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à la plume, sont recherchés par les curieux.

Enfin son esprit étoit orné d’un grand nombre de connoissances sur son art, mais on ne peut le loüer du côté du coloris ; il n’a pas connu cette partie de la Peinture, parce que le Giorgion & le Titien n’avoient pas encore produit leurs ouvrages. Les carnations de Léonard sont d’un rouge de lie, & trop de fini dans ses tableaux y répand la sécheresse.

Michel-Ange Buonarotta, de la maison des comtes de Canosses, aussi grand peintre que sculpteur, & aussi grand sculpteur qu’architecte, naquit près d’Arezzo en Toscane l’an 1474, & mourut l’an 1564. Il fera toûjours l’admiration de l’univers, tant que la Peinture, la Sculpture & l’Architecture subsisteront avec honneur.

Ses progrès rapides qui devancerent ses années, lui firent la plus haute réputation ; il se donna des soins incroyables pour l’acquérir, & ne s’occupa toute sa vie qu’à l’étendre. A toutes les sollicitations dont ses parens l’accablerent pour l’engager à se marier, il répondit toûjours qu’il ne vouloit avoir d’autres enfans que ses ouvrages.

Celui qui a fait le plus de bruit dans le monde, est son Jugement universel ; tableau unique en son genre, plein de feu, de génie, d’enthousiasme, de beautés, & de licences très-condamnables. Je n’ai garde de les excuser. Mais à ne considérer que la Peinture en elle-même, il faut convenir que c’est un morceau surprenant, par le grand goût de dessein qui y domine, par la sublimité des pensées, & par des attitudes extraordinaires qui forment un spectacle singulier, frappant & terrible.

Michel-Ange mourut à Rome, rassasié de gloire & d’années. Le duc Côme de Médicis, après l’avoir fait déterrer en secret, fit transporter son corps à Florence, où l’on voit son tombeau en marbre, qui consiste en trois figures d’une grande beauté, la Peinture, la Sculpture, & l’Architecture, toutes trois de la même main, de celle de Michel-Ange. Nous avons aussi trois vies particulieres de ce grand homme, & c’est ce qui m’oblige d’abréger son article.

André del Sarto, né à Florence en 1488, mourut de la peste dans la même ville en 1530. Son pere étoit un Tailleur d’habits, d’où lui est venu le surnom del Sarto. Les sujets de la vie de S. Jean Baptiste, & celle de S. Philippe Bénezzi, qu’on voit à Florence, le placent au rang des célebres artistes. Il étoit grand dessinateur, bon coloriste, entendoit bien le nud, le jet des draperies, & l’art de disposer ses figures.

Il avoit aussi le talent d’imiter les originaux dans la derniere perfection. On sait qu’il fit cette fameuse copie du portrait de Léon X. qui trompa Jules-Romain lui-même, quoique l’original fût de Raphaël son maître, & que Jules en eût fait les draperies. On estime extrèmement les desseins d’André au crayon rouge, & on a beaucoup gravé d’après lui.

Pontorme, (Jacques) Giacomo Carucci, car c’étoit son véritable nom, naquit à Florence en 1493, & mourut dans la même ville en 1556. Il montra dans ses premiers ouvrages un talent supérieur, & ne remplit point dans les derniers, les idées avantageuses qu’il avoit données de lui. Il sortit de son genre, où il acquéroit une grande réputation, pour prendre le goût allemand ; c’est à cette bisarrerie qu’il faut attribuer cette grande différence qui est entre ses premiers ouvrages, fort estimés, & entre ses derniers, dont on ne fait aucun cas ; mais ses desseins sont recherchés. Il employa douze années de soins & de peines à peindre à Florence la chapelle de S. Laurent ; & la contrainte où il mit son génie, à force de limer son travail, lui glaça tellement l’imagination, qu’il ne fit qu’un ouvrage fort médiocre, & se trouva même incapable de l’achever.

Le Rosso, que nous avons nommé maître Roux, naquit à Florence en 1496, & finit ses jours à Fontainebleau en 1531. Ce peintre, qui n’eut de maître que l’étude particuliere des ouvrages de Michel-Ange & du Parmésan, est un des restaurateurs de la Peinture en France, où se trouvent la plus grande partie de ses ouvrages. La galerie de Fontainebleau a été construite sur ses desseins & embellie par ses peintures, par les frises & les ornemens de stuc qu’il y fit. Maître Roux possédoit le clair-obscur, ne manquoit pas de génie dans ses compositions, dans ses expressions & dans ses attitudes ; mais il travailloit de caprice, consultoit peu la nature, & aimoit le bisarre & l’extraordinaire. On a gravé d’aprés lui, entr’autres pieces, les amours de Mars & de Vénus, qu’il fit pour le poëte Aretin.

Volterre, (Daniel Ricciarelli de) né en 1509 à Volterre, ville de la Toscane, mort à Rome en 1566. Michel-Ange lui montra les secrets de la Peinture, qui lui procurerent beaucoup de gloire & de travail. Les ouvrages qu’il a faits à la Trinité du Mont, sur-tout dans la chapelle des Ursins, sont fort estimés ; mais en particulier sa descente de Croix passe pour un chef-d’œuvre de l’art, & pour un des plus beaux morceaux qui soient à Rome. On voit aussi une descente de Croix de Volterre dans l’église de l’hôpital de la Pitié à Paris, & une troisieme dans la collection du palais royal. Les desseins de ce peintre sont dans la maniere de Michel Ange : enfin il s’est distingué dans la Sculpture.

Civoli ou Cigoli, (Ludovico) né au château de Cigoli en Toscane, en 1559, mort à Rome en 1613, a donné plusieurs ouvrages, qui sont à Rome & à Florence. Un Ecce Homo qu’il fit en concurrence avec le Baroche & Michel-Ange de Caravage, se trouva fort supérieur aux tableaux des deux autres maîtres. Le Civoli avoit un grand goût de dessein, du génie, & un pinceau vigoureux.

Cortone, (Piétre de) né à Cortone dans la Toscane en 1596, mourut à Rome en 1669. Il montra peu de disposition pour son art dans les commencemens, mais un travail assidu développa son génie. Il se fit connoître par l’enlevement des Sabines & par une bataille d’Alexandre, qu’il peignit dans le palais Sacchetti. Il augmenta sa réputation par les peintures à fresque du palais Barberin. Enfin le grand-duc Ferdinand II. employa ce célebre artiste pour décorer de ses ouvrages son palais ducal & ses galeries.

Son tableau de la Trinité est dans la chapelle du S. Sacrement de S. Pierre de Rome. La chapelle de Sixte, au Vatican, est ornée, entr’autres peintures, d’une Notre-Dame de pitié, du Cortone. On voit de ce maître à l’hôtel de Toulouse, le Romulus sauvé, présenté par Faustule à Acca Laurentia : morceau précieux. Cet excellent artiste s’est encore distingué dans l’Architecture. Il fut inhumé dans l’église de sainte Martine, qu’il avoit bâtie, & à laquelle il laissa cent mille écus romains.

Romanelli, (Jean-François) né à Viterbe en 1617, mort dans la même ville en 1662. Il entra dans l’école de Piétre de Cortone, & s’y distingua. Le cardinal Mazarin le fit venir en France, où le Roi le combla d’honneurs & de bontés. Ses principaux ouvrages sont à fresque ; on en voit encore au vieux louvre, dans les lambris du cabinet de la Reine. Romanelli étoit habile dessinateur, bon coloriste, & gracieux dans ses airs de têtes ; mais ses compositions manquent de feu & d’expression. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Ecole Françoise, (Peint.) il est difficile de caractériser en général cette école ; car il paroît que les Peintres de cette nation ont été dans leurs ouvrages assez différens les uns des autres. Dans le séjour que les jeunes éleves ont fait en Italie, les