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homme tout enveloppé & empaqueté ? Il ne nous fait montre que des parties qui ne sont aucunement siennes, & nous cache celles par lesquelles seules on peut réellement juger de son estimation. C’est le prix de l’épée que vous cherchez, non de la gaîne : vous n’en donneriez à l’avanture pas un quatrain, si vous ne l’aviez dépouillée. Il le faut juger par lui-même, non par ses atours ; & comme le remarque très-plaisamment un ancien, savez-vous pourquoi vous l’estimez grand ? vous y comptez la hauteur de ses patins ; la base n’est pas de la statue. Mesurez-le sans ses échasses : qu’il mette à part ses richesses & honneurs, qu’il se présente en chemise. A-t-il le corps propre à ses fonctions, sain & alegre ? Quelle ame a-t-il ? est elle belle, capable, & heureusement pourvûe de toutes ses pieces ? est-elle riche du sien ou de l’autrui ? la fortune n’y a elle que voir ? si les yeux ouverts, elle attend les espées traites ; s’il ne lui chaut par où lui sorte la vie, par la bouche ou par le gosier ? si elle est rassise, équable, & contente ? c’est ce qu’il faut voir ». Liv. I. ch. xlij. Les enfans raisonnent plus sensément sur cette matiere : Faites bien, disent-ils, & vous serez roi.

Reconnoissons donc que les alentours n’ont aucune valeur réelle ; concluons ensuite que quoiqu’il soit conforme à la raison d’honorer ceux qui ont intrinsequement une vertu éminente, & qu’on devroit en faire une maxime de droit naturel ; cependant ce devoir considéré en lui même, doit être mis au rang de ceux dont la pratique est d’autant plus loüable, qu’elle est entierement libre. En un mot, pour avoir un plein droit d’exiger des autres du respect, ou des marques d’estime de distinction, il faut, ou que celui de qui on l’exige soit sous notre puissance, & dépende de nous ; ou qu’on ait acquis ce droit par quelque convention avec lui ; ou bien en vertu d’une loi faite ou approuvée par un souverain commun.

C’est à lui qu’il appartient de régler entre les citoyens les degrés de distinction, & à distribuer les honneurs & les dignités ; en quoi il doit avoir toûjours égard au mérite & aux services qu’on peut rendre, ou qu’on a déjà rendu à l’état : chacun après cela est en droit de maintenir le rang qui lui a été assigné, & les autres citoyens ne doivent pas le lui contester. Voyez Considération.

L’estime de distinction ne devroit être ambitionnée qu’autant qu’elle suivroit les belles actions qui tendent à l’avantage de la société, ou autant qu’elle nous mettroit plus en état d’en faire. Il faut être bien malheureux pour rechercher les honneurs par de mauvaises voies, ou pour y aspirer seulement afin de satisfaire plus commodément ses passions. La véritable gloire consiste dans l’estime des personnes qui sont elles-mêmes dignes d’estime, & cette estime ne s’accorde qu’au mérite. « Mais (dit la Bruyere) comme après le mérite personnel ce sont les éminentes dignités & les grands titres, dont les hommes tirent le plus de distinction & le plus d’éclat, qui ne sait être un Erasme, peut penser à être évêque ». Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

* Estime, (Marine.) c’est le calcul que fait le pilote de la route & de la quantité du chemin du vaisseau. La route d’un vaisseau étant, comme elle l’est presque toûjours, oblique au méridien du lieu, il se forme un triangle rectangle dont elle est l’hypothénuse ; les deux autres côtés sont le chemin fait dans le même tems en longitude & en latitude. La latitude est connue par l’observation de la hauteur de quelque astre. On a par la boussole l’angle de la route, avec un côté du triangle ; on a la route en estimant la vîtesse du vaisseau pendant un tems donné, d’où se tire très-aisément la quantité de la longitude.

La difficulté consiste dans l’estime de la vîtesse du vaisseau. Pour l’avoir on jette le loch, piece de bois attachée à une ficelle, que l’on devide à mesure que le vaisseau s’éloigne (Voyez Loch) ; car la mer n’ayant point de mouvement vers aucun endroit, le loch y demeure flotant & immobile, & devient un point fixe par rapport auquel le vaisseau a plus ou moins de vîtesse. Mais cette supposition cesse, si l’on est dans un courant : alors on est exposé à prendre pour vîtesse absolue, ce qui n’est que vîtesse relative ; savoir la différence en vîtesse du loch & du vaisseau. Erreur dangereuse. Cependant quand on auroit les longitudes par l’observation céleste, le ciel se couvrant quelquefois pour plusieurs jours, il en faudroit toûjours venir à la pratique de l’estime & du loch, qui ne sera jamais qu’un tatonnement. Mémoires de l’académ. 1702. Voyez Navigation, &c.

ESTIOLER, (Jard.) On dit d’une plante qu’elle estiole ou s’estiole, quand en croissant elle devient menue & fluette, ce qui est un défaut ; cela arrive aux légumes, quand les graines sont semées trop serrées. (K)

ESTIVE, (Mar.) c’est le juste contre-poids qu’on donne à chaque côté d’un vaisseau, pour balancer sa charge avec tant de justesse, qu’un côté ne pese pas plus que l’autre ; ce qui est nécessaire pour qu’il fille & marche avec plus de facilité.

ESTIRE, s. f. (Corroyeur.) c’est un morceau de fer ou de cuivre, de l’épaisseur de cinq à six lignes, de la largeur de cinq à six pouces, moins large par en-haut que par en-bas. La partie la moins large sert de poignée à l’ouvrier.

Le corroyeur étend, abat le grain de fleur, ou décrasse ses cuirs à l’estire.

L’estire de fer est pour les cuirs noirs : celle de cuivre, pour ceux de couleur qu’on craint de tacher.

* ESTISSEUSES, s. f. (Manuf. en soie.) petites tringles de fer qui retiennent les roquetins & les canons dans les cantres.

ESTISSU, s. m. (Rubaniers.) c’est la même chose que les estisseuses de l’article précédent.

ESTOC, s. m. (Jurisprud.) signifie tronc ou souche commune, dont plusieurs personnes sont issues. Ce mot vient de l’allemand sioc, ou de l’anglo-saxon stocce, qui veut pareillement dire tronc.

On se sert de ce terme en matiere de propres, soit réels ou fictifs, pour exprimer la souche commune d’où sortoit celui qui a possédé le propre.

Dans les coûtumes de simple côté ou de côté & ligne, on confond souvent le terme d’estoc avec celui de côté ; mais dans les coûtumes soucheres, le terme d’estoc s’entend, comme on vient de le dire, pour la souche commune.

La coûtume de Dourdan, qui est du nombre des coûtumes soucheres, explique bien (art. 117.) la différence qu’il y a entre estoc & côté & ligne ; & sont entendus, dit cet article, les plus prochains de l’estoc & ligne, ceux qui sont descendus de celui duquel les héritages sont procédés, & qui les a mis dans la ligne ; & où ils n’en seroient descendus, encore qu’ils fussent parens du défunt de ce côté, ils ne peuvent prétendre les héritages contre les plus prochains lignagers d’icelui défunt, posé qu’ils ne fussent lignagers dudit côté dont les héritages sont procédés. Voyez Renusson, traité des propres, ch. vj. sect. 5. & aux mots Côté, Coutumes soucheres, Ligne, Propres. (A)

Estoc-et-Ligne, (à la Monnoie) les enfans & petits-enfans des monoyeurs, tailleresses, ouvriers ; enfin de ceux qui ont été reçus & qui ont preté serment, sont dits être d’estoc-&-ligne de monnoyage : les aînés ont le droit d’être reçus, en cas de mort ou de résignation, à la place de leurs peres ou meres, selon le sexe & la place. Les cadets ne peuvent avoir