Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/884

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

paroles, ses écrits, ses charges, &c. Une description au premier coup d’œil a l’air d’une définition ; elle est même convertible avec la chose décrite, mais elle ne la fait pas connoître à fond, parce qu’elle n’en renferme pas ou n’en expose pas les attributs essentiels. Par exemple, si l’on dit que Damon est un jeune homme bienfait, qui porte ses cheveux, qui a un habit noir, qui fréquente bonne compagnie, & fait sa cour à tel ou tel ministre ; il est évident qu’on ne fait point connoître Damon, puisque les choses par lesquelles on le designe lui sont extérieures & accidentelles, jeune, cheveux, habit noir, fréquenter, faire sa cour, qui ne designent point le caractere d’une personne, Une description n’est donc pas proprement une réponse à la question quid est, qu’est il ? mais à celle-ci, quis est, qui est-il ?

En effet, les descriptions servent principalement à faire connoître les singuliers ou individus ; car les sujets de la même espece ne different point par leurs essences, mais seulement comme hic & ille, & cette différence n’a rien qui les fasse suffisamment remarquer ou distinguer. Mais les individus d’une même espece different beaucoup par les accidens : par exemple, Alexandre étoit un fléau, Socrate un sage, Auguste un politique, Titus un juste.

Une description est donc proprement la réunion des accidens par lesquels une chose se distingue aisément d’une autre, quoiqu’elle n’en differe que peu ou point par sa nature. Voyez Accident, Mode, &c.

La description est la figure favorite des Orateurs & des Poëtes, & on en distingue de diverses sortes : 1°. celle des choses, comme d’un combat, d’un incendie, d’une contagion, d’un naufrage : 2°. celle des tems qu’on nomme autrement chronographie, voyez Chronographie : 3°. celle des lieux qu’on appelle aussi topographie, voyez Topographie : 4°. celle des personnes ou des caracteres que nous nommons portrait, voyez Portrait. Les descriptions des choses doivent présenter des images qui rendent les objets comme présens ; telle est celle que Boileau fait de la mollesse dans le lutrin :

La mollesse oppressée
Dans sa bouche à ce mot sent sa langue glacée,
Et lasse de parler, succombant sous l’effort,
Soupire, étend les bras, ferme l’œil & s’endort. (G)

Mais d’où vient que dans toutes les descriptions qui peignent bien les objets, qui par de justes images les rendent comme présens, non-seulement ce qui est grand, extraordinaire, ou beau, mais même ce qui est desagréable à voir, nous plaît si fort ? c’est que les plaisirs de l’imagination sont extrèmement étendus. Le principe de ce plaisir semble être une action de l’esprit qui compare les idées que les mots font naître avec celles qui lui viennent de la présence même des objets. Voilà pourquoi la description d’un fumier peut plaire à l’entendement par l’exactitude & la propriété des mots qui servent à le dépeindre. Mais la description des belles choses plaît infiniment davantage, parce que ce n’est pas la seule comparaison de la peinture avec l’original qui nous séduit, mais nous sommes aussi ravis de l’original même. La plûpart des hommes aiment mieux la description que Milton fait du paradis, que de celle qu’il donne de l’enfer, parce que dans l’une, le feu & le souffre ne satisfont pas l’imagination, comme le font les parterres de fleurs & les bocages odoriférans : peut-être néanmoins que les deux peintures sont également parfaites dans leur genre.

Cependant une des plus grandes beautés de l’art des descriptions, est de représenter des objets capables d’exciter une secrette émotion dans l’esprit du lecteur, & de mettre en jeu ses passions ; & ce qu’il

y a de singulier, c’est que les mêmes passions qui nous sont desagréables en toute autre tems, nous plaisent lorsque de belles & vives descriptions les élevent dans nos cœurs ; il arrive que nous aimons à être épouvantés ou affligés par une description, quoique nous sentions tant d’inquiétude dans la crainte & la douleur qui nous viennent d’une toute autre cause. Nous regardons, par exemple, les terreurs qu’une description nous imprime avec la même curiosité & le même plaisir que nous trouvons à contempler un monstre mort : plus son aspect est effrayant, plus nous goûtons de plaisir à n’avoir rien à craindre de ses insultes. Ainsi lorsque nous lisons dans quelque histoire des descriptions de blessures, de morts, de tourmens, le plaisir que ces descriptions font en nous, ne naît pas seulement de la douleur qu’elles causent, mais encore d’une secrette comparaison que nous faisons de n’être pas dans le même cas.

Comme l’imagination peut se représenter à elle-même des choses plus grandes, plus extraordinaires, & plus belles que celles que la nature offre ordinairement aux yeux, il est permis, il est digne d’un grand maître de rassembler dans ses descriptions toutes les beautés possibles. Il n’en coûte pas davantage de former une perspective très-vaste, qu’une perspective qui seroit fort bornée ; de peindre tout ce qui peut faire un beau paysage champêtre, la solitude des rochers, la fraîcheur des forêts, la limpidité des eaux, leur doux murmure, la verdure & la fermeté du gason, les Sites de l’Arcadie, que de dépeindre seulement quelques-uns de ces objets. Il ne faut point les représenter comme le hasard nous les offre tous les jours, mais comme on s’imagine qu’ils devroient être. Il faut jetter dans l’ame l’illusion & l’enchantement. En un mot, un auteur, & sur-tout un poëte qui décrit d’après son imagination, a toute l’œconomie de la nature entre ses mains, & il peut lui donner les charmes qu’il lui plaît, pourvû qu’il ne la réforme pas trop, & que pour vouloir exceller, il ne se jette pas dans l’absurde ; mais le bon goût & le génie l’en garantiront toûjours. Voyez les réflexions de M. Adisson sur cette matiere. Addition de M. le Chevalier de Jaucourt.

DESDIT ou DÉDIT, s. m. (Jurisp.) est la peine stipulée dans une promesse de mariage, dans un marché, un contrat ou un compromis contre celui qui ne voudra pas l’exécuter.

Cette peine consiste ordinairement dans une somme d’argent qui doit être payée à l’autre partie, ou employée à quelque usage pieux.

Chez les Romains ceux qui se fiançoient se donnoient mutuellement des arrhes ou aires ; & celui des futurs conjoints qui ne vouloit pas ensuite accomplir le mariage, perdoit ses arrhes, de même qu’en matiere de vente. Quand le mariage avoit lieu, les arrhes données par la femme étoient imputées sur sa dot par le mari, & les arrhes du mari étoient imputées sur la donation à cause de nôces qu’il faisoit à la femme.

Dans les établissemens faits par S. Louis en 1270, on propose, chap. cxxjv. l’espece d’un pere qui ayant un fils impubere, demande pour lui la fille de son voisin aussi impubere, pour les marier ensemble lorsqu’ils seront en âge ; les deux peres se donnent réciproquement des arrhes, savoir le pere de la fille une piece de terre, & le pere du garçon dix livres : on décide que cette convention est bonne, & que celui qui refusera de la tenir perdra ses arrhes ; mais ce même chapitre porte que s’ils s’étoient obligés de rendre cent livres plus ou moins, au cas que le mariage ne se fît pas, la peine ne seroit pas tenable de droit, ce qui paroît fondé sur ce qu’il est contre la liberté de mariage qu’une partie puisse être forcée de se marier par des stipulations de peines. Ce-