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pensée ; il vouloit dire que toutes sortes de sujets ne méritoient pas l’exercice de son dogme, de ne se fâcher de rien. Voyez Pyrrhonisme, Sceptique.

Doute, (Belles-lettres.) figure de rhétorique par laquelle l’orateur paroît en suspens & indéterminé sur ce qu’il doit dire & faire ; par exemple : Que ferai-je ? aurai-je recours à ces amis que j’ai négligés ? m’adresserai-je à ceux qui m’ont à-présent oublié ?

Il n’y a peut-être jamais eu de doute si marqué & en même tems si singulier, que ce commencement d’une lettre de Tibere au sénat, rapporté par Tacite, livre VI. de ses annales, n°. 6. Quid scribam vobis, P. C. aut quomodo scribam, aut quid omnino non scribam hoc tempore, dii me deæque pejùs perdant, quàm perire quotidiè sentio, si scio. Ce n’étoit pas néanmoins pour faire une figure de rhétorique de propos délibéré, que ce prince écrivoit de la sorte ; ces expressions étoient la vive image de la perplexité, de l’agitation & des remords dont il étoit alors troublé : Adeo, ajoûte l’historien, dont les paroles & la réflexion sont trop belles pour ne mériter pas place ici ; adeo facinora atque flagitia sua ipsi quoque in supplicium verterant : neque frustra præstantissimus sapientiæ firmare solitus est, si reclu dantur tyrannorum mentes, posse aspici laniatus et ictus, quando ut corpora verberibus, ita sævitia, libidine, malis consultis animus dilaceretur. Quippe Tiberium, ajoûte-t-il, non fortuna, non solitudines protegebant quin tormenta pectoris suasque ipse panas fateretur. Le doute & la perplexité sont incontestablement le langage de la nature dans une conscience ainsi bourrelée. (G)

DOUTEUX, INCERTAIN, IRRESOLU, synon. (Gramm.) Douteux ne se dit que des choses ; incertain se dit des choses & des personnes ; irrésolu ne se dit que des personnes, il marque de plus une disposition habituelle & tient au caractere. Exemple : le sage doit être incertain à l’égard des opinions douteuses, & ne doit jamais être irrésolu dans sa conduite. On dit d’un fait légerement avancé, qu’il est douteux ; & d’un bonheur légerement espéré, qu’il est incertain. Ainsi incertain se rapporte à l’avenir, & douteux au passé ou au présent. (O)

Douteux (à la Monnoie) se dit d’un métal ou piece de monnoie dont l’alloi n’est pas bien connu. Toute piece, de quelque métal que ce soit, lorsqu’elle est douteuse, est cisaillée. Voyez Cisailler.

DOUVAIN, s. m. (Œconom. rustiq.) bois à faire des douves. Voyez Douve.

DOUVE, s. f. (Hydraul.) est le mur d’un bassin contre lequel l’eau bat. Il est bâti sur des racinaux de charpente, afin de laisser une communication du corroi du platfond avec celui des côtés. Voyez Construction des bassins au mot Bassin. (K)

Douve, s. f. (Reliure.) c’est une planche dont on se sert pour ôter le tan du dedans des peaux de veau ; c’est une douve de cuvier des plus larges, sur laquelle on étend les veaux ; ainsi on dit la douve à ratisser les veaux. Voyez Planche I. figure 5 de la Reliure. A présent on se sert plus volontiers d’une planche un peu arrondie dans sa longueur.

Douves, terme de tonnelier ; ce sont de petites planches de chêne plus longues que larges, & minces, dont les ouvriers se servent pour fabriquer des tonneaux, barriques, muids, tonnes, & autres ouvrages de leur métier. On les appelle aussi quelquefois des Douelles. Voyez Mairrain.

Douves à oreilles ; ce sont deux douves qui dans les tinettes sont plus longues que les autres, & sont percées d’un trou par l’extrémité qui excede le haut des autres douves de la tinette : ces deux douves sont placées vis-à-vis l’une de l’autre, de maniere à pouvoir passer un bâton par les trous de ces deux douves.

DOWNE, (Géogr. mod.) capitale du comté de Downe, dans la province d’Ulster, en Irlande. Long. 11. 48. lat. 54. 23.

DOUVRES, ou DOVER, (Géogr. mod.) ville maritime d’Angleterre. De ce port à celui de Calais il n’y a que sept lieues. Cette ville est à 23 lieues sud-est de Londres. Lat. 51. 7. 47. long. 18. 58. 57.

DOUX, (Chimie.) le corps doux est une substance particuliere qui constitue une espece dans la classe des corps que les Chimistes appellent muqueux. Voy. Muqueux.

Ces corps doux sont le miel, la pulpe ou le suc de plusieurs fruits, comme de casse, de certains pruneaux, de raisins, de poires, de pommes, &c. le suc de quelques plantes, des cannes à sucre, de toutes les graminées, de celui de quelques racines, comme des bettes blanches & rouges, des panais, &c. les semences farineuses germées, certains sucs concrets ramassés sur les feuilles de quelques arbres, tels que la manne, le sucre de l’érable, &c. le suc tiré par incision du même arbre, celui du palmier, &c. en un mot, toutes les matieres végétales propres à produire sur l’organe du goût la même saveur qu’excitent celles que nous venons de nommer. Nous disons à dessein végétales, parce que les substances animales, dont le goût est le plus analogue à celui des corps doux végétaux, different pourtant sensiblement de ceux-ci, même par la saveur : le lait, par exemple, dont la douceur est passée en proverbe, ne produit pas la saveur douce exquise ou sans mêlange d’autre saveur ; la saveur du lait participe au contraire de deux autres, la fadeur & le gras ou onctueux, pingue. Voyez Saveur.

D’ailleurs ce n’est pas par la saveur douce que les corps doux des Chimistes sont essentiellement caractérisés, mais par une qualité plus intérieure ; savoir, la propriété d’être éminemment propres à la fermentation spiritueuse ; propriété que ne possede point le lait. Voyez Fermentation & Lait.

La saveur du sel ou sucre de saturne & de quelques autres sels ne sauroit les faire ranger non plus parmi les corps doux, dont ils different à tant d’autres titres.

L’analyse par la violence du feu, qui est la seule qu’on ait employée jusqu’à présent à l’examen de la composition des corps doux, ne nous a rien appris sur leur constitution spécifique ; tous les produits qu’on en a retirés par cette voie, sont presque absolument communs à ces corps & à toutes les especes de la classe. Les phénomenes & les produits de la fermentation nous ont éclairé davantage sur cet état spécifique. Voyez Fermentation & Muqueux. (b)

Doux, terme de Métallurgie & de Docimasie. Mine douce, c’est ainsi qu’on appelle une mine aisée à fondre. La mine qui a la qualité contraire, s’appelle rebelle ou refractaire.

Métal doux, c’est-à-dire malléable, ductile, flexible, non cassant ; le métal qui a la qualité opposée, s’appelle aigre. (b)

Doux, (Diete, matiere médicinale & Pharmacie.) On trouve dans les auteurs de Medecine peu de connoissances composées, exactes, sur les qualités des corps doux considérés comme aliment. Ils ont parlé davantage de quelques-uns de ces corps en particulier, comme du miel, du sucre, des fruits, des vins doux, &c. Voyez les articles particuliers.

Les alimens de ce genre ont été cependant accusés en général d’être échauffans, & même caustiques, épaississans, inviscans, bilieux, ennemis de la rate, propres à engendrer des vers, &c. C’est-là l’opinion que l’on en a assez communément, & c’est celle du plus grand nombre de Medecins.

Toutes ces prétentions sont ou fausses ou gratuites, ou pour le moins mal entendues : premierement,