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la Lune : ainsi toute la difficulté se réduit à trouver dans quel moment un spectateur placé dans la Lune, verroit telle ou telle partie de la terre éclipsée ou couverte de la pénombre ; car on saura par ce moyen à quelle heure cette partie de la Terre aura l’éclipse, soit totale, soit partiale, soit au commencement, soit au milieu, soit à la fin, &c. Il est vrai qu’à cause de la rondeur de la Terre, & de son mouvement autour de son axe, qui fait que toutes ses parties entrent successivement dans l’ombre de la Lune, cette recherche rendra encore le calcul des éclipses de Terre plus composé que celui des éclipses de Lune. Mais plusieurs habiles astronomes nous ont facilité les moyens de résoudre tous ces problèmes ; & parmi les auteurs qui ont traité cette matiere, personne ne paroît l’avoir fait avec plus de clarté que Jean Keill dans son Introductio ad veram Astronomiam, où il employe plusieurs chapitres à la développer & à l’expliquer. Comme le détail de cette méthode seroit trop long, nous ne pouvons l’exposer ici : nous croyons que ceux de nos lecteurs qui voudront se mettre au fait de la matiere dont il s’agit, ne sauroient s’en instruire plus à fond & avec plus de facilité, que dans l’ouvrage dont nous parlons, ou dans les Institutions astronomiques de M. le Monnier, qui en sont en partie la traduction. Nous nous contenterons de dire que cette méthode consiste à projetter par différentes ellipses sur le disque de la Terre qu’on suppose vûe de la Lune, le mouvement apparent des différens points de la Terre, vû de cette même planete ; à déterminer le chemin de l’ombre de la Lune & de sa pénombre sur ce même disque ; à trouver les instans où un lieu quelconque de la Terre entre dans une partie assignée de l’ombre ou de la pénombre, & à fixer par ce moyen le commencement, la fin & les phases de l’éclipse pour un lieu quelconque.

Avant que de finir cet article des éclipses de Soleil & de Lune, il ne sera pas inutile de faire quelques remarques au sujet d’un phénomene assez singulier, & dont il est facile d’expliquer la véritable cause.

Dans les éclipses totales de Lune, même dans celles qu’on nomme centrales, parce que le centre de la Lune passe exactement par le centre de l’ombre, on s’apperçoit presque toûjours que cet astre est éclairé d’une lumiere, très-foible à la vérité, mais du moins assez vive pour que la Lune ne disparoisse pas tout-à-fait, comme il semble qu’elle le devroit faire dès qu’elle est entierement plongée dans l’ombre de la Terre, & tout-à-fait privée de la lumiere du Soleil. Quelques auteurs, pour expliquer cette apparence, ont prétendu que cette lumiere étoit propre à la Lune même, ou bien que c’étoit la lumiere des planetes & des étoiles fixes qui se trouvoit réfléchie par la Lune ; mais il est inutile de réfuter ces deux opinions : la vraie cause de ce phénomene a été découverte peu de tems après que l’on a connu les réfractions astronomiques. La Terre étant environnée de l’air, ou d’une atmosphere sphérique qui est fort épaisse, cette atmosphere brise & détourne continuellement de leur direction les rayons du Soleil ; car tous les rayons y sont rompus dès qu’ils y entrent obliquement, & ils y sont rompus de maniere qu’ils se plient vers la terre, & tombent en partie dans l’ombre ; desorte que cette ombre n’est pas entierement privée de lumiere ; & c’est la cause de cette lueur foible & rougeâtre que l’on observe sur la Lune dans les éclipses totales. La seule inspection de la figure 38. n°. 2. suffit pour faire connoître de quelle maniere les rayons du Soleil se répandent en partie dans l’ombre de la Terre, après avoir été rompus en traversant l’atmosphere terrestre. Voyez Ombre.

Au reste, comme l’atmosphere intercepte aussi la

plus grande partie des rayons du Soleil, & change la grandeur du cone d’ombre de la Terre, c’est pour cette raison que M. de la Hire augmente dans le calcul des éclipses le diametre de l’ombre d’environ une minute, parce que l’atmosphere fait à-peu-près le même effet qu’une couche de matiere opaque qui environneroit la Terre, & augmenteroit pour ainsi dire son diametre d’environ .

La Lune prend même successivement différentes couleurs dans les éclipses ; car l’atmosphere étant inégalement chargée de vapeurs & d’exhalaisons, les rayons qui la traversent par-tout, & vont tomber sur la Lune, sont tantôt plus, tantôt moins abondans, plus ou moins rompus, plus ou moins séparés, plus ou moins dirigés par la réfraction vers l’axe de l’ombre & de la pénombre ; or ces différences sont autant de sources de différentes couleurs : par cette raison, dans la même éclipse la Lune vûe de divers endroits au même tems, paroît avoir différens degrés d’obscurité, différentes couleurs, comment est arrivé dans l’éclipse du 23 Décembre 1703, observée à Arles, à Avignon, à Marseille. Les exhalaisons ou vapeurs différentes, sont comme des verres inégalement épais & diversement teints, au-travers desquels le même objet paroît différent.

La Lune s’éclipse quelquefois en présence du Soleil, lorsque ces deux astres paroissent près de l’horison, la Lune à son lever, & le Soleil à son coucher. On a vû de ces éclipses horisontales en divers tems. On en avoit observé du moins une du tems de Pline. On en vit une autre le 17 Juillet 1590 à Tubinge ; une troisieme à Tarascon, le 3 Novembre 1648, une quatrieme en l’île de Gorgone, le 16 Juin 1666. La Lune & le Soleil ne sont pas alors tous deux en effet sur l’horison ; mais la réfraction, qui éleve les objets, élevant ces astres plus qu’ils ne sont élevés effectivement, les fait paroître tous deux en même tems sur l’horison. Voyez Coucher. Voyez aussi Réfraction.

Eclipses des satellites, voyez Satellites de Jupiter.

Voici les principales circonstances que l’on y observe. 1°. Les satellites de Jupiter souffrent deux ou trois sortes d’éclipses ; celles de la premiere espece leur sont propres, elles arrivent quand le corps de Jupiter est directement posé entr’eux & le Soleil : il y en a presque tous les jours. MM. Flamsteed & Cassini nous en ont donné des tables, dans lesquelles les immersions des satellites dans l’ombre de Jupiter, aussi-bien que leurs émersions, sont calculées en heures & en minutes.

La seconde espece d’éclipses qu’éprouvent les satellites, sont plûtôt des occultations ; cela arrive quand les satellites s’approchant trop du corps de Jupiter, se perdent dans sa lumiere. De plus, le satellite qui est le plus proche de Jupiter, produit une troisieme sorte d’éclipse, lorsque son ombre, sous la forme d’une macule ou d’une tache noire arrondie, passe sur le disque de Jupiter : c’est ainsi que les habitans de la Lune verroient son ombre projettée sur la Terre.

Pour trouver la longitude, il n’y a point jusqu’à présent de meilleur moyen que les éclipses des satellites de Jupiter ; celles du premier satellite en particulier sont beaucoup plus sûres que les éclipses de Lune, & d’ailleurs elles arrivent beaucoup plus souvent : la maniere d’en faire usage est fort aisée. Voyez Longitude. (O)

ECLIPSER, OBSCURCIR, synon. (Gramm.) Ces deux mots sont pris ici au figuré : ils different alors, en ce que le premier dit plus que le second. Le faux mérite est obscurci par le mérite réel, & éclipsé par le mérite éminent. On doit encore remarquer que le mot éclipse signifie un obscurcissement pas-