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Infini de la métaphysique de ces quantités. Ceux qui liront avec attention ce que nous venons de dire, & qui y joindront l’usage du calcul & les réflexions, n’auront plus aucune difficulté sur aucun cas, & trouveront facilement des réponses aux objections de Rolle & des autres adversaires du calcul différentiel, supposé qu’il lui en reste encore. Il faut avoüer que si ce calcul a eu des ennemis dans sa naissance, c’est la faute des géometres ses partisans, dont les uns l’ont mal compris, les autres l’ont trop peu expliqué. Mais les inventeurs cherchent à mettre le plus de mystere qu’ils peuvent dans leurs découvertes ; & en général les hommes ne haïssent point l’obscurité, pourvû qu’il en résulte quelque chose de merveilleux. Charlatanerie que tout cela ! La vérité est simple, & peut être toûjours mise à portée de tout le monde, quand on veut en prendre la peine.

Nous ferons ici au sujet des quantités différentielles du second ordre, & autres plus élevées, une remarque qui sera très-utile aux commençans. On trouve dans les mém. de l’acad. des Sciences de 1711, & dans le I. tome des œuvres de M. Jean Bernoulli, un mémoire où l’on remarque avec raison que Newton s’est trompé, quand il a crû que la différence seconde de zn, en supposant dz constante, est au lieu qu’elle est , comme il résulte des regles énoncées ci-dessus, & conformes aux principes ordinaires du calcul différentiel. C’est à quoi il faut prendre bien garde ; & ceci nous donnera encore occasion d’insister sur la différence des courbes polygones & des courbes rigoureuses, dont nous avons déjà parlé aux art. Central & Courbe. Soit, par exemple, , l’équation d’une parabole : supposons dx constant, c’est-à-dire tous les dx égaux, on trouvera que donne pour l’ordonnée correspondante exacte, que j’appelle , & que donne l’ordonnée correspondante que je nomme , exactement égale à  ; donc est l’excès de la seconde ordonnée sur la premiere, & est l’excès de la troisieme sur la seconde : la différence de ces deux excès est  ; & c’est le , tel que le donne le calcul différentiel. Or si par l’extrémité de la seconde ordonnée on tiroit une tangente qui vînt couper la troisieme ordonnée, on trouveroit que cette tangente diviseroit le en deux parties égales, dont chacune seroit par conséquent ou . C’est cette moitié du vrai que M. Newton a prise pour le vrai entier ; & voici ce qui peut avoir occasionné cette méprise. Le véritable se trouve par le moyen de la tangente considérée comme sécante dans la courbe rigoureuse ; car en faisant les constans, & regardant la courbe comme polygone, le sera donné par le prolongement d’un des côtés de la courbe, jusqu’à ce que ce côté rencontre l’ordonnée infiniment proche aussi prolongée. Or la tangente rigoureuse dans la courbe rigoureuse étant prolongée de même, donne la moitié de ce & M. Newton a crû que cette moitié du exprimoit le véritable, parce qu’elle étoit formée par la soûtangente ; ainsi il a confondu la courbe polygone avec la rigoureuse. Une figure très-simple fera entendre aisément tout cela à ceux qui sont un peu exercés à la géométrie des courbes & au calcul différentiel. V. au mot Courbe, l’histoire de l’acad. des Scienc. de 1722, & mon traité de Dynamique, I. partie, à l’article des forces centrales.

Equation différentielle, est celle qui contient des quantités différentielles. On l’appelle du premier ordre, si les différentielles sont du premier ordre, du second, si elles sont du second, &c.

Les équations différentielles à deux variables appartiennent aux courbes méchaniques ; c’est en quoi ces courbes different des géométriques. On trouvera leur construction au mot Courbe. Mais cette construction suppose que les indéterminées y soient séparées ; & c’est l’objet du calcul intégral. Voyez Intégral.

Dans les équations différentielles du second ordre, où , par exemple, est supposé constant, si on veut qu’il ne soit plus constant, on n’a qu’à diviser tout par  ; & ensuite au lieu de , mettre ou , & on aura une équation où rien ne sera constant. Cette regle est expliquée dans plusieurs ouvrages, & sur-tout dans la seconde partie du traité du calcul intégral de M. de Bougainville, qui ne tardera pas à paroître. En attendant on peut avoir recours aux œuvres de Jean Bernoulli, t. IV. page 77 ; & on peut remarquer que , en supposant constant, est la même chose que , en supposant constant : or est le même, soit qu’on prenne constant, soit qu’on le fasse variable. Car y demeurant la même, ne change point, pourvû que dx soit infiniment petite. Pour le bien voir, on n’a qu’à supposer ou , on aura au lieu de dans l’équation ; or ce est la même chose que , sans supposer rien de constant. Donc, &c.

Il me reste à parler de la différentiation des quantités sous le signe s. Par exemple, on propose de différentier , en ne faisant varier que y, A étant une fonction de x & de y : cette différence est , étant le coefficient de dy dans la différentielle de A. On trouvera la méthode expliquée dans les mém. de l’acad. de 1740, page 296, d’après un mémoire de M. Nicolas Bernoulli ; & cette méthode sera détaillée dans l’ouvrage de M. de Bougainville. Je passe legerement sur ces objets qui sont traités ailleurs, pour venir à la question, de l’inventeur du calcul différentiel.

Il est constant que Leibnitz l’a publié le premier ; il paroît qu’on convient aujourd’hui assez généralement que Newton l’avoit trouvé auparavant : reste à savoir si Leibnitz l’a pris de Newton. Les pieces de ce grand procès se trouvent dans le commercium epistolicum de analysi promotâ, 1712, Londini. On y rapporte une lettre de Newton du 10 Décembre 1672, qu’on prétend avoir été connue de Leibnitz, & qui renferme la maniere de trouver les tangentes des courbes. Mais cette méthode, dans la lettre citée, n’est appliquée qu’aux courbes dont les équations n’ont point de radicaux ; elle ne contient point le calcul différentiel, & n’est autre chose que la méthode de Barrow pour les tangentes un peu simplifiée. Newton dit à la vérité dans cette lettre, que par sa méthode il trouve les tangentes de toutes sortes de courbes, géométriques, méchaniques, soit qu’il y ait des radicaux, ou qu’il n’y en ait pas dans l’équation. Mais il se contente de le dire. Ainsi quand Leibnitz auroit vû cette lettre de 1672, il n’auroit point pris à Newton le calcul différentiel ; il l’auroit pris tout au plus à Barrow ; & en ce cas ce ne seroit, ni Newton, ni Leibnitz, ce seroit Barrow qui auroit trouvé le calcul différentiel. En effet, pour le dire en passant ; le calcul différentiel n’est autre chose que la méthode de Barrow pour les tangentes, généralisée. Voyez cette méthode de Barrow pour les tangentes, expliquée dans ses lectiones geometricæ, & à la fin du V. livre des sections coniques de M. de