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21. Les démons ne sont point perceptibles soit à la vûe soit au toucher. Les dieux sont plus forts que tout obstacle matériel. Les dieux gouvernent le ciel, l’univers & toutes les puissances secretes qui y sont renfermées. Les démons n’ont l’administration que de quelques portions qui leur ont été abandonnées par les dieux. Les démons sont alliés & presque inséparables des êtres qui leur ont été concedés. Les dieux dirigent les corps, sans leur être présens. Les dieux commandent. Les démons obéissent, mais librement.

22. La génération des démons est le dernier effort de la puissance des dieux : les héros en sont émanés comme une simple conséquence de leur existence vivante ; il en est de même des ames. Les démons ont la faculté génératrice ; c’est à eux que le soin d’unir les ames aux corps a été remis. Les héros vivifient, inspirent, dirigent, mais n’engendrent point.

23. Il a été donné aux ames, par une grace spéciale des dieux, de pouvoir s’élever jusqu’à la sphere des anges. Alors elles ont franchi les limites qui leur étoient prescrites par leur nature. Elles la perdent ; & prennent celle de la nouvelle famille dans laquelle elles ont passé.

24. Les apparitions des dieux sont analogues à leurs essences, puissances & opérations. Ils se montrent toûjours tels qu’ils sont. Ils ont leurs signes propres, leurs caracteres & leurs mouvemens distinctifs, leurs formes phantastiques particulieres ; & le phantôme d’un dieu n’est point celui d’un démon, ni le phantôme d’un démon celui d’un ange, ni le phantôme d’un ange celui d’un archange, & il y a des spectres d’ames de toutes sortes de caracteres. L’aspect des dieux est consolant ; celui des archanges, terrible ; celui des anges, moins sévere ; celui des héros, attrayant ; celui des démons, épouvantable. Il y a dans ces apparitions encore une infinité d’autres variétés, relatives au rang de l’être, à son autorité, à son génie, à sa vîtesse, à sa lenteur, à sa grandeur, à son cortége, à son influence… Jamblique détaille toutes ces choses avec l’exactitude la plus minutieuse, & nos Naturalistes n’ont pas mieux vû les chenilles, les mouches, les pucerons, que notre philosophe éclectique, les dieux, les anges, les archanges, les démons, & les génies de toutes les especes qui voltigent dans le monde intelligible & dans le monde sensible. Si l’on commet quelque faute dans l’évocation théurgique, alors on a un autre spectre que celui qu’on évoquoit. Vous comptiez sur un dieu, & c’est un démon qui vous vient. Au reste, ce n’est point la connoissance des choses saintes qui sanctifie. Tout homme peut se sanctifier ; mais il n’est donné d’évoquer les dieux qu’aux Théurgistes, aux hommes merveilleux qui tiennent dans leurs mains le secret des deux mondes.

25. La prescience nous vient d’en-haut ; elle n’a rien en soi ni d’humain ni de physique. Il n’en est pas ainsi de la révélation. C’est une voix foible qui se fait entendre à nous, sur le passage de la veille au sommeil. Cela prouve que l’ame a deux vies ; l’une unie avec le corps, l’autre séparée. D’ailleurs, comme sa fonction est de contempler, & qu’elle contient en elle la raison de tous les possibles, il n’est pas surprenant que l’avenir lui soit connu. Elle voit les choses futures dans leurs raisons préexistantes. Si elle a reçû des Dieux une pénétration sublime, un pressentiment exquis, une longue expérience, la facilité d’observer, le discernement, le génie, rien de ce qui a été, de ce qui est, & de ce qui sera n’échappera à sa connoissance.

26. Voici les vrais caracteres de l’enthousiasme divin. Celui qui l’éprouve est privé de l’usage commun de ses sens ; sa veille ne ressemble point à celle

des autres hommes ; son action est extraordinaire ; il ne se possede plus ; il ne pense plus & ne parle plus par lui-même ; la vie qui l’environne est absente pour lui ; il ne sent point l’action du feu, ou il n’en est point offensé ; il ne voit ni ne redoute la hache levée sur sa tête ; il est transporté dans des lieux inaccessibles, il marche à-travers la flamme ; il se promene sur les eaux &c… Cet état est l’effet de la divinité qui exerce tout son empire sur l’ame de l’enthousiaste, par l’entremise des organes du corps ; il est alors le ministre d’un dieu qui l’obsede, qui l’agite, qui le poursuit, qui le tourmente, qui en arrache des voix, qui vit en lui, qui s’est emparé de ses mains, de ses yeux, de sa bouche, & qui le tient élevé au-dessus de la nature commune.

27. On a consacré la Poésie & la Musique aux dieux. En effet, il y a dans les chants & dans la versification, toute la variété qu’il convient d’introduire dans les hymnes qu’on destine à l’évocation des dieux. Chaque dieu a son caractere. Chaque évocation a sa forme & exige sa mélodie. L’ame avoit entendu l’harmonie des cieux, avant que d’être exilée dans un corps. Si quelques accens analogues à ces accens divins, dont elle ne perd jamais entierement la mémoire, viennent à la frapper, elle tressaillit, elle s’y livre, elle en est transportée. Jamblique se précipite ici dans toutes les especes de divinations, sotises magnifiques à-travers lesquelles nous n’avons pas le courage de le suivre. On peut voir dans cet auteur ou dans l’histoire critique de la philosophie de M. Brucker, toutes les rêveries de l’Eclectisme théologique, sur la puissance des dieux, sur l’Illumination, sur les invocations, la magie, les prêtres, & la nécessité de l’action de la fumée des victimes sur les dieux, &c.

28. La justice des dieux n’est point la justice des hommes. L’homme définit la justice sur des rapports tirés de sa vie actuelle & de son état présent. Les dieux la définissent relativement à ses existences successives & à l’universalité de nos vies.

29. La plûpart des hommes n’ont point de liberté, & sont enchaînés par le destin, &c.

Principes de la Théogonie éclectique. 1. Il est un Dieu de toute la nature, le principe de toute génération, la cause des puissances élémentaires, supérieur à tous les dieux, en qui tout existe, immatériel, incorporel, maître de la nature, subsistant de toute éternité par lui-même, premier, indivisible & indivisé, tout par lui-même, tout en lui-même, antérieur à toutes choses, même aux principes universaux & aux causes générales des êtres, immobile, renfermé dans la solitude de son unité, la source des idées, des intelligibles, des possibilités, se suffisant, pere des essences & de l’entité, antérieur au principe intelligible. Son nom est Noetarque.

2. Emeth est après Noetarque ; c’est l’intelligence divine qui se connoît elle-même, d’où toutes les intelligences sont émanées, qui les ramene toutes dans son sein, comme dans un abysme ; les Egyptiens plaçoient Eicton avant Emeth ; c’étoit la premiere idée exemplaire ; on adoroit Eicton par le silence.

3. Après ces dieux, viennent Amem, Ptha & Osiris, qui président à la génération des êtres apparens, dieux conservateurs de la sagesse, & ses ministres dans les tems où elle engendroit les êtres & produisoit la force secrete des causes.

4. Il y a quatre puissances mâles & quatre puissances femelles au-dessus des élémens & de leurs vertus. Elles résident dans le soleil. Celle qui dirige la nature dans ses fonctions génératrices a son domicile dans la lune.