans le ressort du parlement de Paris, l’arrêt de