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ceux-ci quelques-uns étoient ingenus, c’est-à-dire libres ; la plûpart des autres étoient serfs comme une grande partie du peuple ; plusieurs des évêques qui dégraderent Louis le Débonnaire avoient été serfs.

Sous la premiere race de nos rois, les ecclésiastiques ne faisoient point au roi des dons à part, comme la noblesse & le peuple en faisoient chaque année ; ils contribuoient néanmoins de plusieurs autres manieres à soûtenir les charges de l’état.

Nos rois les exempterent à la vérité, d’une partie des charges personnelles ; mais les terres de l’Eglise demeurerent sujettes aux charges réelles.

Il y avoit même des tributs ordinaires, auxquels les ecclésiastiques étoient sujets comme les laïcs.

Grégoire de Tours rapporte que Theodebert roi d’Austrasie, petit-fils de Clovis, déchargea les églises d’Auvergne de tous les tributs qu’elles lui payoient : il fait aussi mention que Childebert roi du même pays, & petit-fils de Clotaire premier, affranchit pareillement le clergé de Tours de toutes sortes d’impôts.

Clotaire I. ordonna, en 568 ou 560, que les ecclésiastiques payeroient le tiers de leur revenu ; tous les évêques y souscrivirent, à l’exception d’Injuriosus évêque de Tours, dont l’opposition fit changer le roi de volonté.

Pasquier & autres auteurs remarquent aussi que Charles Martel prit une partie du temporel des églises, & sur-tout de celles qui étoient de fondation royale, pour récompenser la noblesse françoise qui lui avoit aidé à combattre les Sarrasins. Les ecclésiastiques contribuerent encore de son tems, pour la guerre qu’il préparoit contre les Lombards. Loiseau tient que cette levée fut du dixieme des revenus ; & quelques-uns tiennent que ce fut là l’origine des décimes ; mais on la rapporte plus communément au tems de Philippe Auguste, comme on l’a dit ci-devant au mot Décimes.

Sous la seconde race de nos rois, les ecclésiastiques ayant été admis dans les assemblées de la nation, offroient au roi tous les ans un don, comme la noblesse & le peuple.

Il y avoit même une taxe sur le pié du revenu des fiefs-aleux & autres héritages que chacun possedoit. Les historiens en font mention sous les années 826 & suivantes.

Fauchet dit qu’en 833 Lothaire reçut à Compiegne les présens que les évêques, les abbés, les comtes, & le peuple faisoient au roi tous les ans ; que ces présens étoient proportionnés au revenu de chacun : Louis le Débonnaire les reçut encore des trois ordres à Orléans, Worms, & Thionville en 835, 836, & 837.

Le roi tiroit quelquefois des grands seigneurs & des évêques certaines subventions de deniers, & les autorisoit ensuite à y faire contribuer ceux qui leur étoient subordonnés ; ainsi les seigneurs faisoient des levées sur leurs vassaux & censitaires, & les évêques sur les curés & autres bénéficiers de leur diocèse ; c’est sans doute de-là, que dans un concile de Toulouse, tenu en 846, on trouve que chaque curé étoit tenu de fournir à son évêque une certaine contribution, consistante en un minot de froment & un minot d’orge, une mesure de vin, & un agneau, le tout évalué deux sols ; & l’évêque avoit le choix de le prendre en argent ou en nature.

L’empereur Charles le Chauve fit en outre, en 877, une levée extraordinaire de deniers, tant sur les ecclésiastiques que sur les laïcs, à l’occasion de la guerre qu’il entreprit à la priere de Jean VIII. contre les Sarrasins, qui ravageoient les environs de Rome & de toute l’Italie. Fauchet dit que les évêques levoient sur les prêtres, c’est-à-dire sur les curés & autres bénéficiers de leur diocèse, cinq sous d’or pour les plus riches, & quatre deniers d’argent pour les

moins aisés ; que tous ces deniers étoient remis entre les mains des gens commis par le roi : on prit même quelque chose du thrésor des églises pour payer cette subvention, laquelle paroît être la seule de cette espece qui ait été levée sous la seconde race.

On voit aussi par les actes d’un synode, tenu à Soissons en 853, que les rois faisoient quelquefois des emprunts sur les fiefs de l’Eglise : en effet, Charles le Chauve, qui fut présent à ce synode, renonça à faire ce que l’on appelloit præsturias, c’est-à-dire de ces sortes d’emprunts, ou du moins des fournitures, devoirs, ou redevances, dont les fiefs de l’Eglise étoient chargés.

Les voyages d’outre-mer qui se firent pour les croisades & guerres saintes, furent proprement la source des levées, auxquelles on donna peu de tems après le nom de décimes.

Le premier & le plus fameux de ces voyages, fut celui qui se fit sous la conduite de Godefroi de Bouillon en 1096 ; les ecclésiastiques s’empresserent comme les autres ordres de contribuer à cette sainte expédition.

Louis le Jeune le premier de nos rois qui se croisa, lorsqu’il partit en 1147, fit une levée de deniers sur les ecclésiastiques pour la dispense qu’il leur accorda de faire ce voyage. Ce fait est prouvé par trois pieces que rapporte Duchesne : 1°. un titre de l’abbaye de S. Benoit-sur-Loire, qui porte que cette abbaye fut d’abord taxée à 1000 marcs d’argent, ensuite à 500 ; qu’ensuite on s’accorda à 300 marcs & 500 besans d’or : 2°. par une lettre d’un abbé de Ferriere à l’abbé Suger, alors regent du royaume en l’absence de Louis le Jeune, ou cet abbé demande du tems pour payer le restant de sa taxe : 3°. une autre lettre du chapitre & des habitans de Brioude à Louis le Jeune, où ils parlent d’une couronne qu’ils avoient mise en gage pour payer au roi ce qu’ils lui avoient promis.

Une chronique de l’abbaye de Morigny nous apprend encore, qu’Eugene III. étant arrivé en France lorsque le roi étoit sur le point de partir pour la Terre sainte, les églises du royaume firent tous les frais de son séjour, qui fut fort long, puisque le premier Avril 1148 il tint un concile à Reims.

Il n’est point fait mention d’aucune autre subvention extraordinaire fournie par les ecclésiastiques, jusqu’à la dixme ou décime saladine sous Philippe Auguste, depuis lequel les subventions fournies par le clergé ont été appellées décimes, dons gratuits, & subventions, comme on l’a expliqué aux mots Décimes & Dons gratuits, & qu’on le dira au mot Subvention.

Outre les redevances & subventions que les ecclésiastiques payoient en argent, dès le commencement de la monarchie, ils devoient aussi au roi le droit de gîte ou procuration, & le service militaire.

Le droit de gîte consistoit à nourrir le roi & ceux de sa suite, quand il passoit dans quelque lieu où des ecclésiastiques séculiers ou réguliers avoient des terres ; ils étoient aussi obligés de recevoir ceux que le roi envoyoit de sa part dans les provinces, & les ambassadeurs.

A l’égard du service militaire, ils le devoient comme sujets & comme propriétaires de biens fonds, long tems avant que l’on connût en France l’usage des fiefs & du service dû par les vassaux.

Hugues abbé de S. Bertin, l’un des fils de Charlemagne, qui étoit général de l’armée de Charles le Chauve son oncle, fut tué dans la bataille qu’il donna près de Toulouse le 7 Juin 844.

Abbon, parlant du siége de Paris par les Normans, dit qu’Ebolus abbé de Saint-Germain-des-Prez, alloit à la guerre avec Golenus évêque de Paris.

Lorsque les ecclésiastiques devinrent possesseurs de