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sans de cette opinion se servoient pour désigner cette propriété prétendue de l’eau, signifie, non un principe purement méchanique & physique, mais une cause efficiente & primitive. Mais il ne s’agit point ici de ce que les philosophes anciens ou modernes ont pensé ou rêvé sur cette matiere ; il s’agit de recueillir les faits les plus certains, & les propriétés physiques de l’eau les mieux connues.

On peut distinguer trois sortes d’eaux : eau de pluie, qui forme les mares, les citernes, & plusieurs lacs : eau de source, qui forme les fontaines, les puits, les rivieres, &c. eau de mer, qui est bitumineuse, amere, salée, & impotable. De cette division, il s’ensuit que l’eau n’est jamais absolument pure. L’eau de pluie même, en traversant l’air, & l’eau de source en traversant les terres, se chargent nécessairement d’une infinité de parties hétérogenes. Voyez Eaux minérales. L’eau la plus pure est celle qui coule à-travers un sable bien net & sur des caillous. Ce sont les particules hétérogenes dont l’eau est remplie, qui se combinant avec les particules de certains corps, ou s’insinuant dans leurs pores, changent ces corps en pierre, le fer en cuivre, &c. Il y a lieu de croire que l’eau de mer contient quelque chose de plus que du sel ; car en jettant du sel dans de l’eau commune, on n’en fera jamais d’eau de mer. On purifie l’eau de diverses manieres ; par filtration ou colature, voyez ces mots ; par congelation, parce que tout ce qu’il y a de spiritueux dans l’eau ne se gele pas, & que la gelée sépare de l’eau la plus grande partie des corps hétérogenes qui s’y trouvent ; par l’évaporation, qui éleve les parties aqueuses, & laisse tomber en-embas les parties grossieres ; par clarification, en y mêlant des corps visqueux, comme des jaunes d’œuf, du lait, &c.

Si on met de l’eau pure dans des boules de métal que l’on soude ensuite, & qu’on veuille comprimer ces boules avec une presse, ou les applatir à coups de marteau, on trouvera que l’eau ne peut être condensée, mais qu’elle suinte en forme de rosée par les pores du métal : c’est-là le phénomene si connu qui prouve l’incompressibilité de l’eau. On peut conclure de-là, selon M. Musschenbrock, que les particules de l’eau sont fort dures : ce que le même physicien prouve encore par la douleur qu’on sent en frappant vivement la surface de l’eau avec la main, & par l’applatissement des balles de fusil tirées dans l’eau.

Les parties de l’eau ont entr’elles beaucoup d’adhérence ; voyez Adhérence, Cohésion, & les mém. de l’ac. de 1731 : c’est pour cela que des feuilles de métal appliquées sur la surface de l’eau, ne descendent point, parce que la résistance des particules de l’eau à être divisées, est plus grande que l’excès de pesanteur spécifique de ces feuilles sur celle d’un pareil volume d’eau. M. Musschenbroek, article 607 de son essai de physique, rapporte une expérience qui prouve qu’un morceau de bois d’un pouce quarré, est attiré par l’eau avec une force de 50 grains.

La pesanteur spécifique de l’eau est à celle de l’or, comme 1000 est à 19640, ou environ comme un à 19 . Mais l’eau est un peu plus pesante d’environ en hyver, qu’en été ; parce qu’en général la chaleur raréfie les corps. Voyez Chaleur, Dilatation, &c. De-là il s’ensuit que l’eau a beaucoup plus de pores que de matiere propre, au moins dans le rapport de 20 à 1, & probablement beaucoup au-delà. Voyez Pore, &c.

Les particules de l’eau, quoique très-fines, puisqu’elles pénetrent les métaux, ne peuvent presque pénétrer le verre. A l’égard du degré de finesse de ces parties & de leur figure, c’est ce que les Philosophes ne peuvent, & peut-être ne pourront jamais déterminer. L’eau échauffée se raréfie de la vingt-sixieme partie de son volume, à compter du point d’où

elle commence à se geler, jusqu’à ce qu’elle soit bouillante. Bacon a prétendu que l’eau bouillie s’évapore moins que celle qui ne l’est pas. L’eau s’évapore moins que l’eau-de-vie, mais plus que le mercure ; & l’eau courante, moins que l’eau dormante. La vapeur de l’eau échauffée a une grande vertu élastique. Voyez les mots Eolipile, Digesteur, Ebullition, Feu, Vapeur, &c. Voyez aussi Machines hydrauliques, & Pompe. On trouve même que cette vapeur a une force supérieure à celle de la poudre à canon : c’est ce que M. Musschenbroeck prouve par une expérience, rapportée §. 873 de son essai de physique ; 140 livres de poudre ne font sauter que 30000 livres pesant ; au lieu qu’avec 140 livres d’eau changée en vapeur, on peut élever 77000 livres. Plus la vapeur est chaude, plus elle a de force. La cause de ce phénomene, ainsi que de beaucoup d’autres, nous est entierement inconnue. La vapeur de l’eau, quoique comprimée par le poids de l’atmosphere, ne laisse pas de se dilater au point d’occuper un espace 14000 fois plus grand que celui qu’elle occupoit, & par conséquent elle se dilate bien plus que la poudre, puisque cette derniere, suivant les observations les plus favorables à sa raréfaction, ne se raréfie que 4000 fois au-delà de son volume. Il ne faut donc pas s’étonner si la vapeur de l’eau s’insinue si aisément dans les pores des corps. Sur les phénomenes de l’ébullition de l’eau, voyez Ebullition.

Lorsqu’on a pompé l’air de l’eau, si on y remet une bulle d’air, l’eau l’absorbe bien vîte ; elle absorbera de même une seconde bulle, & ainsi de suite, jusqu’à ce qu’elle soit tout-à-fait imprégnée d’air= mais cet air ne se change jamais en eau, puisqu’on peut toûjours l’en retirer : comme aussi l’eau ne donne jamais d’autre air que celui qui s’y trouvoit, ou qu’on y a mis. Il se trouve dans notre atmosphere divers fluides élastiques, qui s’insinuent aussi dans l’eau. L’eau pleine d’air ou sans air, est à peu-près de la même pesanteur spécifique ; mais l’eau pleine d’air est seulement un peu plus raréfiée : d’où M. Musschenbroeck conclut que l’air enfermé dans l’eau, est à peu-près aussi dense que l’eau. Sur les phénomenes chimiques de l’eau, voyez la suite de cet article ; voyez aussi Dissolution, Evaporation, &c.

L’eau éteint le feu, selon M. Musschenbroeck, parce que les corps ne brûlent qu’au moyen de l’huile qu’ils renferment, que l’huile brûlante a une chaleur de plus de 600 degrés, & que l’eau ne pouvant avoir une chaleur de plus de 212 degrés, n’en peut communiquer à l’huile. Il en rapporte encore d’autres raisons, qu’on peut voir dans son ouvrage, & que nous ne prétendons point garantir ; d’autant plus que l’eau jettée en petite quantité sur un grand feu, l’augmente au lieu de l’éteindre ; & qu’il y a des corps en feu, comme la poix, l’huile, &c. qu’on ne peut refroidir par le moyen de l’eau.

Sur les phénomenes de l’eau glacée, voyez Congelation, Glace, Gelée, & Dégel.

M. Mariotte prétend que l’état naturel de l’eau est d’être glacée, parce que la fluidité de l’eau vient du mouvement d’une matiere étrangere qui agite les parties de l’eau, & que le repos de cette matiere produit la glace. Il faudroit pour que cette raison fût bonne, 1°. que l’on connût bien certainement la cause de la congelation, 2° que le repos fût un état plus naturel aux corps que le mouvement. Voy. l’essai de physique de M. Musschenbroeck, d’où nous avons extrait la plus grande partie de cet article. (O)

Eau, (Hydraul.) L’eau, de même que les autres liqueurs, se tient de niveau dans quelque position