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ras & les engorgemens qu’elle formera, ne seront pas fort considérables : il en résultera une crasse farineuse, comme dans ce que nous nommons peignes secs. Est-elle chargée de beaucoup de parties sulphureuses, qui par l’évaporation de ce qu’il y avoit de plus tenu & de plus aqueux, s’unissent & se dessechent, & ses sels sont-ils fortement embarrassés & émoussés par ces parties ? elle produira des croûtes : c’est ce que nous voyons dans les arrêtes ou queues de rat crustacées. Enfin est-elle imprégnée de beaucoup de sels dont l’action se développe, attendu le peu de parties sulphureuses qu’elle contient, & qui seules pourroient y former obstacle ? elle déchirera, elle rongera le tissu de la partie où elle sera arrêtée, les houpes nerveuses & les petits vaisseaux cutanés, corrodés ; l’animal ressentira ou des douleurs ou des picotemens incommodes : il en découlera une sanie plus ou moins épaisse, & plus ou moins fœtide : & telle est celle qui suinte dans la maladie qui fait l’objet de cet article, dans les arrêtes humides, dans les peignes avec écoulement, & dans toutes les autres affections qui ne partent que d’une seule & même source. Que si d’un autre côté ces maladies auxquelles non-seulement le vice de la lymphe, mais encore l’obstruction des tuyaux excrétoires donnent lieu, ont été simplement occasionnées par des causes externes, capables de favoriser cette obstruction, elles seront plus aisément vaincues ; & ces causes externes n’étant que la crasse, la boue, & d’autres matieres irritantes, il s’ensuit que nous pouvons placer, sans crainte de nous égarer, les porreaux & les javarts dans la même catégorie, soit que nous les envisagions comme ayant leur principe dans l’intérieur, soit que nous les considérions comme provenant de l’extérieur. Du reste, s’il y a cause externe & cause interne tout ensemble, le mal sera plus rebelle : mais le succès ne sauroit en être douteux. J’avoue cependant que les eaux ont été quelquefois suivies de maux extremement dangereux, comme de fics, ou crapauds, de javarts encornés, &c. Mais cet évenement n’a rien d’étonnant, lorsque l’on considere que toutes les maladies qui ont jusqu’ici extérieurement attaqué l’animal, n’ont été combattues qu’avec des remedes externes, comme si la cause ne résidoit pas dans l’intérieur : or s’attacher simplement à dessécher des eaux, des solandres, des crevasses, &c. c’est pallier le mal, c’est négliger d’aller à son principe, c’est détourner seulement, & jetter sur d’autres parties l’humeur, qui ne peut acquérir que des degrés de perversion, capables de susciter des maladies véritablement funestes.

On doit débuter dans le traitement de celle-ci, par les remedes généraux, & non par l’application des dessiccatifs, plûtôt nuisibles dans les commencemens, que salutaires ; il faut conséquemment pratiquer une legere saignée à la jugulaire ; le même soir du jour de cette saignée, donner à l’animal un lavement émollient, afin de le disposer au breuvage purgatif qu’on lui administrera le lendemain matin, & dans lequel on n’oubliera point de faire entrer l’aquila alba, ou le mercure doux. Selon les progrès du mal, on réitérera le breuvage, que l’on fera toûjours précéder par le lavement émollient. Le cheval suffisamment évacué, on le mettra à l’usage du crocus metallorum, donné chaque matin dans du son (car on lui retranchera l’avoine) à la dosé de demi-once, dans laquelle on mêlera d’abord trente grains d’æthiops minéral fait sans feu, que l’on augmentera chaque jour de cinq grains jusqu’à la dose de soixante ; on continuera le crocus & l’æthiops à cette même dose de soixante grains, encore sept ou huit jours, plus ou moins, selon les effets de ces médicamens : effets dont on jugera par l’inspection des parties, sur lesquelles le mal avoit établi son siége. La tisane des

bois est encore, dans ces sortes de cas, d’un très grand secours ; on fait bouillir de salsepareille, squine, sassafras, gayac, égale quantité, c’est-à-dire trois onces de chacun, dans environ quatre pintes d’eau, jusqu’à réduction de moitié ; on passe cette décoction ; on y ajoûte deux onces de crocus metallorum ; on remue, & l’on agite bien le tout ; on humecte le son que l’on présente le matin à l’animal, avec une chopine de cette tisane que l’on charge plus ou moins proportionnément au besoin & à l’état du malade ; & si le cheval refusoit cet aliment ainsi détrempé, on lui donneroit la boisson avec la corne. La poudre de vipere n’est pas d’une moins grande ressource : on prend des viperes desséchées, on les pulvérise, & l’on jette la poudre d’une vipere entiere, chaque jour, dans le son. Souvent elle répugne au cheval : alors on la mêle avec du miel, & l’on en fait plusieurs pilules, que l’on fait avaler à l’animal.

Quant aux remedes qu’il convient d’employer extérieurement, on ne doit jamais en tenter l’usage, que lorsque l’animal a été suffisamment évacué, & qu’on l’a tenu quelques jours à celui du crocus & de l’æthiops, ou de la tisane, ou des viperes. Jusque-là il suffit de couper le poil, dégraisser la partie malade, & il est important de laisser fluer la matiere morbifique ; mais une partie de cette même matiere s’étant échappée au moyen des purgatifs, & par les autres médicamens qui ont provoqué une plus abondante secrétion de l’humeur perspirable, il est tems alors d’en venir aux remedes externes : ceux-ci ne peuvent être suggérés que par le plus ou le moins de malignité des symptomes qui se manifestent au-dehors. Il est rare qu’après l’administration des médicamens que j’ai prescrits, ils se montrent tels qu’on les a vûs ; souvent l’enflûre est dissipée, la partie se desseche d’elle-même, & il ne s’agit alors que de la laver avec du vin chaud, & de la maintenir nette & propre : quelquefois aussi on apperçoit encore un leger écoulement : dans cette circonstance il s’agit de substituer au vin dont on se servoit, de l’eau-de-vie & du savon ; & si le flux est plus considérable, on bassinera l’extrémité affectée avec de l’eau, dans laquelle on aura fait bouillir de la couperose blanche & de l’alun, ou avec de l’eau seconde ; & l’on ne craindra pas de repurger l’animal, qui parviendra à une entiere guérison sans le secours de cette foule de recettes d’eaux, d’emmiellures, & d’onguens, vainement prescrits par M. de Soleysel, & par Gaspard Saunier.

J’ai observé qu’il peut arriver que la liaison du sabot & de la couronne commence à se détruire : alors on desséchera les eaux à cet endroit seul, en y mettant de l’onguent pompholix, & on les laissera fluer par-tout ailleurs, jusqu’au moment où on pourra recourir aux remedes externes que j’ai recommandés. Il peut se faire aussi qu’ensuite des érosions & des plaies faites conséquemment à la grande acrimonie de l’humeur, les chairs surmontent : alors on se servira de legers caustiques, que l’on mêlera avec de l’ægyptiac pour les consumer, & on suivra dans le traitement la même méthode que dans celui des plaies ordinaires.

Les eaux qui endommagent quelquefois la queue, qui occasionnent la chûte des crins dont le tronçon est garni, & qui en changent la couleur, doivent être regardées comme une humeur dartreuse, contre laquelle on procédera en employant les remedes avec lesquels on a combattu les autres eaux. Cette sorte de dartre qui reconnoît les mêmes causes, est quelquefois tellement opiniâtre, que je n’ai pû la dissiper qu’en frottant tout le tronçon dont j’avois fait couper les crins avec l’onguent napolitain, après néanmoins avoir administré intérieurement les remedes généraux & spécifiques.