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à la nature des actions qu’il peut intenter, ou dont il est exempt.

Les priviléges qui ont rapport à la conservation du domaine, consistent dans son affranchissement de la condition commune des autres héritages, suivant laquelle ils sont susceptibles de toute sorte de convention, donation, vente, échange, & autres dispositions, & sujets aux droits rigoureux de la prescription ; au lieu que le domaine hors du commerce des hommes, ne peut être aliéné ni prescrit.

Les priviléges du domaine qui ont rapport aux tribunaux où les causes qui les concernent doivent être traitées, consistent en ce que la connoissance des causes qui intéressent le domaine, ne peut appartenir aux juges des seigneurs, ni même à tous officiers royaux, mais seulement à ceux à qui cette attribution a été spécialement faite, soit en premiere instance, soit par appel, ainsi qu’il sera dit plus au long en parlant de la jurisdiction du domaine : de-là la maxime attestée par tous les auteurs, que, quoique le domaine soit enclavé dans la justice d’un seigneur, il ne peut être soûmis à sa justice, & qu’une terre qui y étoit soûmise auparavant, cesse de l’être, lorsqu’elle est acquise par le roi, comme le décide Loiseau des seigneuries, chap. xij. n. 21 & 22. & Chopin, liv. du domaine, tit. 12. n. 3.

Les priviléges du domaine qui ont rapport à la nature des actions que le Roi peut intenter, sont la préférence sur les biens des fermiers de ses domaines, fixée par un édit du mois d’Août 1669 à trois différens objets, sur les meubles & deniers comptans, les immeubles & les offices : la contrainte par corps qui peut être exercée pour le payement des revenus du domaine, aux termes de l’art. 5. du titre 34. de l’ordonnance de 1667 : le droit de plaider main garnie, & d’obliger à la représentation de titres : le droit de se pourvoir même contre des arrêts contradictoires, ou par la voie des lettres de rescision, contre des actes passés, soit au nom du roi, soit au nom de celui qui l’a précédé, à quelque titre que ce puisse être : l’affranchissement de toutes dispositions des coûtumes, ou sa condition fixée par des lois générales & par les ordonnances du royaume.

Enfin les priviléges du domaine qui ont rapport à la nature des actions dont il est exempt, sont de ne pouvoir être sujet à aucune action de complainte ; (car cette action qui suppose une voie de fait, une violence, & par conséquent une injustice, ne peut être intentée contre le Roi, qui est la source & le distributeur de toute justice, sans blesser la révérence dûe à la majesté du prince) : de ne pouvoir également être sujet à l’action du retrait lignager : la raison en est que lorsque le roi acquiert un héritage, on doit présumer qu’il a en vûe le bien & l’utilité de l’état, qui doit l’emporter sur l’objet qu’ont eu les coûtumes de conserver les héritages dans les familles.

Aux exemples des actions qui ne peuvent être intentées contre le domaine, il faut ajoûter ceux des exceptions qui ne peuvent lui être opposées, telles que la péremption d’instance, la compensation, la cession de biens, les lettres de répi, les lettres d’état, les lettres de bénéfice d’inventaire.

On terminera ce détail des priviléges du domaine, en ajoûtant que les causes qui le concernent, ne peuvent être évoquées, même dans le cas où le procureur du roi n’est pas seule partie, mais seulement intervenant dans un instance qu’un autre auroit commencée, suivant la décision de Chopin, liv. II. du domaine, tit. xv. n. 13.

Il est aussi nécessaire d’observer que plusieurs de ces priviléges, tels que l’inaliénabilité & l’imprescriptibilité, n’ont lieu que pour le domaine ancien ou fixe, & ne conviennent point au domaine casuel,

c’est-à-dire aux biens qui échoient au roi par droit d’aubaine, bâtardise, deshérence, confiscation, épave, & autres semblables revenus casuels, dont il est libre au roi de disposer comme il le juge à-propos, aussi long-tems qu’ils n’ont point acquis la qualité de domaine fixe.

La nature du domaine établie, les différentes especes des parties dont il est composé étant distinguées, ses priviléges étant connus, il n’est pas moins utile de savoir comment il peut être conservé, augmenté, ou diminué.

Conservation du domaine. Pour assûrer la conservation du domaine, outre les priviléges ci-dessus détaillés, on a en divers tems pris plusieurs précautions.

Il a été ordonné par un arrêt du conseil, du 19 Septembre 1684, que les fermiers, sous-fermiers, engagistes, ou autres possesseurs du domaine, remettroient leurs baux & sous-baux, avec les registres, & des états en détail des domaines, au greffe du bureau des finances de chaque généralité où les biens sont situés.

Une disposition d’un édit du mois d’Avril 1685, porte, article 6, que les receveurs généraux du domaine feront mention dans les états au vrai & comptes qu’ils rendront, de la consistance en détail, & par le menu, de tous les droits dépendans des domaines dans leurs généralités & départemens, tant de ceux qui sont entre les mains du roi, que de ceux qui sont aliénés ; & par l’article 7, il est dit que les fermiers & engagistes des domaines seront tenus à la Ire sommation de fournir aux receveurs généraux, des états en détail par eux dûment signés & certifiés, des domaines & droits domaniaux dont ils joüissent : même les engagistes & détempteurs des domaines, de donner une fois seulement à chaque mutation des copies en bonne forme de leurs titres & contrats, & des édits & déclarations, en vertu desquels les aliénations leur auront été faites ; & de dix ans en dix ans, de pareils états, à cause des mutations qui y arrivent de tems en tems, signés & certifiés par eux ; lesquels états, les receveurs généraux vérifieront sur les papiers-terriers qui auront été faits dans l’étendue de leurs généralités, & desquels ils prendront communication aux chambres des comptes & aux bureaux des finances, pour sur iceux & sur lesdits états dresser leurs comptes. Deux édits postérieurs du mois de Décembre 1701, art. 16, & de Décembre 1727, art. 8, renouvellent la même remise des états en détail des domaines, que le dernier prescrit de rapporter tous les cinq ans.

Dans cette même vûe de la conservation du domaine, on a prescrit par rapport aux fiefs, que les actes de foi & hommage, & les aveux & dénombremens, seroient renouvellés non-seulement à chaque mutation de vassal, mais encore à l’avenement de chaque roi à la couronne, suivant l’arrêt du conseil du 20 Février 1722, & que tous les actes seroient déposés à la chambre des comptes de Paris. Par rapport aux rotures, on a ordonné de renouveller les terriers, & d’exiger de nouvelles déclarations des détempteurs : les arrêts les plus modernes, à l’égard de la ville & prevôté de Paris, sont du 28 Décembre 1666, & du 14 Décembre 1700.

A ces précautions prises pour la conservation du domaine, il faut ajoûter celle de la création qui a été faite en différens tems, d’officiers chargés spécialement d’y veiller ; tels que les receveurs & les contrôleurs généraux des domaines & bois créés par les édits des mois d’Avril 1685, & Décembre 1689.

Enfin par l’article 5 de l’édit du mois de Décembre 1701, on a ordonné l’ensaisinement de tous les contrats & titres translatifs de propriété des hérita-