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air froid, une grande chaleur qui succede à un grand froid dans le printems ; comme aussi les fraîcheurs de la nuit, qui se font sentir ordinairement dans cette saison, après des jours assez chauds. C’est même de cette derniere cause dont Sydenham ne craint pas d’assûrer qu’elle fait périr plus de monde que la peste, la guerre, & la famine.

L’angine inflammatoire qui est occasionnée par quelques-unes de ces différentes causes, produit différens symptomes, parmi lesquels il en est de très-violens & de terribles, selon la diversité des parties qui en sont le siége.

Les symptomes communs à toute sorte d’angine qui la caractérisent, sont la difficulté de respirer ou d’avaler, avec un sentiment de douleur dans le fond de la gorge, sans que le thorax & les poumons ni l’estomac soient essentiellement affectés. L’angine vraie est distinguée en général de la fausse, parce que celle-là est accompagnée de rougeur, de chaleur dans le siége de la maladie, & la fievre s’y joint ordinairement : celle-ci n’est essentiellement accompagnée d’aucun de ces symptomes. On peut aussi distinguer par des signes propres les différentes parties affectées dans l’angine vraie ; si elle a son siége dans la membrane musculeuse de la trachée artere, on y ressent tous les symptomes de l’inflammation avec une fievre ardente très-violente, sans qu’il paroisse rien de changé à l’extérieur & dans le fond de la gorge : dans ce cas le malade a les yeux enflammés, saillans hors de la tête comme ceux d’un animal qu’on étrangle, & quelquefois même tournés : il parle avec beaucoup de peine ; il ne peut souvent pas articuler les paroles de maniere à se faire entendre ; la voix est aiguë & semblable aux cris des petits chats. Il est obligé de tenir toûjours la bouche ouverte, & il en coule une salive écumeuse ; il tire la langue, qui paroît enflammée & fort enflée : les levres deviennent livides ; il a le cou roide ; on y voit souvent de l’enflure avec rougeur ; douleur & pulsation ; les veines jugulaires, frontales, canines paroissent variqueuses & fort gonflées ; la respiration est petite, fréquente. Le malade ne peut exercer cette fonction qu’étant sur son séant & avec de grands efforts, ce qui indique combien la circulation du sang est gênée dans les poumons ; il paroît avide de respirer un air frais, parce qu’il se sent une chaleur brûlante dans la poitrine : le pouls change à tout instant ; le malade est dans une agitation continuelle, d’une inquiétude extrème ; il se jette souvent hors du lit ; il ne peut pas rester couché sur le dos ; il ne voit, il n’entend que confusément ; il ne sait ni ce qu’il dit ni ce qu’il fait, tant il est occupé de la crainte de la suffocation, dont il est fortement menacé : quelquefois même il tombe dans un vrai délire.

Plus le mal est voisin de la glotte, plus les symptomes mentionnés sont violens ; & si l’inflammation gagne les muscles qui servent à la fermer, la suffocation suit de près : c’est le cas le plus terrible ; c’est l’angine la plus funeste ; c’est celle de cette espece que quelques auteurs distinguent par le nom de suffocatoire : Hippocrate en donne une description bien exacte, lib. III. de morbis. Il convient ici d’observer que dans cette sorte d’esquinancie il arrive souvent que non-seulement les parties intérieures du larynx & de la trachée-artere sont affectées, mais encore les poumons ; ce qui contribue beaucoup à rendre la respiration difficile : c’est ce qui a été prouvé par l’ouverture des cadavres de plusieurs personnes qui étoient mortes suffoquées par l’effet de la maladie dont il s’agit. Dodonée assûre dans ses observations avoir trouvé dans ce cas les poumons purulens ou abscédés.

Si l’inflammation n’affecte que les muscles destinés à élever l’os hyoide & le larynx, la respiration

est presque aussi libre que dans l’état naturel ; le commencement de la déglutition est accompagné d’une douleur très-vive, & on peut appercevoir dans la gorge quelque rougeur avec tumeur.

Lorsque c’est le pharynx qui est enflammé, on peut en appercevoir les signes en examinant le fond de la bouche, après avoir abaissé la langue, en la comprimant vers sa base : la respiration est assez libre dans ce cas, mais la déglutition est très-douloureuse, se fait très-difficilement, & ne peut quelquefois pas se faire du tout. Ce que le malade veut avaler revient par les narines, ou il entre quelque partie dans le larynx & la trachée-artere, qui excite une toux violente : par conséquent il ne peut prendre ni aliment ni boisson ; la masse des humeurs s’échauffe, devient acre faute d’être renouvellée par le chyle ; la fievre qui accompagne presque toûjours cette espece d’angine, devient plus ardente, sans être aussi violente que dans la premiere espece, & celle-là ne tend pas aussi promptement à la mort.

Si l’inflammation a son siége dans les amygdales, la luete, les membranes musculeuses du voile du palais, ce dont on peut aussi s’assûrer par l’inspection des parties, la respiration est gênée, pénible ; il ne passe que peu ou point d’air par les narines : par conséquent le malade tient toûjours la bouche ouverte ; il ne peut avaler qu’avec de grandes douleurs, à cause que les organes affectées concourent beaucoup à la déglutition ; les alimens sont même souvent rejettés dans la bouche, parce qu’ils ne peuvent pas passer sous les arcades du voile du palais trop tendu & trop douloureux ; il se filtre une plus grande quantité d’humeurs dans les amygdales, & dans toutes les glandes muqueuses qui sont dispersées dans le tissu des parties enflammées : le malade ne cesse de cracher des matieres visqueuses, glaireuses en abondance ; il sent une douleur vive dans l’intérieur de l’oreille & dans la partie qui communique avec la gorge ; il sent aussi un craquement lorsqu’il avale, & quelquefois même il en résulte une surdité complette. Ces derniers accidens ne peuvent être attribués qu’à l’inflammation, qui affecte aussi la trompe d’Eustachi, en partie ou dans toute son étendue, ensorte même qu’elle s’étende jusqu’à la membrane qui tapisse la cavité du tambour de l’oreille.

Lorsque l’inflammation attaque l’œsophage proprement dit au-dessous du pharynx, les symptomes sont les mêmes que dans le cas où le pharynx est enflammé : on ne peut pas en découvrir les signes par l’inspection, mais le malade peut aisément indiquer le siége du mal par la douleur qu’il ressent dans la partie affectée, lorsque ce qu’il avale y est parvenu. La matiere de la déglutition est souvent repoussée & remonte dans la bouche, ce qu’on peut appeller regorgement, pour distinguer ce symptome du vomissement.

Si plusieurs de ces différentes especes d’inflammation attaquent en même tems un malade, il est facile d’en tirer la conséquence que la maladie sera d’autant plus violente & plus dangereuse, & les symptomes d’autant plus funestes, qu’il y aura un plus grand nombre de parties affectées : il est rare qu’aucune de ces especes d’inflammation se trouve solitaire ; le mal gagne de proche en proche, & s’étend plus ou moins sur les parties voisines.

L’angine aqueuse, œdémateuse, catarrheuse a ordinairement son siége dans les glandes, dans les vaisseaux secrétoires & excrétoires de la mucosité qui est destinée à lubrifier toutes les parties de la gorge ; ses effets sont l’enflure blanche & froide de ces mêmes parties, sans aucun des signes de l’inflammation, la douleur, s’il y en a, n’ayant lieu que par le mouvement & la distension des organes de la respiration