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car il est très-peu d’eaux communes qui ne précipitent cette dissolution.

Eau-mere : on appelle ainsi, en Chimie, une liqueur saline inconcrescible, qui se trouve mêlée aux dissolutions de certains sels, & qui est le résidu de ces dissolutions épuisées du sel principal par des évaporations & des crystallisations répetées. Les eaux-meres les plus connues sont celle du nitre, celle du sel marin, celle du vitriol, & celle du sel de seignette. Voyez Nitre, Sel marin, Vitriol, Sel de Seignette.

Eau de Mille-fleurs, (Pharmac.) on appelle ainsi l’urine de vache, aussi-bien que l’eau que l’on retire par la distillation de la bouse de cet animal. Voyez Vache.

Eau phagedenique : prenez une livre d’eau premiere de chaux récente, trente grains de mercure sublimé corrosif, mêlés & agités dans un mortier de marbre : c’est ici un sel mercuriel précipité. Voyez Mercure.

Eau de Rabel, ainsi nommée du nom de son inventeur, qui la publia vers la fin du dernier siecle.

Prenez quatre onces d’huile de vitriol, & douze onces d’esprit de vin rectifié ; versez peu-à-peu dans un matras l’acide sur l’esprit-de-vin, en agitant votre vaisseau, & gardez votre mélange dans un vaisseau fermé, dans lequel vous pouvez le faire digérer à un feu doux.

L’eau de Rabel est l’acide vitriolique dulcifié. Voyez Acide vitriolique, au mot Vitriol.

Eau régale : le mélange de l’acide du nitre & de celui du sel marin, est connu dans l’art sous le nom d’eau régale. Voyez Régale (Eau.)

Eau saphirine, Eau bleue, ou Collyre bleu, (Pharm. & mat. med. externe.) Collyre, c’est-à-dire remede externe ou topique, destiné à certaines maladies des yeux. Voyez Collyre, Topique, Maladie des yeux, sous le mot Œil.

En voici la préparation, d’après la pharmacopée universelle de Lemery.

Prenez de l’eau de chaux vive filtrée, une chopine ; de sel ammoniac bien pulverisé, une dragme : l’une & l’autre mêlés ensemble, seront jettés dans un vaisseau de cuivre, dans lequel on les laissera pendant la nuit ; après quoi on filtrera la liqueur, qui sera gardée pour l’usage.

L’eau saphirine n’est autre chose qu’une eau chargée d’une petite quantité d’huile de chaux, & d’un peu d’alkali volatil, coloré par le cuivre qu’il a dessous. Voyez Sel ammoniac & Cuivre.

Cette eau est un collyre irritant, tonique & dessiccatif. Voyez les cas particuliers dans lesquels il convient, à l’article Maladie des yeux, sous le mot Œil.

Eau verte ou Eau seconde : les ouvriers qui s’occupent du départ des matieres d’or & d’argent, appellent ainsi l’eau-forte chargée du cuivre qu’on a employé à en précipiter l’argent. Voyez Départ.

Eau-de-vie, produit immédiat de la distillation ordinaire du vin. Voyez Vin.

Eau vulnéraire, V. Vulnéraire, (Eau). (b)

Eau-de-vie, (Art méchan.) fabrication d’eau-de-vie. La chaudiere dont on se sert pour cette distillation, est un vaisseau de cuivre en rond, de la hauteur de deux piés & demi, & de deux piés de diametre ou environ, dont le haut se replie sur le dedans en talus montant, comme si elle devoit être entierement fermée, & où pourtant il y a une ouverture de neuf à dix pouces de diametre, avec un rebord de deux pouces ou à-peu-près : on appelle l’endroit où la chaudiere se replie avec son rebord, le collet. Cette chaudiere contient ordinairement quarante veltes, à huit pintes de Paris la velte. Cette mesure est différente en bien des endroits où l’on fa-

brique de l’eau-de-vie. Il y a des chaudieres plus

grandes & plus petites.

Cette chaudiere est placée contre un mur, à un pié d’élévation du sol de la terre, dans une maçonnerie de brique jointe avec du mortier de chaux & de sable, ou de ciment, qui la joint & la couvre toute entiere jusqu’au bord du tranchant du collet, sauf le fond qui est découvert. Cette chaudiere est soûtenue dans cette maçonnerie par deux ou trois ances de cuivre, longues chacune de cinq pouces, & d’un pouce d’épaisseur, qui sont adhérantes à la chaudiere. Cette maçonnerie prend depuis le sol de la terre ; & le vuide qui reste depuis le sol de la terre jusqu’à la chaudiere, s’appelle le fourneau. Ce fourneau a deux ouvertures, l’une dans le devant, & l’autre au fond : celle du devant est de la hauteur du fourneau, & d’environ dix à onze pouces de large : c’est par-là qu’on fait entrer le bois sous la chaudiere. L’ouverture du fond est large d’environ quatre pouces en quarré ; elle s’éleve dans une cheminée faite exprès, par où s’échappe la fumée. Il y a à chacune de ces ouvertures, une plaque de fer que l’on ôte & que l’on replace au besoin, pour modérer l’action du feu : on en parlera ci-après.

C’est cette chaudiere qui contient le vin, où il boût par l’action du feu que l’on entretient dessous. On ne remplit pas en entier la chaudiere de vin, parce qu’il faut laisser un espace à l’élévation du vin, quand il boût, afin qu’il ne surmonte pas au-dessus de la chaudiere. L’ouvrier (que l’on nomme un brûleur, ce sont ordinairement des tonneliers) qui travaille à la conversion du vin en eau-de-vie, fait l’espace qu’il doit laisser vuide pour l’élévation du vin bouillant. La plûpart de ces brûleurs, pour connoître ce vuide, appliquent leurs bras au pli du poignet sur le tranchant du bord de la chaudiere, & laissent pendre leur main ouverte & les doigts étendus dans la chaudiere ; & lorsqu’ils touchent du bout du doigt le vin qui est dans la chaudiere, il y a assez de vin, & il n’y en a pas trop.

Ce vuide est toûjours ménagé, quoiqu’on mette autre chose que du vin dans la chaudiere ; car il faut savoir qu’après la bonne eau-de-vie tirée, il reste une quantité d’autre eau-de-vie (qu’on appelle seconde), qui n’a presque pas plus de force ni de goût que si on mêloit dans de bonne eau-de-vie d’eau commune ; dans laquelle seconde pourtant il y a encore une partie de bonne eau-de-vie que l’on ne veut pas perdre, & que l’on retire en la faisant bouillir une seconde fois avec de nouveau vin dans la chaudiere : on appelle cette seconde fois, une seconde chauffe ou une double chauffe, parce qu’ordinairement on remet dans la chaudiere tout ce qui est venu de la premiere chauffe, soit bonne eau-de-vie ou seconde ; ainsi il faut moins de vin à cette double chauffe qu’à la premiere. Il y a des gens qui à toutes les chauffes mettent à part la bonne eau-de-vie qui en vient : on appelle cela lever à toutes les chauffes. Pour la seconde chauffe ils ne mettent que la seconde qui est venue de la premiere chauffe : il y a quelquefois jusqu’à 60 ou 70 pintes de seconde, plus ou moins, suivant la qualité du vin. On dira ci-après comment on connoît qu’il n’y a plus d’esprit dans ce qui vient de la chaudiere, & que ce qui y reste n’est bon qu’à être jetté dehors.

Lorsque la chaudiere est remplie jusqu’où elle doit l’être, on met du feu sous le fourneau ; on se sert d’abord de bois fort combustible, comme du sarment de vigne, du bouleau ou autre menu bois, qui donnant plus de flamme que le gros bois, a une chaleur plus vive : on en met sous le fourneau, & on l’y entretient toûjours vif, autant qu’il en faut pour faire bouillir cette chaudiere ; on appelle cela, en termes de l’art, mettre en train. Quand la chaudiere